Changement climatique
FORMATION MIXTE
Auteur(s) : Anthony Gonçalves
L’élevage représente 12% des gaz à effet de serre (GES) mondiaux issus des activités humaines. La production de viande est la première source (67%), suivie par le lait (30%) et les œufs (3%). Avec 14% des émissions de GES, l’élevage porcin est la deuxième filière d’élevage la plus émettrice de GES, loin derrière les 60% d’émissions des élevages bovins viande et lait, selon les données d’un rapport 2023 de l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO). Produire de la viande avec un impact carbone plus faible apparaît comme un défi pour la filière porcine. Pour atteindre cet objectif, il faut déjà comprendre les sources d’émissions et pouvoir les quantifier précisément.
Des impacts variables selon les gaz
Un gaz à effet de serre (GES) est un composant gazeux qui, une fois présent dans l’atmosphère, piège une partie de la chaleur amenée par les rayons du soleil. Ce phénomène provoque une hausse de la température et un dérèglement climatique. Le dioxyde de carbone (CO2), le protoxyde d’azote (N2O) et le méthane (CH4) sont les trois principaux GES émanant directement ou indirectement de la production de viande.
Chacun d’eux possède un potentiel de réchauffement global (PRG) différent reflétant l’impact qu’ils ont dans l’atmosphère. Le CO2 a été choisi comme base. Le PRG des autres GES consiste à comparer l’impact d’un kilogramme de ce gaz sur une durée par rapport à un kilogramme de CO2, ce qui donne une valeur «équivalent carbone»: CO2 = 1; CH4 = 27,9; N2O = 273, selon le 6e rapport du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (Giec) paru en 2023. En connaissant les quantités émises pour chaque gaz, il est possible de calculer leur équivalent carbone total et ainsi estimer les émissions globales de CO2.
Un calcul établi sur toute la chaîne de production
Sans aller jusqu’au niveau de détail de la méthodologie de l’analyse de cycle de vie (qui prend en compte plusieurs paramètres environnementaux), l’impact carbone d’un élevage par le bilan des flux de GES peut être estimé. Les différents systèmes de calcul existants visent à évaluer la différence entre les captations et les émissions de GES. Dans les émissions, sont notamment pris en compte les secteurs suivants (voir schéma): la production des aliments (consommation d’énergie pour la culture, utilisation d’engrais azotés, déforestation liée au soja, fabrication d’aliments, etc.), l’élevage des reproducteurs, l’élevage des porcs à l’engraissement (émissions entériques et liées aux déjections), le bâtiment (construction et entretien), l’énergie utilisée (électricité et carburants) et la gestion des effluents à l’extérieur (stockage lisier/fumier, traitement). L’étape suivante consiste à diviser ces émissions par la quantité de viande produite par une ferme, permettant de quantifier les émissions par kilogramme de viande produite.
En France, le portail internet Agribalyse* répertorie les valeurs des émissions de GES des produits alimentaires, selon l’analyse de cycle de vie. Les valeurs liées aux produits porcins y sont présentées.
L’alimentation et les effluents, deux sources majeures d’émission de GES
Selon le 5e rapport du Giec, paru en 2014, l’alimentation des animaux représente 53,1 % des émissions de GES d’un élevage porcin, suivi par les effluents (43,1 %). L’énergie et le bâtiment jouent un rôle moindre avec respectivement 2,1 et 1,7 % des émissions. Une étude plus récente estime que la production d’aliment représente 60 % en moyenne de l’impact carbone d’un élevage avec une variabilité importante (de 31 à 76 %). Les effluents y représentent 30 % de l’impact carbone. Ces variations sont dépendantes du système d’élevage et des pratiques.
L’alimentation est une source principalement de CO2 (procédés de cultures) et de N2O (fertilisation des cultures). Les méthodes de production des matières premières influencent l’impact de l’alimentation. Par exemple, l’utilisation d’engrais minéraux ou l’usage d’une quantité importante de soja peuvent alourdir l’impact carbone de l’alimentation. Une fois digérés, les aliments vont devenir du fumier ou du lisier, utilisés pour la fertilisation des cultures et caractérisés par un taux d’azote. Ce dernier dépend du régime alimentaire. La composition des différentes matières premières, notamment leur taux de matière azotée totale (MAT), mais aussi la digestibilité des protéines vont influencer la disponibilité de l’azote pour les porcs. Le plan d’alimentation et l’indice de consommation vont définir la quantité d’azote apportée aux animaux. L’excédent d’azote est rejeté dans les urines et les fèces. Le CH4 est le principal GES émis, en lien avec la fermentation anaérobique des déjections en bâtiment et lors du stockage. Dans une moindre mesure, l’azote de ces effluents peut aussi devenir de l’ammoniac (NH3) puis du N2O, en lien avec gestion du fumier, qui est, en revanche, à très fort PRG.
Plusieurs outils de calcul développés
Actuellement, il existe plusieurs outils de calcul pour évaluer le bilan carbone d’un élevage. Le bilan réel simplifié (BRS) se distingue par sa simplicité d’utilisation. Il s’agit d’un fichier Excel développé par l’Ifip - Institut du porc accessible depuis son site internet. Le BRS utilise les données d’élevages comme la démographie des animaux présents (nombre de truies, de verrats, de jeunes truies, de charcutiers ou de porcelets), les variations des effectifs d’animaux (entrées, sorties et mortalité), les quantités et la composition des aliments utilisés ainsi que la gestion des effluents sur une période donnée. Cet outil calcule alors une estimation de la quantité de N2O et d’autres éléments chimiques comme le potassium, le cuivre ou le zinc présents dans les effluents. Une partie des GES étant directement associée à l’azote excrété, ce calculateur permet d’avoir une idée des émissions de GES de l’élevage évalué. Les données peuvent ensuite être comparées aux résultats d’un élevage similaire aux performances techniques moyennes calculés selon les références du Comité d’orientation pour des pratiques agricoles respectueuses de l’environnement (Corpen) et de suivre son évolution. Les références Corpen sont des estimations des rejets moyens azotés des animaux d’un élevage moyen calculées par une instance objective sous la tutelle du ministère de l’Écologie.
Outil d’audit développé également par l’Ifip - Institut du porc, le dispositif GEEP, pour gestion environnementale en élevage porcin, pousse l’objectif plus loin. Ce dernier expose 9 indicateurs environnementaux. En dehors des GES, il calcule les consommations en eau et en énergie, la production d’azote et de phosphore, les émissions gazeuses de NH3 et des GES et la gestion des déchets. Le résultat ne reste qu’une estimation selon les pratiques et les résultats techniques. L’outil GEEP fonctionne en réseau d’utilisateur permettant la genèse d’indicateurs individuels qui pourront être valorisés collectivement et comparés avec des moyennes et des écarts-types sur des périodes différentes. L’objectif individuel est de faire un bilan, de mettre en place des solutions et d’objectiver leur impact écologique.
* Base Agribalyse 3.2 : bit.ly/4jMlfl9