Le packaging des médicaments vétérinaires d’aujourd’hui et de demain - La Semaine Vétérinaire n° 2075 du 25/04/2025
La Semaine Vétérinaire n° 2075 du 25/04/2025

DOSSIER

Auteur(s) : Par Sarah André

Qu’il soit intelligent, écologique ou encore ergonomique, comment le packaging évolue-t-il au sein d’une sphère très réglementée ?

Bien plus qu’un simple design, le packaging des produits pharmaceutiques est désormais un outil de communication, de différenciation et d’innovation. La difficulté réside dans la balance entre la capacité à répondre à un besoin — des vétérinaires et/ou des propriétaires — tout en s’accordant aux obligations réglementaires, également en évolution.

Que dit la réglementation ?

« Depuis l’entrée en application, le 28 janvier 2022, du règlement (UE) 2019/6 du 11 décembre 2018 relatif aux médicaments vétérinaires, l’étiquetage des nouveaux médicaments vétérinaires, avec une date d’autorisation de mise sur le marché (AMM) postérieure au 28 janvier 2022, respecte les règles européennes d’étiquetage figurant aux articles 10 à 13 de ce règlement, précise Éric Vandaële, du Conseil national de l’Ordre des vétérinaires (CNOV). À l’inverse, les anciens médicaments (AMM antérieures au 28 janvier 2022) disposent d’un délai de cinq ans, soit jusqu’au 28 janvier 2027, pour appliquer ces nouvelles normes d’étiquetage. Et ces médicaments peuvent donc encore être étiquetés selon les règles nationales figurant dans les articles R. 5141-73 à 75 du Code de la santé publique (même si ces articles ont été officiellement abrogés depuis, précisément le 25 novembre 2023). »

Qu’est-ce qui a changé ? Les mentions « Usage vétérinaire » et « À ne délivrer que sur ordonnance » ont disparu et ne sont désormais plus obligatoires mais sont toujours acceptées, comme le stipule l’article 13 du règlement (UE) 2019/6 : « Les États membres peuvent, sur leur territoire et à la demande du demandeur, autoriser ce dernier à faire figurer sur le conditionnement primaire ou sur l’emballage extérieur d’un médicament vétérinaire des informations supplémentaires utiles qui soient compatibles avec le résumé des caractéristiques du produit (RCP) et qui ne soient pas une publicité pour le médicament vétérinaire. »

Depuis le 25 mars 2022, les médicaments vétérinaires ne sont plus visés par les dispositions du Code de la santé publique relatives aux listes I et II des substances vétérinaires. Les cadres rouges et verts, anciennement utilisés respectivement pour les médicaments sur liste I et sur liste II, ne sont plus obligatoires sur le conditionnement primaire. Le statut de prescription figure désormais dans le RCP et la notice du médicament.

Le groupe européen des agences nationales du médicament (Coordination group for mutual recognition and decentralised procedures – veterinary ou CMDv) a publié un guide relatif à l’application de cet article 13 dans chaque État membre. Selon ce guide, pour la France, le titulaire de l’AMM d’un médicament vétérinaire peut ainsi, sous dérogation et sans que cela soit obligatoire, rajouter le logo et le nom de l’entreprise responsable de la mise sur le marché en France, une mention de type « À ne délivrer que sur ordonnance » ou, le cas échéant, des indications comme « Délivrance interdite au public » et « Administration exclusivement réservée aux vétérinaires ».

Quelle place pour le marketing ?

Le packaging d’un produit ne doit pas représenter un élément publicitaire et doit respecter les dispositions de l’article 11 du règlement (UE) 2019/6. « Les informations doivent être claires. D’éventuels pictogrammes peuvent être apposés, seulement ceux figurant sur la liste validée par la commission européenne, souligne Arnaud Deleu, directeur des affaires économiques et de la formation du Syndicat de l’industrie du médicament et diagnostic vétérinaires (SIMV). L’article 13 mentionne les éléments pouvant être ajoutés à la demande, mais seulement s’ils sont en lien avec le RCP. Les informations à vocation publicitaire sont interdites sur les conditionnements primaires et secondaires. Par ailleurs, toute innovation, et donc nouveauté concernant le packaging, nécessite une variation du dossier d’AMM comprenant des essais de stabilité et de non-détérioration du produit. »

Outre les obligations citées précédemment, nécessaires à la clarté des informations sur une spécialité, le packaging des produits peut jouer des rôles multiples dans la stratégie des laboratoires. « Le packaging représente un support de communication intéressant pour la bonne compréhension des médicaments vétérinaires : le but est le bon usage des produits tout en respectant la réglementation, confirme Julien Rochet, président et directeur général du laboratoire Osalia. Ensuite, il s’agit d’un bon véhicule pour communiquer sur la stratégie du laboratoire. Sur nos produits OTC (over the counter), nous pouvons retranscrire notre volonté d’améliorer les pratiques pour réduire notre bilan carbone par l’importance accordée à la recyclabilité, mais pas seulement. Le packaging est un des axes d’intervention sur ce volet écologique. »

Mais le packaging oriente-t-il les choix d’achats des praticiens ? « Actuellement, il joue un rôle assez minime dans mon choix de produits, indique Laurent Lacouture (A 04), praticien dans le Cher. Nous sommes en lien avec un groupement d’intérêt économique (GIE) qui se charge des négociations médicaments. Il sélectionne souvent un laboratoire princeps et un génériqueur comme premiers partenaires et ce sont ces laboratoires que nous référençons. La galénique et le mode d’administration sont nettement plus importants que le packaging produit. »

Il semble que les laboratoires pharmaceutiques soient alignés sur ces priorités, comme l’indique Boehringer Ingelheim. « Avec mon équipe, nous croyons que le packaging doit avant tout servir le client en préservant la formulation et en facilitant son administration, explique Marie-Amélie Clerc, director global MSAT packaging du laboratoire Boehringer Ingelheim. L’identité graphique, la visibilité du nom ou encore la différenciation des couleurs participent à cette bonne administration en évitant un mésusage. »

« Dans le domaine de la santé animale, la diversité des produits et des usages vétérinaires nécessite une large variété de packaging, de la seringue de 1 ml pour administrer un traitement au chat, à l’outre de 20 l pour une application sur un cheptel de vaches, ajoute-t-elle. Nous avons à cœur de proposer des emballages adaptés et faciles à utiliser. Nous développons des packagings pour l’ensemble de nos gammes de médicaments et pour tous les pays. Par exemple, nous avons conçu une pipette spécifique pour la reconstitution et l’administration d’un vaccin buvable pour chien. L’administration est simple et réduit le risque lié à l’injection. Dans le domaine de la santé du chat diabétique, nous venons de lancer une solution orale à administrer à l’aide d’une seringue graduée spécifique. Les exemples que je vous cite ici ne concernent pas forcément la France. »

L’intérêt grandissant du volet écologique

Qu’il s’agisse de prise de conscience ou d’un des éléments d’une politique de responsabilité sociétale des entreprises (RSE), le packaging commence à prendre sa place dans ce paysage. « Le packaging occupe une place importante dans notre politique RSE qui constitue un des axes stratégiques du laboratoire Osalia sur lequel nous travaillons depuis plusieurs années déjà, confirme Julien Rochet. Le travail d’écoconception vise avant tout à réduire l’impact environnemental du produit tout en conservant ses fonctions d’usage. Par exemple, nous avons travaillé sur le packaging de notre gamme Easypill, composée de 28 produits conseil. Il représente environ 30 % des émissions de gaz à effet de serre (GES) des produits de cette gamme. C’est un des axes sur lesquels il est plus facile d’agir. En complément, la formule des produits — qui représente environ 50 % des GES — est un levier qui représente un travail plus long sur le volet écologique. »

Mais des interrogations peuvent se dresser sur le chemin de l’écoconception des packagings. « La considération écologique est importante, certes, mais elle ne peut pas se faire au détriment d’une bonne conservation produit dans le temps », exprime Laurent Lacouture. Les laboratoires pharmaceutiques sont effectivement alignés sur ce point. « Nous avons pris le temps nécessaire pour améliorer la recyclabilité du packaging tout en assurant une bonne conservation du produit, assure Julien Rochet. Ces nouveaux packagings de la gamme Easypill verront le jour courant de cette année 2025. C’est une fierté pour notre laboratoire car ces solutions n’ont pas été simples à trouver. Les matériaux de nos doypacks [sachets souples tenant debout, NDLR] seront désormais sous forme de monomatériaux 100 % recyclables. Nous réfléchissons continuellement à la manière dont nous pouvons améliorer nos autres produits. Nous agissons en priorité sur ceux sur lesquels il est plus facile d’agir dans un premier temps, sans oublier la praticité d’utilisation aussi bien pour le vétérinaire que le propriétaire. C’est très bien qu’un produit soit recyclable, mais s’il n’est pas pratique cela pourrait avoir un impact sur la prise du traitement. »

Des propos qui sont partagés par le laboratoire Boehringer Ingelheim : « Notre groupe est particulièrement conscient de l’impact environnemental des emballages, atteste Marie-Amélie Clerc. Ce critère fait partie intégrante de nos processus de développement et de décision. En tant qu’ingénieure packaging, avec mon équipe, je réalise des analyses de cycles de vie, permettant de comparer l’impact de différentes options et d’identifier des axes d’amélioration (approche holistique). L’objectif du groupe Boehringer Ingelheim est de fournir des produits de grande qualité, le packaging a pour fonction principale de protéger la formule, de garantir sa qualité et sa sécurité afin de maintenir son efficacité et son innocuité. Cette fonction est principalement apportée par le packaging primaire (en contact direct de la formule). Nous utilisons des matériaux performants, offrants des barrières aux gaz efficaces et n’interagissant pas avec les formules. Ces exigences, essentielles pour la qualité et la sécurité des médicaments, ne peuvent pas toujours être conciliées avec la réduction des quantités de matière, ainsi que l’utilisation de matériaux recyclés ou biosourcés. Nous avons plus de latitude sur les packagings secondaires et tertiaires. Nous favorisons l’usage d’encre sans solvant pour nos emballages imprimés et réduisons les quantités de matière via l’optimisation du design des packagings. Nos sites de production sont également très moteurs en conduisant de nombreux projets de réduction des déchets. »

L’innovation au cœur des enjeux du packaging

De son côté, Laurent Lacouture dresse le constat suivant : « Actuellement, nous essayons, autant que faire se peut, de délivrer uniquement la quantité nécessaire au traitement pour éviter le gaspillage et l’autoconsommation de médicaments, témoigne le praticien. Aussi, des produits facilement déconditionnables sont un réel plus pour nous. En activité rurale, les flacons souples plutôt que les flacons en verre sont une excellente chose : moins de poids à transporter, moins de risques de casse lors de la manipulation produit. Pour faire évoluer le packaging, il serait intéressant d’envisager de plus en plus des notices sous format informatique afin de ne pas surcharger les boîtes de médicaments ni de multiplier les notices pour permettre le déconditionnement. »

Les évolutions de l’emballage des produits vétérinaires vont dans le sens du volet environnemental. « Le packaging continuera à garantir la qualité de nos produits en répondant aux besoins futurs de nos clients tout en étant le plus écologique possible afin de préserver l’environnement et, par conséquent, la santé des humains et des animaux », souligne Marie-Amélie Clerc. Un point de vue partagé par le laboratoire Osalia. « Nous travaillons avec nos fournisseurs dans le cadre de notre stratégie RSE dans le but de réduire l’empreinte carbone avec des innovations, précise Julien Rochet. Le constat est sans appel : les choses bougent très vite puisque des solutions technologiques nous sont proposées cette année pour répondre à certaines problématiques alors qu’il était difficile de trouver des solutions l’année dernière. Comme le packaging est un vecteur de communication sur lequel il est plus facile d’agir, nous allons probablement proposer des innovations de plus en plus facilement dans les prochaines années. »

Arnaud Deleu

Directeur des affaires économiques et de la formation du Syndicat de l’industrie du médicament et diagnostic vétérinaires (SIMV)

« Actuellement, 75 % des emballages de médicaments vétérinaires sont recyclables »

Les enjeux de demain concernant le packaging des produits vétérinaires sont principalement d’ordre environnemental. Le premier point est l’accès à une information dématérialisée. Ce projet est en cours d’expérimentation puisque la réglementation européenne l’autorise. Avoir une notice dématérialisée permettrait de garder une information toujours à jour en plus de faire des économies de papier. Le deuxième point concerne l’impact environnemental des emballages. Depuis le 1er janvier 2025, une obligation légale1 de mettre en place une filière de recyclage va progressivement se mettre en place pour les emballages professionnels ou mixtes, comme c’est déjà le cas pour ceux des particuliers. Un système de collecte mutualisé serait une solution. Ensuite, un règlement européen2 concernant les emballages — et applicable le 12 août 2026 — a notamment pour but de produire des emballages recyclables. Le médicament vétérinaire est aujourd’hui exempté puisqu’il faut trouver des solutions pour certains conditionnements qui ne sont pas recyclables à l’heure actuelle, par exemple les blisters de comprimés — contenant un mélange de PVC et d’aluminium — ainsi que les flacons de verre borosilicate qui résistent à de hautes températures. Pour ces exemples, il serait intéressant de trouver des filières de recyclage, ou encore d’autres matériaux pour les remplacer. Malgré cela, actuellement 75 % des emballages de médicaments vétérinaires sont recyclables, ce qui est une bonne chose. Un autre objectif est de mettre des matières recyclées dans les emballages en plastique. Enfin, cette même réglementation européenne prévoit une obligation de réduire les emballages au strict nécessaire.

Que doit comporter le packaging ?

D’après le règlement (UE) 2019/6, le conditionnement primaire d’un médicament vétérinaire comporte obligatoirement certaines informations : nom, dosage et forme pharmaceutique ; composition qualitative et quantitative en substances actives (utilisant les dénominations communes) ; numéro du lot ; nom, dénomination sociale ou logo du titulaire de l’autorisation de mise sur le marché (AMM) ; espèces cibles ; date de péremption ; précautions particulières de conservation ; voie d’administration et temps d’attente le cas échéant.