Société
ANALYSE CANINE
Auteur(s) : Par Irène Lopez
Depuis mars 2025, un arrêté encadre l’accueil des animaux de compagnie en Ehpad, dans un objectif affiché de respect des droits et du bien-être des personnes âgées. Mais derrière cette avancée, les modalités concrètes d’application laissent place à des zones d’ombre.
Jusqu’en 2024, l’accueil des animaux de compagnie des résidents d’établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) n’était pas impossible, mais il restait soumis à l’accord de chaque structure et aux conditions qu’elle posait pour ce faire. Dans les faits, l’immense majorité des résidents possédant un animal de compagnie devait s’en séparer au moment d’entrer en maison de retraite. Le Code de l’action sociale et des familles stipule, à l’article L. 311-9-1 : « Sauf avis contraire du conseil de la vie sociale […], les établissements […] garantissent aux résidents le droit d’accueillir leurs animaux de compagnie, sous réserve de leur capacité à assurer les besoins physiologiques, comportementaux et médicaux de ces animaux et de respecter les conditions d’hygiène et de sécurité définies par arrêté du ministre chargé des personnes âgées. » Les modalités pratiques de cet accueil ont été fixées par l’arrêté du 3 mars 2025. Tout animal de compagnie, en dehors des chiens de 1re catégorie et de 2e catégorie, peut donc, en principe, être accueilli par le résident, sans condition de taille.
Le rôle central du certificat vétérinaire
Figure également dans l’arrêté l’obligation de produire un certificat vétérinaire. Il est délivré par un praticien compte tenu, d’une part, des informations portées à sa connaissance et, d’autre part, d’un examen de l’animal. Le document comprend les mentions suivantes : l’identification de l’animal ; ses caractéristiques (espèce, race le cas échéant, âge, poids et autres signes distinctifs) ; le cas échéant, les vaccinations réalisées ; éventuellement, un certificat vétérinaire de stérilisation ; si nécessaire, les traitements et soins requis ; et la non-dangerosité et la capacité à cohabiter de l’animal.
« Les cinq premiers points ne poseront pas de soucis ; le sixième est plus problématique, alerte Nathalie Simon (A 79), vétérinaire comportementaliste en Loire-Atlantique. S’il est assez facile pour un vétérinaire de repérer un risque, cela l’est moins de dire dans quelles conditions il va se produire ou récidiver. Certifier la non-dangerosité va s’avérer être un piège potentiel. Il n'est pas si facile de s’avancer sur le fait que le chien ne mordrait pas ou ne poserait pas de problème de cohabitation une fois arrivé en espace collectif d’un Ehpad. Quoi qu’il en soit, il faudra que le praticien soit répertorié sur la liste des évaluateurs comportementaux* ».
Certains assureurs invitent d’ores et déjà les vétérinaires à prendre des précautions, comme attester uniquement de ce qu’ils ont pu constater personnellement au cours de l’examen clinique. « Précisez que certaines constatations ne valent que dans les conditions de l’examen et ne préjugent pas du comportement de l’animal dans d’autres circonstances », enjoint ainsi la société d’assurance MACSF.
Résident, famille et structure : une coresponsabilité à construire
Nathalie Simon, également formatrice de la méthode Conduite accompagnée du chien et du chat, s’interroge : « Aujourd’hui, les Ehpad ne sont plus les maisons de retraite d’antan. Il s’agit d’un établissement médicalisé qui héberge les personnes âgées dépendantes. Pour définir la capacité à s’occuper de l’animal, tout va dépendre du niveau de dépendance du résident. » Pragmatique, elle pose une série de questions : « Il va falloir, par exemple, sortir le chien pour qu’il fasse ses besoins, le promener. Qui va pouvoir s’en occuper ? Quid des déjections ? Le résident doit ramasser les crottes du chien mais encore faut-il qu’il puisse se pencher pour les ramasser, sans tomber. En outre, le niveau de dépendance de la personne aujourd’hui n’est pas forcément celui qu’elle aura dans six mois. Si le résident propriétaire du chien n’est pas mobile, il lui faudra de l’aide. »
Existe-t-il des solutions ? Deux sont proposées par Nathalie Simon : « La première serait la présence d’un chien de structure, ce qui existe déjà. Dans ce cas, l’établissement est responsable de l’animal. La seconde solution repose d’abord sur une bonne évaluation, puis sur l’anticipation des contraintes à venir, accompagnée d’une véritable collaboration avec la famille du résident : elle doit être un soutien voire, si possible, devenir le véritable propriétaire du chien pour assurer le devenir de chacun en continuité et en douceur. »
Former les équipes : un enjeu clé pour un accueil réussi
Et du côté du personnel des Ehpad ? Théo Noguer (L 20), vétérinaire canin près de Lyon (Rhône), est le fondateur de SoliVet, une association qui forme le personnel de structures d’hébergement collectif à l’accueil des animaux de compagnie. « Aujourd’hui, les équipes au sein des Ehpad ont une grosse méconnaissance de l’accueil des animaux de compagnie, constate-t-il. Nous proposons deux demi-journées de formation à destination du personnel encadrant. Qu’est-ce qu’un chat ? Quels sont ses besoins ? Peut-il vivre dans une chambre ? Qu’est-ce qu’un chien catégorisé ? etc. Nous mettons le personnel à un même niveau de connaissance. Puis nous personnalisons la formation en coétablissant des règles avec une quinzaine de personnes (y compris des membres de la direction) : la tenue des chiens en laisse dans les parties communes, la limite du nombre d’animaux par chambre, etc. Nous travaillons avec un éthologue et une éducatrice canine. »
Ces derniers apportent leur expérience de ce qui existe dans d’autres structures. Ils sensibilisent et aident les personnels à mettre en place, en amont, un réseau partenarial. « Les structures ne peuvent gérer seules l’animal, explique Théo Noguer. Nous les mettons en relation avec les vétérinaires de la région. Les structures qui jouent le jeu se faisaient des montagnes avant l’accueil des compagnons à quatre pattes. Nous les rassurons : il ne va pas y avoir de morsure tous les quatre matins, ni d’arrivée massive de puces… Dans les faits, cela se passe très bien. »
Quelles sont les obligations du résident ?
Les résidents souhaitant accueillir un animal de compagnie au sein d’un établissement doivent respecter une série de conditions d’hygiène et de sécurité :
- Produire, au moment de l’admission du résident ou de l’arrivée de l’animal, un certificat vétérinaire comportant les mentions fixées en annexe ;
- Assurer et prendre en charge les soins vétérinaires requis par l’état de santé de l’animal ;
- Veiller à l’absence de comportement dangereux de l’animal, y compris dans les espaces privatifs ;
- Respecter les règles, fixées par le directeur de l’établissement pour assurer l’hygiène, la sécurité des personnels et des résidents ou la tranquillité des résidents et relatives aux espaces soumis à des interdictions ou des restrictions d’accès pour les animaux ;
- Fournir en permanence un accès à une eau propre et potable, renouvelée autant que nécessaire, dans un récipient que le résident tient propre ;
- Prendre en charge la nourriture adaptée aux besoins de l’animal ;
- Fournir les soins quotidiens permettant d’assurer le bien-être de l’animal ;
- Fournir et mettre à disposition de l’établissement le matériel permettant de contenir l’animal si besoin.
Source : article 1 de l’arrêté du 3 mars 2025 « relatif aux conditions d’accueil des animaux de compagnie en Ehpad prévu par l’article 26 de la loi n° 2024-317 du 8 avril 2024 portant mesures pour bâtir la société du bien vieillir et de l’autonomie ».