Cystite idiopathique féline : les recommandations d’iCatCare - La Semaine Vétérinaire n° 2074 du 18/04/2025
La Semaine Vétérinaire n° 2074 du 18/04/2025

Urologie

FORMATION CANINE

Auteur(s) : Anne-Claire Gagnon

Publiées en février 2025, les dernières recommandations1 de prise en charge des affections du bas appareil urinaire (ABAU) d’iCatCare ont précisé, entre autres, leur diagnostic différentiel avec un focus sur la plus fréquente d’entre elles, la cystite idiopathique féline (CIF). L’expression clinique des différentes ABAU est similaire : dysurie, hématurie, périurie, pollakiurie et strangurie. L’élimination de toutes les causes médicales est préalable à l’établissement d’une cause d’origine comportementale. Les signes non urinaires sont fréquents et comprennent le toilettage excessif de l’abdomen, du périnée et des postérieurs (signalant une douleur), ainsi qu’une léthargie et une hyporexie. Des signes de comorbidités sont possibles : perte de poids, polyuropolydipsie, maladie rénale chronique et signes gastro-intestinaux.

L’approche diagnostique doit être logique (voir arbre décisionnel), avec un recueil des commémoratifs (en ayant si possible les volumes d’urine émis), un examen physique permettant de palper reins et vessie et une évaluation de la taille de la vessie (grande, ferme et douloureuse pour les obstructions urinaires ou petite et épaissie pour les autres affections urinaires). Un bilan hématologique et biochimique est réalisé en même temps que l’analyse urinaire.

Examens complémentaires nécessaires

Les urines seront recueillies par cystocentèse, avec une approche « chamicale », surtout en cas d’examen cytobactériologique des urines (ECBU). La lecture de la lame doit se faire dans l’heure qui suit le recueil afin d’éviter la présence de cristaux artéfactuels (voir encadré). L’expression manuelle et la cathetérisation urinaire ne sont pas recommandées pour recueillir l’échantillon à analyser.

L’imagerie est nécessaire lors de récidive ou pour exclure une urolithiase. La radiographie doit englober tout l’abdomen, avec l’urètre pelvien et pénien (des zones inaccessibles par l’échographie), idéalement après lavement. Elle sera complétée par une palpation rectale et une échographie (pour laquelle les experts renvoient à la publication de Griffin2). Le scanner et la cysto-urétroscopie sont rarement utiles.

Quels profils de chats affectés ?

La CIF est une affection douloureuse systémique, impliquant d’autres organes que la vessie. Son diagnostic est établi sur l’exclusion de toutes les autres causes. Les chats affectés peuvent avoir des problèmes de santé qui se chevauchent : comportement de maladie ou syndrome de Pandore (voir encadré). La CIF est définie comme la réponse persistante de la vessie à l’activation du système central de réponse à la menace. Cette activation se met en place pour des raisons génétiques, épigénétiques et des expériences traumatiques précoces.

La CIF est plus fréquente chez les chats d’intérieur, obèses, vivant avec d’autres chats, dont l’alimentation change souvent, utilisant de la litière non compactable et ne disposant pas de points d’observation en hauteur. La modification multimodale de l’environnement (multimodal environmental modification, ou MEMO) est donc essentielle et est devenue la référence thérapeutique.

Approche thérapeutique globale de la CIF

Les modifications du régime alimentaire seules n’ont pas prouvé leur efficacité et doivent, pour être bénéfiques, s’accompagner de modifications environnementales, en gardant à l’esprit que le changement même d’alimentation est stressant. L’action thérapeutique à long terme ou sur la récidive de CIF de compléments alimentaires (alpha-casozépine et L-tryptophane) n’a pas fait l’objet de démonstration étayée. Il est préférable de demander à celui qui prend soin de son chat d’acheter quelques marques différentes d’alimentation que son chat apprécie et de lui laisser choisir.

La douleur doit systématiquement être prise en charge, même si aucune étude ne précise l’efficacité sur les formes non obstructives de CIF des anti-inflammatoires non stéroïdiens, des opioïdes (buprénorphine transmucosale), de la gabapentine, de la prégabaline ou des anticorps monoclonaux anti-TNF. La prednisolone, le polysulfate de pentosane et les glycosaminoglycanes n’ont pas d’efficacité démontrée (malgré de bons effets placebo lorsqu’administrés comme friandises). Des traitements par radiothérapie sont actuellement en attente de validation scientifique.

Modifications environnementales

La consultation doit être conduite avec une écoute attentive, empathique, en prenant le temps d’entendre tout ce que le propriétaire de l’animal a à dire. Les comportementalistes, vétérinaires ou non, sont souvent d’une grande aide pour la mise en place et le suivi des modifications environnementales. Lors de prescription médicamenteuse, le praticien doit être vigilant à la charge mentale du propriétaire comme du chat, pour qui ce peut être un stress contre-productif. Des priorités sont à établir, en choisissant des formes galéniques appétentes, en montrant comment donner les médicaments (surtout pas dans les aliments), etc.

Tout ce qui permet aux chats de consommer plus d’eau et d’éliminer leurs urines régulièrement est bénéfique pour la prise en charge non seulement de la CIF, mais également des urolithiases, des infections du tractus urinaire et des différentes causes d’obstruction urinaire. Il doit y avoir autant de lieux d’alimentation que de chats. Le manque de propreté et d’entretien régulier (1 à 2 fois par jour et changement complet de la litière avec nettoyage du bac une fois toutes les 1 à 2 semaines) et de sécurité du lieu d’élimination peut conduire le chat à se retenir d’uriner plus longtemps que nécessaire. Les bacs doivent être assez grands, faciles d’accès, dans des lieux sécurisés, en nombre suffisant (autant que de chats + 1).

Au niveau environnemental, il est important de vérifier et de mettre en place des lieux sûrs où le chat peut se reposer, observer (hamacs, hauts d’armoire, étagères, arbre à chats). Des interactions ludiques régulières avec le propriétaire de l’animal doivent fournir des moments d’exercice physique et cognitif, qui ont des effets anxiolytiques. Les activités d’apprentissage seront fondées sur le renforcement positif. Les punitions, physiques ou vocales, sont bannies.

Toutes les odeurs fortes et désagréables (bougies parfumées, encens, produits d’entretien ménager forts) sont évitées. Même si une étude pilote sur l’utilisation des phéromones félines n’a pas prouvé leur efficacité sur les chats à CIF récidivante, elles peuvent diminuer le nombre et la durée des épisodes et contribuer à moins de comportements de peur et d’agression. Les conflits entre chats sont également une source de stress importante à prendre en charge3.

Comprendre le « sickness behavior » 

Benjamin Hart, en 1988, a qualifié les comportements accompagnant la fièvre de sickness behavior, ou comportement de maladie. Il a montré comment les manifestations comportementales de la fièvre aident celle-ci à se développer, à persister et finalement à être efficace, dans le sens où la fièvre elle-même permet à l’organisme de surmonter l’épisode infectieux. Pour Robert Dantzer, qui a commencé à travailler sur ce sujet au même moment, le comportement de maladie se caractérise par une diminution de l’intérêt pour l’environnement et un repliement sur soi-même au cours d’un état infectieux. C’est une réponse adaptative face à un tel état car elle permet à l’organisme d’utiliser son énergie pour les besoins de la réponse immune en même temps qu’elle réoriente toute l’attention du sujet sur son corps malade. Il considère que le comportement de maladie est la manifestation externe de la capacité des médiateurs inflammatoires à informer le cerveau de la survenue d’une infection microbienne, ce que les organes sensoriels ne peuvent faire. Allant plus loin dans ses recherches en neuro-psycho-immunologie, il a montré que le comportement de maladie est l’expression de ce que l’on appelle en psychologie une motivation. Cette dernière consiste en un état central qui réorganise à la fois le comportement et la cognition, plus exactement notre représentation du monde environnant et de nos possibilités d’action dans ce monde, comme le fait la peur face à un danger réel ou potentiel détecté par les organes des sens. Avec son équipe, Robert Dantzer a identifié les mécanismes par lesquels les médiateurs inflammatoires, produits par les cellules immunes qui jouent le rôle d’organe sensoriel spécialisé dans la détection du non-soi, atteignent le cerveau et déclenchent ce nouvel état motivationnel. Ses travaux ont porté également sur la dépression qui est souvent associée à un état inflammatoire et qui peut être considérée comme un comportement de maladie inadapté. Il étudie maintenant la fatigue dans ses relations avec le métabolisme corporel et la façon dont cette information est perçue par le cerveau et répercutée sur nos possibilités d’action.

Trucs et astuces pour l’analyse urinaire

- Mesurer la densité urinaire avec un réfractomètre (la dilution des urines inférieure à 1,035, sans perfusion, doit orienter vers un souci de concentration ou une action diurétique des alpha-2 agonistes utilisés pour la sédation).

- Les bandelettes urinaires ne sont pas fiables pour la densité urinaire, les globules blancs et les nitrates.

- Attention aux rares hématuries iatrogènes lors de cystocentèse. Vérifier 24 à 48 heures après sur une émission urinaire spontanée.

- La recherche des sédiments se fait dans l’heure après le recueil. Passé ce délai, les cylindres peuvent avoir disparu et des cristaux s’être formés.

- Le pH est influencé par le stress, la nature de l’alimentation et le moment de la prise alimentaire. La répétition des mesures est de mise.

- La mesure des protéines urinaires se fait grâce au rapport protéines sur créatinine urinaires (RPCU), en tenant compte d’une éventuelle inflammation ou hématurie.

- La cristallurie peut être physiologique, donc sa présence ne doit pas être surinterprétée.

- La lipidurie est normale chez le chat, se traduisant en échographie par des débris hyperéchogènes, sans ombre.

  • 1.Taylor S., Boysen S., Buffington T. et coll. 2025 iCatCare consensus guidelines on the diagnosis and management of lower urinary tract diseases in cats. J. Feline Med. Surg. 2025Feb;27(2):1098612X241309176.
  • 2.Griffin S. Feline abdominal ultrasonography: what’s normal ? What’s abnormal ? Renal pelvis, ureters and urinary bladder. J. Feline Med. Surg. 2020; 22: 847–865.
  • 3. Voir La Semaine Vétérinaire n° 2064 du 31 janvier 2025.