« La production de vaccins contre la FCO et la MHE est à son maximum » - La Semaine Vétérinaire n° 2074 du 18/04/2025
La Semaine Vétérinaire n° 2074 du 18/04/2025

Prophylaxie

PHARMACIE

Auteur(s) : Propos recueillis par Michaella Igoho-Moradel

Dans un contexte marqué par des tensions d’approvisionnement et une demande croissante en vaccins contre la fièvre catarrhale ovine et la maladie hémorragique épizootique, Jean-Louis Hunault, président du Syndicat de l’industrie du médicament et diagnostic vétérinaires (SIMV), fait un état des lieux de leur production, les causes des ruptures en cascade et les solutions envisagées pour sécuriser l’approvisionnement vétérinaire.

Quels laboratoires produisent actuellement des vaccins en France, et quelle est leur capacité de production pour la FCO et la MHE ?

La France est le premier producteur de médicament en Europe et exporte dans le monde entier ses produits. On peut mentionner sur notre territoire différents sites de fabrication de vaccins chez Boehringer Ingelheim, Virbac, Ceva (auto-vaccins), Filavie (auto-vaccins). Les capacités de production dépendent de chaque ligne de vaccins. À titre d’exemple, Boehringer Ingelheim Lyon-Porte-des-Alpes à Saint-Priest (Rhône), avec près de 700 collaborateurs et une surface de 21 hectares, a l’un des plus grands sites de production de vaccins vétérinaires au monde. Les investissements sont aussi d’actualité. Virbac va, par exemple, investir entre 200 et 300 millions d’euros à Carros (Alpes-Maritimes) pour la construction d’un site de production de vaccins chiens-chats.

Concernant la fièvre catarrhale ovine (FCO), seul le laboratoire Boehringer Ingelheim est fabricant sur le territoire national. Inovet et Melchior sont les importateurs des vaccins fabriqués en Espagne et complètent ainsi l’offre vaccinale. Pour le sérotype 3, la demande est très forte en Europe, la production industrielle a augmenté pour y faire face. Pour le sérotype 8, la demande est très évolutive et difficilement prévisible mais nous prévoyons un retour à la normale. Pour le sérotype 12, Boehringer Ingelheim se prépare à un développement et un enregistrement de son vaccin. Pour le sérotype 1, le gouvernement a fait des annonces de commandes, mais le Syndicat de l’industrie du médicament et diagnostic vétérinaires (SIMV) n’a pas été consulté.

Quant à la maladie hémorragique épizootique (MHE), Ceva, avec son partenaire espagnol CZV, a délivré 100 % des besoins du marché entre septembre 2024 et le 23 janvier 2025, soit près de 4 millions de doses sur la période. Malgré une intense communication entre le laboratoire Ceva, les filières concernées et leurs partenaires (bovins allaitants, broutards et bovins laitiers) fin 2024 pour anticiper les besoins, une très forte accélération des demandes de vaccins en début d’année a conduit à une première rupture d’Hepizovac le 23 janvier, soit quatre mois après son lancement. Rupture partiellement levée grâce à la livraison d’un nouveau lot de doses en février. Actuellement, la demande reste très élevée et de nouveaux lots ont été livrés fin mars et le seront les mois suivants (près de 4 millions de doses échelonnées de mars à juin). Au total, 6,5 millions de doses auront été livrées entre septembre 2024 et juin 2025. Une extension de la maladie à d’autres pays pourra entraîner une adaptation du délai de production en fonction de la demande additionnelle.

Quelles sont les principales raisons des tensions d’approvisionnement récentes ?

Une communication de l’ancien directeur de l’Agence nationale du médicament vétérinaire (Anses-ANMV) Jean-Pierre Orand dans le bulletin de l’Académie vétérinaire de France* en avait montré la nature. Le développement des virus dans de nombreux pays occasionne une forte demande et est difficilement prévisible. Le cycle industriel nécessite d’anticiper le plus possible ces développements. La demande est également très évolutive. Les États peuvent rendre des vaccinations obligatoires. Les principales origines de ces ruptures sont des problèmes de production, d’approvisionnement en matière première ou de qualité. Pour les maladies émergentes, c’est la difficulté à estimer la demande. Nos industriels s’adaptent au maximum à ces contraintes mais nous en appelons à une planification et une anticipation le plus tôt possible, surtout dans le cas de réponses aux émergences et de la maladie faisant l’objet de plan de vaccination. On observe une très forte accélération de la demande française et européenne de vaccins contre la MHE depuis janvier et avant la mise à l’herbe des animaux. La vaccination contre la MHE rendue obligatoire en Belgique notamment a accentué les tensions d’approvisionnement ces dernières semaines. En l’absence de plan de vaccination officiel, la vaccination sur la base du volontariat (par opposition à la vaccination obligatoire) rend difficile les prévisions de la demande. Le délai de production du vaccin contre la MHE est d’environ quatre mois. Plus généralement, les relations entre les éleveurs et leurs vétérinaires sont primordiales. Un éleveur souhaitant vacciner ses animaux doit les commander auprès de son vétérinaire afin que ce dernier puisse les précommander directement auprès des laboratoires.

Des mesures spécifiques sont-elles prévues pour éviter de nouvelles ruptures ?

De bonnes pratiques pour la gestion des ruptures d’approvisionnement d’un médicament vétérinaire ont été édictées par notre agence. Un groupe européen facilite aussi la recherche de solutions. Nous avons des industriels qui recherchent de nouveaux vaccins, d’autres augmentent leur fabrication en France ou à l’étranger, d’autres, enfin, importent des vaccins disponibles pour servir le marché français. Ce sont les efforts cumulés de ces différents acteurs qui permettent de répondre dans la majorité des cas aux besoins des vétérinaires et des éleveurs. Nous avons aussi des procédures d’information de l’ANMV pour trouver le plus précocement possible des solutions alternatives. Ces ruptures sont documentées. Six ruptures critiques sont à ce jour répertoriées sur 3 000 présentations. Nous sommes tout à fait conscients des difficultés provoquées par ces ruptures et nous faisons tout pour y remédier et en réduire la fréquence.

En ce qui concerne la FCO, la production de vaccins est à son maximum. Une grande partie des livraisons prévues dans les prochaines semaines concernent des précommandes déjà effectuées. Il est difficile de donner un aperçu exhaustif et précis des volumes des prochaines livraisons. La production de vaccins MHE est aussi à son maximum pour répondre à la demande étant entendu que les doses livrées actuellement répondent aux demandes de vaccins exprimées il y a plusieurs semaines. La demande en vaccins MHE devrait réduire drastiquement à partir du mois de mai avec la mise à l’herbe des animaux.

Y a-t-il une répartition géographique ou des critères de priorité en cas de stocks limités ?

Certains pays choisissent de passer des commandes préventivement pour sécuriser leurs approvisionnements (principe des banques de vaccins). Nous collaborons avec la mission du Conseil général de l’alimentation, de l’agriculture et des espaces ruraux (CGAAER) qui étudie comment travailler avec nos entreprises pour améliorer la souveraineté de notre pays dans ce domaine, notamment en matière de banque de vaccins. Plus notre industrie sera reconnue comme un pilier du sanitaire, plus les mesures de gestion seront facilitées. Nous en avons appelé lors des assises du sanitaire animal à un dialogue stratégique avec l’État qui doit s’installer dans la durée. Aucun plan de vaccination officiel n’établit de répartition géographique ou de critères de priorité dans l’octroi de ces vaccins. Par conséquent, comme dans le cas de tous les marchés privés, les commandes sont gérées dans l’ordre de leur réception par les laboratoires.

Quels sont les stocks actuellement disponibles pour chaque sérotype de la FCO et pour la MHE ?

Nous échangeons régulièrement avec Emmanuel Garin (GDS France), co-animateur du groupe de suivi FCO-MHE pour faire le point des besoins et nous participons au comité de pilotage (Copil) FCO-MHE du ministère de l’Agriculture. Concernant le vaccin MHE, il n’existe pas de stock tampon. Des livraisons sont prévues dans les prochains mois (900 000 doses en mars, 600 000 doses en avril et 1 million de doses respectivement en mai et juin). Le Copil FCO-MHE de la Direction générale de l’alimentation (DGAL) au ministère de l’Agriculture donne l’occasion d’un point régulier sur la situation épidémiologique, les besoins du terrain et le niveau de vaccination. Concernant la FCO, GDS France tient à jour une synthèse des volumes et des livraisons prévues à date.

  • * « Les ruptures de médicaments vétérinaires », bulletin de l’Académie vétérinaire de France, 2023. bit.ly/4iOST9H