Confiance des jeunes : « Les praticiens ont un rôle capital à jouer » - La Semaine Vétérinaire n° 2074 du 18/04/2025
La Semaine Vétérinaire n° 2074 du 18/04/2025

Études vétérinaires

ANALYSE GENERALE

Auteur(s) : Propos recueillis par Amandine Violé

Comment être un tuteur qui appuie la confiance en soi ? Comment, en tant qu’étudiant, travailler de manière proactive sur ce sentiment, aussi inestimable que difficile à acquérir ? Mathilde Chapelay (L 24) a exploré ces questions durant sa thèse soutenue en 2024 et élaboré un guide du stage vétérinaire.

La question de la confiance en soi chez les jeunes vétérinaires est au cœur de votre thèse. En manquent-ils tant que ça ?

C’est compliqué à objectiver mais c’est ce que suggère l’analyse des verbatims extraits du Rapport sur les préjugés intergénérationnels au sein de la profession vétérinaire que j’ai mené en 2023 avec le réseau collaboratif de structures vétérinaires Smartemis. On y sondait à la fois les praticiens et les étudiants vétérinaires. Un des préjugés évalués était que les jeunes manquent de confiance en eux et d’autonomie à leur sortie d’école. En tout, 78,4 % des étudiants interrogés étaient d’accord avec cette hypothèse. Dès lors, j’ai cherché à décortiquer au cours de ma thèse* ce sur quoi reposait cette confiance en soi et comment la renforcer.

Quels sont justement les facteurs qui l’impactent ?

Ce qui est le plus ressorti des données qualitatives collectées auprès des étudiants de sixième année toutes écoles et pratiques (rurale et canine) confondues [issues de l’analyse de 140 réponses et de 105 verbatims, NDLR], c’est la peur de l’erreur. Même si certains ont déjà acquis une expérience professionnelle en fin de cursus, 69 % d’entre eux l’évoquent. Ils considèrent également être insuffisamment préparés à la réalité du terrain. Ils sont 50 % à penser manquer de connaissances théoriques et 29 % de compétences techniques. En école, on voit beaucoup de cas référés mais on est peu à savoir gérer une simple diarrhée ! Cette inadéquation joue énormément sur le manque de confiance objectivé. Un autre facteur de stress concerne la gestion de la relation clientèle, en particulier lors de conflits de valeurs (euthanasie de convenance, maltraitance animale, etc.).

Les vétérinaires praticiens ont-ils un rôle à jouer auprès des étudiants afin de les rassurer ?

L’enquête Smartemis met en lumière l’impact majeur du manque de pratique clinique lors du cursus. Lorsqu’on demande aux étudiants quelles solutions pourraient pallier cette problématique, ils évoquent tout de suite la possibilité de faire plus de stages. Ce premier rapport au métier est donc déterminant et, en ça, les praticiens ont un rôle capital à jouer. Ils véhiculent l’image de la profession. On a tous en tête un vétérinaire que l’on a rencontré et auquel on aimerait ressembler… ou inversement !

Être encadrant relève donc d’une vraie responsabilité. Tout le monde peut-il l’être ? Quelles sont les qualités essentielles pour être un bon tuteur ?

Je pense vraiment que n’est pas tuteur qui veut. Des vétérinaires ayant du mal à accorder leur confiance, n’offrant pas assez d’espace d’apprentissage ou de temps à leurs stagiaires ne devraient pas s’engager. Certains sont très stressés, d’autres moins en phase avec le métier, il faut savoir reconnaître ses limites ! Un bon tuteur est avant tout un encadrant qui souhaite transmettre son expérience et partager ses acquis. Il doit avoir à cœur de créer un climat de bienveillance et de confiance dans lequel l’étudiant se sentira à l’aise d’évoluer. C’est difficile d’arriver dans une équipe qui bouillonne souvent à 100 à l’heure. D’où l’importance d’avoir au préalable défini des référents dans l’équipe avec lesquels l’étudiant pourra échanger.

Quel est le point de départ d’un « bon stage » ?

Une idée capitale que j’aborde dans le guide, c’est de définir les attentes de chacun dès le début du stage. On parle beaucoup de clash intergénérationnel entre les praticiens expérimentés et les jeunes qui semblent ne plus se comprendre. Or il découle le plus souvent d’un manque de dialogue. En prenant le temps de formuler les attentes de chacun, on lève les incompréhensions, les quiproquos et il est alors plus simple de définir un cadre pour que le stage se déroule dans les meilleures conditions.

Vous avez montré un décalage entre la perception des étudiants sur leurs compétences et celle qu’en ont les encadrants. Comment ces derniers peuvent-ils les aider à prendre conscience de leurs capacités ?

En les responsabilisant ! Un des éléments les plus stressants pour les étudiants est la sensation d’avoir des connaissances insuffisantes. Ils pâtissent également d’un manque d’expérience et de pratique. Il faut donc les encourager à mobiliser leurs acquis et leur donner de l’autonomie, notamment dans les domaines où ils se sentent le plus à l’aise. Cela peut passer par des actes « simples » comme conduire une consultation de dermatologie — de la prise des commémoratifs à la formulation d’un diagnostic —, poser un cathéter ou faire une prise de sang. Les situations d’apprentissage doivent être renforcées dans les domaines où ils se sentent au contraire le moins en confiance (voir tableau). Pour chaque objectif réalisé, proposer un feed-back positif ou correctif permet également au stagiaire de suivre sa progression et de booster son estime personnelle.

Vous parlez aussi d’entretenir une « culture de l’erreur » qui n’est pas habituelle dans la profession. Qu’en est-il ?

Cette « culture de l’erreur » est primordiale. La peur de l’erreur tenaille les étudiants mais, en vérité, tous les vétérinaires l’ont déjà appréhendée. C’est ce que montre une thèse publiée en 2023 à ce sujet [de Leïla Assaghir, Les erreurs médicales en pratique vétérinaire animaux de compagnie, NDLR]. Les trois erreurs les plus marquantes qui y sont citées sont celles en anesthésie, de diagnostic et de prescription. Elles sont principalement effectuées durant les cinq premières années d’exercice. C’est donc aux encadrants de briser le tabou ! Parler de leurs propres erreurs, accompagner l’étudiant s’il en commet une, en discuter avec bienveillance et transparence, c’est très important.

N’est-ce pas aussi aux jeunes vétérinaires de prendre en main leur apprentissage afin de booster la confiance qu’ils se portent ? Quels conseils leur donner pour qu’ils tirent le meilleur parti de leur stage ?

Bien sûr ! La responsabilité est bipartite, c’est pour cela que mon guide pratique s’adresse aux deux publics. L’étudiant doit évidemment se montrer proactif et motivé pour que son stage se déroule comme il le souhaite. Ce sont deux qualités valorisées par les encadrants, au-delà de leurs compétences et de leur fiabilité. Il y a tout un process que j’aborde sous forme de fiches très pratiques : définir leurs attentes en premier lieu, penser leur stage en matière d’objectifs de progression clairs et atteignables, prendre le temps de réfléchir à leurs réussites et à leurs échecs, échanger en toute confiance avec leurs référents, solliciter leur aide… et tout un tas d’autres astuces !

  • * Mathilde Chapelay. Le sentiment de confiance en soi en fin de cursus vétérinaire : création d’un guide pratique du stage vétérinaire à destination des tuteurs et des stagiaires. Sciences du Vivant [q-bio]. 2024. bit.ly/44bOglF