Intérêts de l’hémogramme lors de processus néoplasiques - La Semaine Vétérinaire n° 2077 du 29/04/2025
La Semaine Vétérinaire n° 2077 du 29/04/2025

Biologie médicale

FORMATION CANINE

Auteur(s) : Mylène Panizo

Conférencière

Catherine Trumel (T 91), diplômée de l’European College of Veterinary Clinical Pathology (ECVCP), professeure responsable de l’unité pédagogique de biologie médicale de l’école nationale vétérinaire de Toulouse (ENVT) et du laboratoire central de biologie médicale de l’ENVT.

Article rédigé d’après la webconférence « Intérêt de l’hémogramme lors de cancer », organisée par le laboratoire Idexx, le 12 décembre 2024.

L’hémogramme est une analyse indispensable à réaliser, aussi bien lors de suspicion d’un processus néoplasique que pour le suivi des cancers. Il est fondamental de systématiquement interpréter de façon conjointe les résultats chiffrés de la numération formule sanguine, les graphiques associés et le frottis sanguin.

L’hémogramme est généralement modifié lors de cancers, notamment parce que les processus néoplasiques sont des maladies chroniques (anémies non régénératives fréquentes) induisant une inflammation (neutrophilie, avec ou sans monocytose avec virage à gauche et avec ou sans lymphopénie). Les anomalies visibles sur l’hémogramme dans un contexte cancéreux peuvent être variées et sont parfois non spécifiques (voir tableau).

Intérêts lors d’hémopathies malignes

L’hémogramme est la clé de voûte du diagnostic des hémopathies malignes. Des anomalies sont systématiquement constatées. Sur le frottis sanguin, une population majeure blastique peut être observée, d’origine myéloïde ou lymphoïde (par exemple, des cellules géantes).

Lors d’hémopathies malignes, la lignée rouge peut être modifiée et permet de s’orienter vers :

- Une polycythemia vera (polyglobulie cancéreuse) ;

- Une leucémie aiguë myéloïde de type 6 (LAM6), appelée également leucémie aiguë érythroïde (induisant une anémie) et constatée relativement fréquemment chez le chat ;

- Un syndrome myélodysplasique, à dominante érythroïde, en particulier chez les chats infectés par le virus de la leucose féline (FeLV). Ce syndrome induit une anémie et aboutit à la synthèse de cellules de la lignée rouge, anormales et dysfonctionnelles (par exemple, des globules rouges géants).

La lignée blanche peut également être affectée et peut faire suspecter :

- Une leucémie myéloïde aiguë ou chronique. La leucémie aiguë est caractérisée par une prolifération de cellules blastiques plus ou moins différenciées, avec une origine neutrophilique, monocytaire ou plaquettaire. La leucémie chronique est caractérisée par une prolifération de cellules matures, avec notamment des neutrophiles ;

- Une leucémie lymphoïde aiguë ou chronique (leucocytose parfois sévère) ;

- Un lymphome leucémique, un myélome avec cellules circulantes, un mastocytome ou un sarcome histiocytaire avec des cellules circulantes, etc. ;

- Un syndrome myélodysplasique, avec atteinte de plusieurs lignées : la synthèse des cellules est anormale (par exemple, la présence de neutrophiles géants ou hyperlobés).

L’analyse de la lignée plaquettaire peut révéler la présence d’une thrombocytose majeure, notamment lors de thrombocytémie essentielle (il s’agit d’une leucémie myéloïde chronique) ou d’une thrombocytopénie, par exemple lors de leucémie aiguë myéloblastique de type 7 (LAM7).

La réalisation d’un myélogramme permet de confirmer la suspicion d’une hémopathie maligne.

Importance dans le suivi

La réalisation d’un hémogramme est indispensable avant chaque chimiothérapie et lors du suivi. En fonction du protocole mis en place, un hémogramme est réalisé tous les 8 à 10 jours en moyenne. D’autres variables biologiques sont importantes à suivre (en particulier les bilans rénaux ou hépatiques selon le type de chimiothérapie). La chimiothérapie déclenche la mort des cellules en prolifération. Les cellules sanguines, et notamment les neutrophiles et les plaquettes (qui ont un temps de demi-vie court et donc qui se renouvellent rapidement), sont particulièrement sensibles aux effets des molécules utilisées lors de chimiothérapie.

En cas de pancytopénie (anémie, leucopénie et thrombopénie), il est important de pouvoir différencier si celle-ci est due à une infiltration médullaire du processus tumoral (à titre d’illustration, un lymphome digestif évoluant vers un lymphome leucémique) ou à un effet secondaire de la chimiothérapie. Pour cela, il est nécessaire de réaliser un myélogramme. Cependant, cet examen peut se révéler insuffisant si la moelle contient peu de cellules. Dans ce cas, une biopsie de moelle osseuse est recommandée.

Il existe des grades de toxicité de la chimiothérapie sur les neutrophiles et les plaquettes chez le chien. Ils permettent à l’oncologue de décider de poursuivre ou non la chimiothérapie, et de réévaluer la dose nécessaire, et éventuellement d’ajouter une antibiothérapie, en fonction du grade et de la présence ou non d’une fièvre (voir tableau)*.

  • * Chavalle T., Chamel G., Denoeux P., et coll. Are severe adverse events commonly observed in dogs during cancer chemotherapy ? A retrospective study on 155 dogs. Vet. Comp. Oncol. 2022 Jun;20(2):393-403.