Élevage
FORMATION MIXTE
Auteur(s) : Article rédigé d’après le webinaire portant sur le projet Alonge présenté par Julien Jurquet, responsable de projets en alimentation et nutrition des vaches laitières et en conduite des veaux et génisses à l’Institut de l’élevage (Idele), Amandine Launay, Gilles Thomas et Philippe Roussel, tous trois chercheurs à l’Idele, le 29 novembre 2024.
Pour une transition agroécologique réussie des exploitations laitières, une des pistes envisageables est de prolonger la durée de vie des vaches laitières en élevage. C’est pourquoi, dans le cadre du projet Alonge* de l’Institut de l’élevage (Idele), une équipe de chercheurs a étudié plusieurs indicateurs, à l’échelle de l’animal et de l’élevage. Objectif ? Créer des outils acceptables par les éleveurs et utilisables en pratique pour améliorer la longévité des vaches laitières. Ce projet a été mis en place pour une durée de 3,5 ans, du 1er octobre 2022 au 31 mars 2026, sur 12 215 élevages (5 millions de vaches). Les chercheurs ont utilisé les données du système national d’information génétique (SNIG ou SIG), de performance des vaches (lait, cellules, fertilité, etc.), mais aussi celles de la base de données nationale d’identification (BDNI) (naissances, fins de vie et mouvements dans les cheptels), du projet Efficow et du réseau d’élevage de bovins laitiers (Inosys), ainsi que les informations sur les causes de réforme des vaches (profils des vaches laitières réformées) et sur la conduite des génisses laitières. Les premiers résultats disponibles ont été présentés.
La longévité à l’échelle individuelle dépend de la taille du troupeau
Dans un premier temps, un état des lieux de la longévité des vaches laitières en France a été dressé, à la fois à l’échelle individuelle et à celle du troupeau, grâce aux données BDNI et SIG. Dans cette étude, la région Pays de la Loire a été surreprésentée et la région Normandie sous-représentée. Les élevages comptaient principalement des prim’holstein (57 %) et des montbéliardes (19 %). En tout, 13 % des vaches étaient traites avec un robot. La taille des troupeaux a évolué sur 10 ans : en 2022, environ 50 % des élevages comprenaient entre 50 et 100 vaches. À l’échelle individuelle, les indicateurs retenus étaient la durée de vie (âge à la réforme en jours), la durée de lactation (somme des durées de chaque lactation en jours) et la production laitière carrière (somme des quantités de lait produites en kg au cours de la carrière de l’animal). Les premiers résultats obtenus ont permis de constater que, de 2010 à 2022, la durée de vie a diminué de 60 jours (5,7 ans), la durée de lactation a réduit de 4 jours (2,6 ans) et la production laitière carrière a augmenté de 1 kg par jour de vie (24 065 kg). Dans les troupeaux de grande taille, il semblerait que la durée de vie est plus courte et qu’elle augmente avec l’âge au premier vêlage, tandis que la durée de lactation diminue. Toutefois, pour chacun de ces indicateurs, il y a une forte variabilité liée à la race, à l’âge au premier vêlage (dépendante de la race), à la production et à la durée de la première lactation (dépendante de la race), à la taille du troupeau, à l’année de réforme, à la reproduction (nombre d’inséminations artificielles et état de gestation) et à la région.
Des stratégies de renouvellement qui varient selon les cheptels
À l’échelle du troupeau, la durée de vie est définie comme l’âge moyen à la réforme du troupeau (en jours), la durée de lactation moyenne est la somme des durées de chaque lactation (en jours) sur le nombre de vaches réformées et la production laitière carrière est la somme des quantités de lait produites (en kg) sur le nombre de vaches réformées. D’après l’étude, la structure du troupeau a évolué depuis 2010 avec, en moyenne en 2021, plus de vaches par troupeaux (74,8 vaches en 2021), une production de lait brut en hausse (8 405 kg de lait) et une moyenne de vaches en fin de vie (abattues et mortes) dans chaque élevage en hausse (21,7) avec des sorties à 3,2 lactations. À l’inverse, la proportion des races de vaches présentes dans les troupeaux (notamment 56,8 % de prim’holstein et 18,9 % de montbéliardes) et le rang de lactation n’ont pas évolué. En ce qui concerne la durée de vie, les premiers résultats à l’échelle du troupeau ont montré qu’elle a diminué de 30 jours (moyenne de 5,85 ans) de 2010 à 2021. La durée de lactation est restée stable (moyenne de 2,8 ans) et la production laitière carrière a augmenté de 0,7 kg par jour de vie (26 005 kg en moyenne). En ce qui concerne la stratégie de renouvellement, elle était très variable selon les troupeaux mais aussi entre les années, selon le contexte (mise en place de quotas, par exemple). La médiane du taux de renouvellement (nombre de premières lactations commencées par rapport au nombre de vaches laitières présentes) observée est de 31,7 %. Il y a donc un effet de l’âge au premier vêlage, de la production des premières lactations et de la taille du troupeau sur les indicateurs individuels de la longévité. Néanmoins, comme la stratégie de renouvellement varie dans cette étude avec le cheptel et l’année, les chercheurs prévoient de poursuivre les travaux à l’échelle des troupeaux afin d’analyser les effets de variables explicatives sur les indicateurs troupeaux — âge au premier vêlage, production des premières lactations, taille, système de traite, région, reproduction et taux (renouvellement et réforme) — mais aussi de caractériser les troupeaux extrêmes en longévité.
Les causes de réforme sont nombreuses
Les données collectées dans une autre étude sur 309 élevages (31 % AOP, 62 % en conventionnel et 7 % en bio) ont permis de détailler les causes de réforme des vaches laitières ainsi que le lien avec leur longévité. Les élevages étudiés étaient composés en moyenne de 79 vaches (production laitière moyenne de 606 259 kg de lait) et 16 % d’entre eux disposaient de robots de traite. Sur les 33 085 vaches étudiées, 12 796 (2 825 primipares et 9 971 multipares) ont été réformées pour diverses raisons (« boucherie » à 74 %, « accident ou euthanasie » à 15 % ou « élevage ou vente » à 11 %). Parmi les multipares, les réformes étaient principalement dues à des troubles de la reproduction (21 %), des troubles locomoteurs (13 %), des comptages cellulaires élevés tels que des infections mammaires (11 %), des mammites cliniques (6 %), des troubles métaboliques (4 %), une sélection génétique (7 %), un âge avancé (9 %) ou une production insuffisante (6 %). De plus, si l’on considère le nombre de vaches sorties par rang de lactation, on constate que la majorité des vaches réformées sont primipares. Pour les primipares, la sélection génétique représentait 12 % des causes de réforme. S’ajoutent la production insuffisante de lait (16 %), la reproduction (24 %), les troubles locomoteurs (9 %), le comptage cellulaire élevé (11 %), les mammites cliniques (3 %) et les troubles métaboliques (4 %). En ce qui concerne les facteurs influençant la mise à la reproduction des vaches et donc la décision de réformer ou non, les chercheurs ont pu mettre en évidence que les primipares saines ont la probabilité la plus élevée d’être mise à la reproduction. À l’inverse, les vaches en deuxième lactation, avec un comptage cellulaire somatique (CCS) de la lactation précédente supérieur à 200 000 et au moins 2 CCS supérieurs à 200 000 en début de lactation, sont peu mises à la reproduction (77 %). Il semble donc que ce sont principalement la production laitière en début de lactation et, dans une moindre mesure, le statut mammite qui permettent d’expliquer la stratégie de renouvellement dans un élevage donné et par conséquent la longévité des animaux.