La bartonellose, le danger derrière les griffes du chat - La Semaine Vétérinaire n° 2075 du 25/04/2025
La Semaine Vétérinaire n° 2075 du 25/04/2025

Prévenir les zoonoses

ANALYSE CANINE

Auteur(s) : Par Émilie Bouhsira, Séverine Boullier, Emmanuel Liénard

Troisième épisode de notre série consacrée aux zoonoses avec la bartonellose. Appelée aussi maladie des griffes du chat, la bartonellose à Bartonella henselae et secondairement à B. clarridgeiae est une zoonose bactérienne, à l’origine d’infections pouvant être graves chez les personnes immunodéprimées. Le chat, notamment errant, est le réservoir principal de la maladie.

Les bartonelles sont des bactéries à gram négatives intracellulaires qui se multiplient dans les globules rouges et envahissent également les cellules endothéliales vasculaires. Plus de 30 espèces ont été décrites dans le genre Bartonella, dont environ une dizaine sont zoonotiques. Ces bactéries sont généralement associées à un réservoir animal et sont transmises par la piqûre ou les déjections de différents arthropodes hématophages vecteurs (tiques, phlébotomes, mouches piqueuses, poux et puces). Parmi elles, Bartonella henselae et B. clarridgeiae sont deux espèces bactériennes pouvant être transmises via le chat, à l'origine de la bartonellose, aussi dite maladie des griffes du chat (MGC).

Un risque accru pour les chats d’extérieur

La séroprévalence rapportée chez le chat varie de 4 à 70 % en fonction de l’âge, du mode de vie, de la zone géographique et de l’infestation par les puces. Les individus les plus à risque sont les jeunes chats mâles, généralement non castrés, vivant dans le sud de l’Europe et ayant un accès à l’extérieur, ce qui augmente le risque d’être infestés par des puces. Les phases de bactériémie sont généralement longues, six à huit semaines, et récurrentes au cours de la vie de l’animal. Les chats sont généralement peu sensibles à l’infection et ne présentent aucun signe clinique.

Les chiens peuvent être naturellement infectés par B. henselae mais leur rôle épidémiologique est moins bien connu. L’absence de bactériémie longue suggère un rôle d’hôte accidentel et non de réservoir. Les chiens infectés peuvent présenter un tableau clinique similaire à celui de l’homme avec notamment des endocardites, évoquant un rôle de sentinelle possible pour les infections humaines.

Des griffes contaminées par des déjections de puces

Les puces (principalement la puce du chat Ctenocephalides felis) sont les vecteurs de B. henselae et B. clarridgeiae. Après infection lors d’un repas de sang sur un chat bactériémique, les puces excrètent les bactéries dans leurs déjections qui contaminent le pelage. À son tour, durant sa toilette, le chat peut alors contaminer ses griffes (ou sa bouche lors de léchage) avec des déjections de puces contenant des bactéries. Ces dernières sont alors inoculées par voie transcutanée en cas de griffure ou de morsure (par exemple, lors de jeu avec le propriétaire). Après infection lors d’un repas de sang en conditions expérimentales, les puces restent porteuses de B. henselae et excrètent les bactéries dans leurs déjections pendant une dizaine de jours. La transmission par la piqûre de puce est suspectée mais n’a jamais été démontrée. En l’absence de puces, aucune transmission n’a pu être montrée entre un chat bactériémique et un chat non infecté hébergés ensemble (même en cas de morsure ou de griffure) en conditions expérimentales. La présence de puces semble ainsi indispensable à la transmission à la fois entre chats et du chat à l’humain.

Les personnes ayant des contacts étroits et répétés avec les animaux réservoirs de B. henselae, notamment les chats et les vecteurs (les puces) constituent des populations à risques. Différentes études réalisées dans les années 2000 aux États-Unis et au Japon ont rapporté des séroprévalences de la MGC variant de 1,5 à 15 % chez les vétérinaires et professions associées (auxiliaires spécialisés vétérinaires, toiletteurs, etc.) Une étude réalisée sur 600 puces collectées sur chats et 300 puces collectées sur chiens de propriétaires vivant dans l’Ouest de la France a mis en évidence la présence d’ADN de Bartonella dans 10,5 % des échantillons collectés sur chats et 0,9 % collectés sur chiens, confirmant ainsi le rôle réservoir des chats pour ces bactéries.

Du syndrome grippal à une atteinte systémique

Chez les personnes immunocompétentes, l’infection est soit asymptomatique, soit se traduit par de la fièvre, des maux de tête et une adénopathie des nœuds lymphatiques drainant la zone de griffure (souvent les nœuds lymphatiques axillaires). L’évolution se fait généralement vers la régression spontanée en quelques semaines, même si une suppuration des nœuds lymphatiques a pu être décrite dans de rares cas.

La MGC touche majoritairement les enfants et les jeunes adultes chez qui elle est une des causes les plus communes de lymphadénopathie. Elle est considérée comme étant responsable de 70 % des cas de cette atteinte des ganglions lymphatiques chez les jeunes de moins de 18 ans. B. henselae peut aussi être à l’origine d’endocardites, comme cela est décrit chez le chien, apparaissant généralement sur une pathologie valvulaire existante. Chez les individus immunodéprimés, une infection à B. henselae peut être grave, voire mortelle, et à l’origine d’atteinte viscérale (péliose hépatique) et de prolifération vasculaire endothéliale pseudonéoplasique (angiomatose bacillaire). Des formes oculaires et neurologiques ont également été décrites.

En raison de l’évolution spontanément favorable chez la plupart des patients, une antibiothérapie n’est pas nécessaire dans les cas simples. Dans les situations plus complexes, une antibiothérapie à base d’azithromycine peut être recommandée pour accélérer la disparition des adénopathies. Une association de doxycycline et de rifampicine peut être envisagée en cas d’atteinte oculaire ou disséminée.

Prévention vétérinaire du risque

Les modalités de transmission de la bartonellose à B. henselae et secondairement à B. clarridgieae doivent être connues à la fois par le vétérinaire praticien ainsi que le personnel soignant, notamment lors de manipulation de chats difficiles, et par le propriétaire, de manière à mettre en place des mesures de prévention adaptées, en particulier dans un foyer comprenant des personnes à risque (enfants ou personnes immunodéprimées).

La transmission se faisant essentiellement par les déjections de puces, la prévention passe tout d'abord par des mesures d’hygiène de base. Elles comprennent notamment de bien se laver les mains à l’eau savonneuse après avoir manipulé un animal, d’aspirer et de laver les zones de couchage des animaux sur lesquelles pourraient se trouver des déjections de puces. Une lutte régulière contre les vecteurs en utilisant des antiparasitaires externes (APE) adaptés à la lutte contre les puces, est aussi à envisager. Certains APE ont démontré par ailleurs une efficacité dans la prévention de la transmission de B. henselae entre chats en conditions expérimentales.

D’autres espèces pathogènes

Parmi les espèces de bartonelles les plus pathogènes pour l’humain, il y a notamment Bartonella bacilliformis, agent de la fièvre d’Oroya ou maladie de Carrion, endémique au Pérou, et vectorisée par un phlébotome du genre Lutzomyia uniquement, et B. quintana, agent de la fièvre des tranchées qui a décimé des millions de soldats français, anglais et allemands lors de la Première Guerre mondiale. Cette fièvre est actuellement en recrudescence au sein de population de personnes sans domicile fixe dans les grandes métropoles d’Europe et des États-Unis. Cette bartonelle a pour vecteur identifié Pediculus humanus variété corporis, le pou du corps humain, mais certaines espèces de puces pourraient être également impliquées dans sa transmission (notamment Ctenocephalides felis).

  • Sources : bit.ly/42JC2Q5