Féminisme
COMMUNAUTE VETO
Auteur(s) : Par Anne-Claire Gagnon
Longtemps invisibles du monde vétérinaire mais toutes liées par l’amitié et la sororité, une trentaine de femmes – pour la plupart se connaissant via un pseudonyme – se sont retrouvées pour la première fois lors du week-end organisé par le Collectif vétérinaire féministe début mars 2025.
« On ne connaissait pas le visage de celles avec qui nous échangions, ce fut donc une vraie révélation pour beaucoup, dans un lieu porteur, au milieu de la nature et des animaux », a déclaré une des participantes du premier week-end organisé par le Collectif vétérinaire féministe (CVF)1. Intitulé Les Consororelles, le rassemblement a eu lieu les 7, 8 et 9 mars 2025 à Esse (Charente), au sein de la ferme écologique de Gorce de Sophie Latapie (A 07) et de son conjoint, Pierre-Antoine Raimbourg, ingénieur agronome. Tous les profils et âges étaient représentés : seniors, étudiantes, jeunes mamans, venues en couple ou encore avec leurs enfants et même des « alliés »2, qui ont assuré l’intendance et les activités pour les enfants pendant les débats.
Au fil des années, les prises de parole se sont multipliées, révélant les inégalités qui persistent dans une profession majoritairement féminine. Témoignages, discussions et constats partagés entre consœurs ont mis en lumière des discriminations systémiques, allant du sexisme ordinaire aux agressions sexuelles, en passant par les écarts de salaires et les obstacles à la progression de carrière. Ces réalités avaient abouti en janvier 2020 à une tribune signée par 50 docteures vétérinaires dans La Semaine Vétérinaire3, affirmant haut et fort que la féminisation du métier ne signifie pas la fin du sexisme, surtout dans un environnement historiquement carabin.
Un partage d’expériences fédérateur
Les conflits vie professionnelle/vie personnelle sont le sujet qui génère le plus de frustrations : « Je n’ai jamais été aussi mal que depuis que je suis mère. » Sans compter les questions récurrentes aux entretiens d’embauche — « Vous êtes mariée ? Vous voulez des enfants ? » —, la culpabilisation de la salariée en congé maternité — pourtant bien plus simple à anticiper qu’un accident de ski — ou encore la dévalorisation permanente tout au long de la vie qui renforce le syndrome de l’imposture. Les stéréotypes ont la vie dure, les femmes étant estimées moins entrepreneuriales. La concomitance de la première maternité avec la première entreprise n’arrange rien. Les inégalités sont toujours importantes dans la profession, avec une hégémonie masculine persistante (le modèle masculin reste de mise), du sexisme ordinaire, des stéréotypes de genre, une difficulté à s’associer sur un temps partiel choisi, etc.
D’autres branches ont très tôt développé la défense de l’exercice féminin — comme les femmes chirurgiennes-dentistes avec leur syndicat depuis 1935 — tout en travaillant les dossiers communs à toute la profession avec une vision autre et une approche différente des problèmes professionnels courants et quotidiens. C’est notamment à ces femmes engagées que les indépendantes (de la boulangère à la vétérinaire) doivent l’obtention en 1995 du congé maternité.
La belle énergie d’un élan collectif
Toutes les fondatrices du CVF n’étaient pas présentes, ce qui n’a pas empêché les débats d’être animés, structurés — trop pour certaines — et constructifs. « Enfin ! Y’a du boulot… Unissons-nous, toutes les générations ensemble ! On va agir ! Joie de se sentir reliées », disent en résumé les participantes, dont beaucoup sont préoccupées pour l’avenir de leurs filles. « Mes deux grands-mères étaient féministes. Elles seraient inquiètes de voir comment ce monde a régressé… », commente une maman. Un groupe de travail va désormais travailler sur une proposition de statuts autour des valeurs fédératrices de sororité, d’adelphité, d’inclusivité, de coopération, de partage, d’aide à réaliser ses ambitions et d’éducation qui unissent les membres du CVF.