Comment aller vers plus de médecine préventive ? - La Semaine Vétérinaire n° 2075 du 25/04/2025
La Semaine Vétérinaire n° 2075 du 25/04/2025

EXPRESSION

Auteur(s) : Propos recueillis par Chantal Béraud

Tant le choix des conditions d’élevage que l’observation des animaux semblent le socle de la médecine préventive efficace. Quelles sont les pistes pour la développer dans un esprit One Health ?

Alain Grépinet (A 70)

Ancien praticien rural en Haute-Savoie

ALAINGREPINET2NB.jpg

Non aux « usines » de production animale

J’ai été praticien rural en Haute-Savoie pendant plus de 20 ans. À cette époque, la plus grosse ferme dont je m’occupais n’avait qu’une centaine de vaches, ce qui reste raisonnable… Selon moi, un élevage industriel, c’est, par exemple, une exploitation avec 1 000 vaches, où l’animal n’est plus qu’une chose qui produit du lait, comme cela existe aux États-Unis. Dans mon essai La Condition animale1, j’ai justement intitulé un chapitre « Stop aux usines d’animaux ». Ceci par éthique, mais aussi par souci de prévention sanitaire. Plus les élevages sont immenses, plus ils engendrent de risques pour la santé. Car même si une « usine d’animaux » n’est pas forcément à l’origine de la survenue d’une maladie, il peut s’y produire une aggravation des maladies infectieuses d’un individu à l’autre, plus rapide en cas de surdensité. Il y a aussi des risques d'augmentation de la transmissibilité. C’est pourquoi je plaide pour que nous sauvegardions en France des élevages à taille humaine afin de pouvoir conserver des pratiques de prévention efficaces.

Sophie Latapie (A 07)

Praticienne à Confolens (Charente), éleveuse et formatrice

SophielatapieNB.jpg

Respectons les besoins physiologiques des animaux

Après 15 années d’exercice vétérinaire en clientèle mixte, j’exerce désormais majoritairement en ostéopathie et en qualité de formatrice auprès des éleveurs. J’interviens donc en tant que conseillère sur des thèmes tels que le bien-être animal ou la gestion du pâturage, le tout dans une approche systémique et holistique. Principes que je mets évidemment aussi en œuvre dans mon propre élevage. Pour avoir des bovins en bonne santé, nous avons par exemple choisi un troupeau rustique de race hereford, nourri exclusivement à l’herbe, qui pâture en plein air durant toute l’année. Ce qui nous permet de ne pas avoir à gérer la charge économique d’un bâtiment. La médecine préventive suppose d’adopter des conditions d’élevage qui respectent les besoins physiologiques des animaux. Besoins qui sont donc pour des bovins essentiellement de pouvoir bénéficier de la lumière extérieure, d’être dehors plusieurs heures par jour, de pouvoir manger des fourrages frais, etc. La première des médecines, c’est aussi d’être capable d’observer ses animaux en ayant des notions d’éthologie portant sur le comportement alimentaire et social d’un troupeau.

Henri Touboul (N 84)

Référent « One Health » pour le SNVEL et le SNGTV

HenriTOUBOULNB.jpg

Devenons davantage « proactifs »

Les éleveurs ont un rôle extrêmement important à jouer en tant que sentinelles, voire de lanceurs d’alerte dans la chaîne de détection des maladies émergentes. Quand ils repèrent des symptômes sans pouvoir les attribuer à une maladie qu’ils connaissent, ils doivent contacter leur vétérinaire traitant et éventuellement leurs réseaux techniques. Il est important que les vétérinaires les sensibilisent — sans les culpabiliser pour autant — à ce rôle majeur de détection. En cas de zoonose, il faut aussi savoir quels autres réseaux d’alerte contacter. Ce sera l’objectif des futures visites sanitaires obligatoires (VSO). Chaque clinique, y compris canine, devrait ainsi connaître les services de l’État, dont la Direction départementale de la protection des populations (DDPP) en premier lieu, les médecins généralistes ainsi que les services hospitaliers de référence se situant à proximité. Collectivement, devenons davantage proactifs dans les relations éleveurs - propriétaires - vétérinaires - professionnels de santé - écologues. À cet effet, nous co-organisons un colloque gratuit à Tours sur « L’antibiorésistance dans Une seule santé »2.

  • 1. Fin mars, Alain Grépinet a réédité son essai La Condition animale aux éditions NomBre7 (340 pages, 20,50 €), une version revue et augmentée de celui paru en 2023, Regards sur la condition animale.