Profession vétérinaire
ANALYSE CANINE
Auteur(s) : Par Anne-Claire Gagnon
Innovations diagnostiques, oncologie, bien-être des équipes et nouvelles approches thérapeutiques : le congrès 2025 de la British Small Animal Veterinary Association, fin mars, a mis en lumière les avancées en médecine vétérinaire. Retour sur les temps forts et les tendances qui façonnent l’avenir de la profession.
Le congrès de la British Small Animal Veterinary Association (BSAVA) s’est déroulé à Manchester du 20 au 22 mars 2025, avec un enthousiasme et une créativité des intervenants toujours inspirants, malgré la moindre participation des équipes vétérinaires. L’ensemble des conférences générales était réparti dans sept salles de différentes tailles avec des ateliers interactifs pour le développement personnel et professionnel et des conférences plus académiques.
Actualités thérapeutiques et technologiques
La conférence donnée par Danièlle Gunn-Moore, praticienne en médecine féline, enseignante à la Royal (Dick) School of Veterinary Studies and The Roslin Institute à Edimbourg (Écosse), sur le diagnostic et la prise en charge thérapeutique de la péritonite infectieuse féline (PIF) a fait salle comble. Imprégnée du sens clinique et de l’humour de Laurent Garosi (T 96), spécialiste en neurologie et directeur de Vet Oracle Teleradiology, sa conférence intitulée « La neurologie féline sur son smartphone » a été suivie avec le même enthousiasme. Le vétérinaire français a montré, vidéo à l’appui, combien la mise à contribution des propriétaires de chats est utile pour réaliser des vidéos des épisodes de démarches ou d’attitudes anormales à la maison. Cela permet au praticien de les regarder attentivement, de confirmer ou d’infirmer la nature neurologique du trouble et, éventuellement pour le spécialiste, de commencer à localiser la structure atteinte.
Trouver le temps et les mots en oncologie
Les mots de Guillermo Couto, professeur émérite, interniste et oncologue chez Couto Veterinary Consultants, en Ohio, aux États-Unis, ont également suscité l’engouement du public. Il n’a jamais oublié qu’il fut d’abord et avant tout un praticien vétérinaire généraliste argentin avant d’embrasser la carrière professorale dans l’Ohio. C’est toujours avec une profonde humanité qu’il s’adresse à la famille d’un animal atteint par un processus cancéreux. Pour lui, gérer l’anxiété des propriétaires et prendre le temps de répondre à leurs questions est important, d’autant que, sous le choc de l’annonce du cancer, ils oublient légitimement plus de 60 % de ce qui leur a été dit. Il est donc essentiel de leur remettre un document écrit et d’utiliser les bons mots. « Chimiothérapie » est un mot qui fait peur et condamne ; il préfère donc parler de « médicaments », même si les détenteurs de l’animal ne sont pas dupes et font des comparaisons avec ce que des proches ont pu vivre.
Exerçant désormais en téléconsultation, Guillermo Couto a partagé ce qu’il a aimé dans sa pratique : s’asseoir par terre avec le chat ou le chien, parler avec leur famille, répondre au téléphone une fois l’annonce de la maladie cancéreuse digérée et, surtout, apporter des réponses aux questions des enfants de la famille. Lors du congrès, il a utilisé un tableau blanc, écrivant les propositions thérapeutiques et l’ordre dans lequel il ferait les choses. Dans sa pratique, quand une question le dépassait, il a toujours dit, avec humilité, qu’il ne savait pas et qu’il allait chercher la réponse. C’est l’attitude qu’il suggère au vétérinaire de famille, qui doit travailler en équipe avec le spécialiste en oncologie et sur qui repose le soutien à la famille du « patient » vétérinaire. En Argentine, il se souvient avoir pleuré avec ses clients, un partage d’émotions autorisé par la culture latino-américaine.
La Flamande Evi Pecceu, spécialiste en oncologie qui a travaillé au Royaume-Uni, a exprimé toute son admiration pour le remarquable travail des nurses vétérinaires (l’équivalent des auxiliaires spécialisés vétérinaires outre-Manche). Ayant aussi travaillé en services d’urgence, elle trouve, par comparaison, le service d’oncologie moins stressant pour les équipes vétérinaires. Répondant à une question de l’assemblée qui s’interrogeait sur le faible taux de rémissions en oncologie vétérinaire, elle y a répondu avec des explications simples : le diagnostic et la prise en charge sont souvent tardifs, avec des coûts de traitement qui peuvent être pris en charge en humaine par des systèmes de mutualisation, impossible à ce jour en médecine vétérinaire.
Introspection collective en groupes de parole
Le congrès de la BSAVA reste le lieu où se construisent la culture et l’avenir de la profession britannique. Elle inspire d’autres pays en matière de développement personnel (devenu une véritable discipline reconnue pour les managers et les équipes vétérinaires), de développement professionnel, de management et de réflexion sur des outils de gestion des émotions inédits. C’était d’ailleurs la première fois que se tenait un « Schwartz group » pendant le congrès. Ces groupes de parole labellisés ont été mis en place depuis quelques années par VetMindMatters, en présentiel ou en visioconférence. Cette année, les participants, nurses et vétérinaires, majoritairement des femmes, ont pu partager de façon publique leur vécu d’une euthanasie qui les a profondément marqués. Les intervenants avaient été préparés à cette mise en lumière d’émotions assez intimes, uniques et en même temps universelles.
La mathématicienne et vulgarisatrice scientifique Hannah Fry, qui vient de rejoindre l’université de Cambridge en tant que professeure pour la compréhension publique des mathématiques, a insisté en conclusion de son intervention sur la souffrance physique, émotionnelle et morale des animaux. « Quand on pratique la communication animale, on ne peut plus la nier », assure-t-elle.
Enfin, la sécurité des animaux soignés était au cœur de nombreuses thématiques, qui passe par la civilité au sein des équipes vétérinaires, une communication bienveillante entre vétérinaires et nurses, afin de bien comprendre les tâches et d’être heureux de travailler. La culture de la sécurité psychologique des membres des équipes vétérinaires est le socle de la sécurité des patients.