Symposium
ANALYSE CANINE
Auteur(s) : Par Margaux Rysenaer
Le Symposium international de cardiologie vétérinaire 2025 a livré les dernières avancées dans la discipline, notamment sur la réparation mitrale bord-à-bord chez le chien, l’optimisation des traitements et la détection précoce des cardiopathies chez le chat.
Le dernier Symposium international de cardiologie vétérinaire (ICVS), en partenariat avec Boehringer Ingelheim, a réuni un panel d’experts pour présenter les mises à jour sur les dernières évolutions en cardiologie vétérinaire, le 26 mars 2025, en visioconférence.
Mises à jour sur la réparation bord-à-bord de la valve mitrale
La maladie dégénérative de la valve mitrale (MVD) est une affection cardiaque courante chez le chien, souvent responsable de régurgitation et pouvant conduire à une insuffisance cardiaque. La technique de réparation bord-à-bord de la valve mitrale, initialement développée en cardiologie humaine, a été adaptée à la médecine vétérinaire. Chez le chien, cette intervention est réalisée à l’aide du dispositif V-Clamp1, implanté par une approche chirurgicale transapicale. Contrairement à la méthode percutanée utilisée chez l’homme, cette technique nécessite un accès direct au cœur par l’apex du ventricule gauche.
L’objectif principal de cette opération est de réduire le volume de régurgitation mitrale en « rapprochant » les feuillets antérieur et postérieur de la valve mitrale. Cette action améliore ainsi sa fermeture et diminue le reflux sanguin dans l’oreillette gauche. La sélection des animaux malades repose sur des cas d’insuffisance mitrale sévère (fraction de régurgitation supérieure à 50 %, volume de régurgitation supérieure à 1,2 ml/kg et supérieure à 50 % de la surface atriale gauche au doppler couleur), des vitesses de remplissage ventriculaire gauche élevées (onde E2 supérieure à 1 m/s) et des signes de remodelage cardiaque secondaire (AG/Ao, soit le rapport atrium gauche/aorte, supérieur à 2 ; VGdN3 supérieure à 1,9). L’anatomie du chien est également un critère clé, avec un prolapsus des segments centraux des deux feuillets mitraux et un diamètre de l’anneau mitral entre 14 et 20 mm. Les candidats idéaux à ce type d’intervention sont des chiens en stade B2 avancé ou en début de stade C de la classification Acvim4.
Comme toute intervention chirurgicale, cette procédure présente des risques, notamment la thrombose, la sténose mitrale et le détachement du dispositif. La thrombose est mieux contrôlée grâce à un traitement anticoagulant peropératoire avec héparine fractionnée. La sténose mitrale, bien que rare, peut survenir en particulier chez les chiens de petite taille présentant un petit diamètre valvulaire. Le détachement du dispositif, notamment sur le feuillet postérieur, est une cause majeure d’échec et peut aggraver l’insuffisance valvulaire. Par conséquent, les gestes plus délicats et pointus sont l’ancrage et la fixation du dispositif sur les feuillets, permettant, quand réalisés de manière optimale, d’améliorer les résultats postopératoires. Des arythmies transitoires comme le rythme idioventriculaire accéléré ou la fibrillation atriale sont fréquentes mais généralement autolimitantes et les saignements demeurent minimes.
Grâce à une pratique en constante évolution, la majorité des chiens opérés bénéficient aujourd’hui d’un pronostic favorable. Cette progression s’appuie sur l’expertise de centres de référence, comme la Colorado State University (États-Unis), où le professeur Chris Orton et l’assistante professeure Brianna Potter ont réalisé 117 interventions entre janvier 2021 et fin mars 2025. Ce volume important témoigne non seulement de l’expérience croissante de cette équipe pionnière, mais aussi de l’engagement plus large des vétérinaires spécialistes à affiner cette technique innovante, à travers une formation rigoureuse et un suivi postopératoire particulièrement attentif. Avec désormais quatre années de recul, les données issues de ces opérations confirment une faisabilité technique élevée (97 %), une amélioration significative du remodelage cardiaque, ainsi qu’une survie sans événement cardiaque atteignant 78 % à deux ans. Ces résultats renforcent la légitimité de cette approche mini-invasive dans la prise en charge de l’insuffisance mitrale chez le chien et ouvrent la voie à une adoption plus large dans les années à venir.
L’ajustement du traitement, sujet à débat
Dans la prise en charge des maladies cardiaques avancées, de nombreux cardiologues ont tendance à doubler les doses de médicaments, notamment le pimobendane, souligne Sonya Gordon, professeure de cardiologie à la Texas A&M University College of Veterinary Medicine (États-Unis). Cependant, la recherche suggère une courbe de réponse sigmoïde, indiquant qu’une augmentation excessive de la dose ne procure pas nécessairement de bénéfices supplémentaires5. Toutefois, cette étude présente des limites, indique la conférencière : elle s’est déroulée sur seulement 10 jours et concernait des chiens atteints de MVD au stade B2. Les chiens au stade C pourraient en tirer davantage de bénéfices. Une étude à plus long terme est en cours. Dans les cas graves, l’ajout d’amlodipine peut être envisagé car il réduit la résistance vasculaire et améliore le débit cardiaque. Et cela même en cas de pression artérielle dans les limites basses de l’intervalle de référence (par exemple, 115 mmHg). Une faible dose d’amlodipine peut être bénéfique sans entraîner d’hypotension excessive6.
Le rôle des inhibiteurs de l’enzyme de conversion de l’angiotensine et de la spironolactone dans l’insuffisance cardiaque reste sujet à débat. Bien que ces médicaments soient couramment prescrits, les données issues d’études cliniques telles que BESST7 et VALVE8 montrent des résultats mitigés quant à leur efficacité en stade C. Néanmoins, malgré l’absence de bénéfice démontré en matière de survie lorsqu’ils sont ajoutés au traitement standard (pimobendane + diurétiques), de nombreux cliniciens continuent de recommander une inhibition du système rénine-angiotensine-aldostérone, en particulier chez les chiens recevant des doses élevées de diurétiques, en s’appuyant sur les bases physiopathologiques de l’insuffisance cardiaque chronique.
En pratique, certains cardiologues préconisent d’augmenter les doses initiales, estimant que les recommandations sont trop basses, tandis que d’autres considèrent que les doses standards sont suffisantes, s’appuyant sur les données existantes. Finalement, l’ajustement du traitement repose sur l’évaluation clinique de chaque animal et sur la tolérance aux médicaments.
Concernant les nouveautés thérapeutiques, Boehringer Ingelheim a annoncé l’arrivée sur le marché européen d’une forme liquide de Vetmedin (pimobendane) en septembre 2025. Cette nouvelle formulation facilitera l’administration, permettra un dosage précis, crucial pour les petites races, et assurera une administration rapide en cas d’urgence, assure le laboratoire.
La radiographie reste utile pour un dépistage précoce chez le chat
Le diagnostic des maladies cardiaques structurelles chez les chats est un autre sujet d’actualité en cardiologie vétérinaire, en raison de la fréquence croissante de ces affections, de la gravité des complications associées (insuffisance cardiaque et thrombo-embolisme) et du besoin croissant de méthodes de dépistage accessibles. Alors que l’échocardiographie demeure la méthode de référence, elle est souvent indisponible dans la pratique courante, souligne Sonya Gordon. Ce constat a motivé une étude récente portant sur près de 2000 chats, établie sur des données de téléexpertise vétérinaire (Idexx), afin d’évaluer la pertinence de tests plus accessibles, tels que le NT-proBNP, le score cardiaque vertébral (vertebral heart score, VHS) et l’électrocardiogramme (ECG), dans la prédiction de maladies cardiaques cliniquement significatives.
Parmi les paramètres clés identifiés, le rapport AG/Ao constitue un indicateur central. Une valeur supérieure à 1,6 est corrélée à une probabilité accrue de complications cardiovasculaires. Pour affiner l’évaluation diagnostique, d’autres marqueurs complémentaires s’avèrent précieux et permettent de renforcer la pertinence des décisions cliniques, notamment dans les contextes où l’accès à l’imagerie avancée est restreint.
Le NT-proBNP, un biomarqueur du stress de paroi cardiaque, s’est révélé très sensible pour détecter la maladie cardiaque, néanmoins avec un manque de spécificité. Cela implique qu’un taux élevé indique un risque de maladie cardiaque sans pouvoir la confirmer. Cependant, un taux normal de NT-proBNP permet d’exclure une maladie cardiaque significative.
Concernant le VHS, le seuil de 8,5 a montré une bonne précision pour distinguer une cardiomégalie (cardiopathie) d’une silhouette de taille normale (absence de cardiopathie). Cela a fait de la radiographie une option diagnostique extrêmement utile lorsque des techniques d’imagerie plus avancées ne sont pas disponibles.
Les résultats de l’ECG renforcent cette approche diagnostique, avec des ondes R élevées et des arythmies servant d’indicateurs significatifs de maladies cardiaques structurelles.
Bien que l’échocardiographie soit considérée comme la méthode de référence pour le diagnostic d’affection et de maladie cardiaque, l’intégration d’outils complémentaires et plus accessibles tels que le NT-proBNP, le VHS et l’ECG peut améliorer la détection précoce et orienter les décisions de traitement, conduisant ainsi à de meilleurs résultats pour la santé des félins.