DOSSIER
Auteur(s) : Par Élodie Papin
Pour apporter toujours plus de services à leur clientèle, les vétérinaires innovent. De nouvelles consultations naissent, à la faveur d’une formation éclairante ou d’une rencontre humaine enrichissante. Toutes ont en commun le bien-être de l’animal. Des projets collectifs qui donnent du sens au métier. Tour d’horizon des tendances.
Comment naît l’idée d’un nouveau service, dans une clinique vétérinaire ? À Animovet, à Maîche (Doubs), ce sont les formations suivies par l’équipe qui ont alimenté une gamme d’examens de prévention. Une consultation pubertaire est proposée entre les 6 mois et 1 an de l’animal. « Nous avons beaucoup de grands chiens, explique Camille Prugnard (N 12), associée. Cela permet de les revoir avant que la croissance ne soit terminée, de parler du comportement et de répondre aux questions des propriétaires. » La clinique a aussi mis en place des consultations de gériatrie. « Pour les chats de plus de 12 ans et les chiens de plus de 10 ans, nous envoyons un questionnaire avec le rappel du vaccin. Les gens le ramènent au moment de la consultation et cela ouvre la discussion, raconte Camille Prugnard. Les propriétaires d’animaux vieillissants sont assez réceptifs. Il y a une forme de télescopage avec ce qui se passe chez les humains. »
Une grande partie des nouveaux services et consultations créés par les vétérinaires contactés pour ce dossier s’adressent en effet aux animaux âgés. Pour sa thèse, Anne-Charlotte Sauvé (A 24) a interrogé leurs propriétaires. « Ils recherchent une médecine personnalisée et ont besoin des conseils du vétérinaire : à quelle fréquence faire un bilan, quels signes surveiller à la maison ? » Ils sont prêts à payer pour une consultation spécialisée plus longue. « La clé, c’est de prendre le temps de discuter avec eux, de cerner les problématiques qui vont les intéresser ou les inquiéter. Car l’important, c’est de les rassurer. »
Identifier les clients réceptifs
À la clinique vétérinaire du Grand Large, à Pornic (Loire-Atlantique), les clients répondent à quelques questions sur une tablette dans la salle d’attente : l’animal boit-il plus ? A-t-il des difficultés à se lever ? « Et on leur demande sur l’application s’ils connaissent l’existence des bilans senior, et s’ils seraient intéressés pour en discuter avec leur vétérinaire », explique François-Xavier Bacot (L 02). Cela permet de ne pas insister avec les clients non réceptifs. Pour les autres, « on fait le tour du chien ou du chat, et on s’adapte aux anomalies détectées. On prend au moins un deuxième rendez-vous à jeun pour faire un bilan sanguin et pour prendre la pression artérielle des chats au calme ».
Fin de vie : les petites attentions qui font la différence
La volonté de mieux accompagner la fin de vie a donné naissance à de nouveaux services, à domicile (voir le témoignage de Marie Cibot) et dans les cliniques. Des lieux moins médicalisés apparaissent, comme l’espace sérénité imaginé par Cassandre Thomas (voir son témoignage). À Alès (Gard), Benjamin Masnou (Liège 13) a profité de l’arrivée d’un confrère venu d’une franchise de vétérinaires à domicile pour proposer des consultations à la maison à ses clients pour les vaccinations et, surtout, pour les euthanasies. « On me le demande énormément, confie l’associé d’Alèsvet. Amener leur animal en clinique, cela ajoute à la peine des gens. » Pour les propriétaires confrontés à la fin de vie de leur compagnon, toutes les petites attentions comptent. À Gar’o Chat, à Marmande (Lot-et-Garonne), l’équipe écrit au client après le décès de son animal, une « pensée personnalisée », en ajoutant, parfois, une empreinte de truffe.
Quand les rencontres confraternelles font émerger des initiatives
Une nouvelle consultation, c’est parfois une histoire de rencontres humaines. À Boulogne-Billancourt (Hauts-de-Seine), dans la clinique vétérinaire Roland-Garros, Sophie Bismuth (A 08) a accueilli au fil des années toute une équipe de cardiologues et une consultante en ostéopathie et nutrition. Le tout dans une clinique « plutôt généraliste ». « L’idée est d’offrir aux animaux une qualité de soin très importante », explique-t-elle. La condition : un plateau technique très complet. « Pour avoir des spécialistes, il faut que la structure soit à la hauteur d’un centre hospitalier, précise-t-elle. Mais pour faire ces gros investissements, il faut avoir confiance dans la personne qui vient. » Valérie Freiche (A 88) y a ouvert une consultation de gastro-entérologie en janvier dernier, en complément de son exercice à l’école vétérinaire d’Alfort. « Sophie Bismuth sait accueillir les gens. Elle est à l’écoute et ouverte à des collaborations », confie celle qui a pour projet d’ouvrir un centre hospitalier vétérinaire dans le Sud d’ici deux ans, mais qui souhaitait, en attendant, « former des confrères et passer le témoin ». Un service de physiothérapie vient également de démarrer, grâce à l’extension de la surface de la clinique.
La prise en charge de la douleur, pilier de l’accompagnement
La physiothérapie vétérinaire bénéficie en effet d’une belle dynamique en s’adressant à deux profils : l’animal en rééducation postopératoire et l’animal âgé, en particulier celui souffrant d’arthrose. En 2020, Elsa Llerena (T 15) a ouvert Physiovéto à Ostwald (Bas-Rhin), un cabinet qui y est dédié (voir son témoignage). « Mais même en clinique généraliste, on peut démarrer avec très peu de matériel, observe-t-elle, en pratiquant des mouvements de kinésithérapie simple et en formant les propriétaires. » À Animovet, la rééducation fonctionnelle s’est développée en parallèle de l’orthopédie pratiquée à la clinique, éloignée des centres de référés. « Le plus souvent, nous pratiquons la rééducation dans la salle d’attente, dans les périodes horaires creuses », précise Camille Prugnard.
L’attention à l’animal arthrosique a aussi contribué au développement des consultations douleur (voir le témoignage d’Aurore Allais). Thierry Poitte (T 83), fondateur de CAPdouleur, a élaboré une méthodologie précise pour une consultation de 45 à 60 minutes : « Elle permet de balayer tous les aspects de la douleur chronique, que nous considérons comme une maladie à part entière. L’objectif est de former une alliance thérapeutique durable avec le propriétaire. » Les assistants spécialisés vétérinaires (ASV) ont un rôle essentiel à jouer. Car ce sont elles et eux qui vont recruter les « patients ». « Il est important de les former, pour qu’elles et ils puissent faire la différence entre une douleur aiguë ou chronique », insiste Aurore Allais (Liège 11), cofondatrice de Gar’o Chat.
La fonction clé des ASV dans les nouveaux services vétérinaires
Les ASV ont également une place importante dans le conseil nutritionnel qui se développe, appuyé par des vétérinaires proposant des formations et des consultations spécialisées. C’est le cas de Marianne Peyrache (T 19), formatrice en nutrition à Arginine et accueillie à Animal Zen, à Strasbourg (Bas-Rhin), avec ses patients. « Pour une clinique généraliste, se former en nutrition permet de gagner en confiance avec les clients et cela améliore globalement l’observance », explique-t-elle. La demande existe du côté des propriétaires d’animaux atteints de troubles digestifs ou dermatologiques ou en surpoids, mais aussi pour la nouvelle clientèle de « pet-parents », parfois méfiants envers l’aliment industriel et attirés par la ration ménagère. « Se former, c’est aussi se sentir plus légitime à valoriser financièrement nos conseils, ajoute Maud Clavel (L 07), formatrice à Vetfornut. Je prends souvent l’exemple de l’avocat : il ne fait que parler, mais on le paie bien pour son conseil ! »
Recevoir les chats et leurs propriétaires dans des conditions optimales
En France, en mars 2025, 38 cliniques étaient labellisées « cat-friendly gold », le niveau le plus élevé de ce label venu du Royaume-Uni. Ces cabinets ont des salles d’attente et de consultation réservées aux chats. Dans leurs boîtes, ils sont posés en hauteur. Des tissus sont à disposition pour les couvrir. En consultation, ils peuvent se percher sur des tablettes. « L’objectif est d’avoir des chats, et donc des clients, les moins stressés possible », explique Cyril Berg (N 98), fondateur du réseau Mon Chat et Moi. « Avec ces aménagements, la différence d’attitude des chats est impressionnante. Et cela nous apporte aussi un confort de travail », appuie Benjamin Masnou. À la clinique vétérinaire du Grand Large, un arbre à chat a été installé dans la salle d’attente et des phéromones y sont diffusées. « Sans chercher absolument à avoir le label, on peut s’en inspirer pour améliorer l’accueil des chats », ajoute Cyril Berg qui propose également, dans ses structures, des programmes de santé personnalisés, avec une base composée de deux examens de santé annuels, des vaccins et des antiparasitaires. « Les clients choisissent les programmes pour la tranquillité d’esprit : les rendez-vous sont calés, les paiements mensualisés, l’équipe est disponible pour eux pour faire couper les griffes, peser leur chat », explique-t-il. Une attention appréciée par les propriétaires et sur laquelle il ne faut pas hésiter à communiquer. Elsa Llerena informe toujours ses clients, sur les réseaux sociaux, des nouveaux services qu’elle propose et des formations qu’elle réalise. « Je reçois souvent des messages de remerciements pour mon investissement », raconte-t-elle, presque surprise.
Cassandre Thomas (Liège 18)
Fondatrice de la clinique vétérinaire d’Écouves, à Alençon (Orne)
Un espace moins médicalisé pour accueillir au mieux les familles
J’ai pensé à un espace de sérénité pour les euthanasies et les visites aux hospitalisés dès la conception du bâtiment, inauguré en décembre 2024. J’ai toujours trouvé qu’il manquait un lieu moins médicalisé dans les cliniques. C’est une salle d’environ 9 m2, avec une méridienne, un plaid, des coussins et un tapis pour chien au sol. J’ai essayé de faire oublier l’aspect médical : l’évier est caché par un rideau. Une porte-fenêtre donne directement sur le parking, avec un vitrage à effet miroir, qui bloque la vue depuis l’extérieur, pour plus d’intimité. Après une euthanasie, les propriétaires peuvent sortir sans avoir à repasser par l’accueil. Cet espace me permet de laisser du temps aux gens. L’euthanasie est beaucoup plus sereine. Nous y avons même vécu de très beaux moments. Les visites aux hospitalisés sont aussi plus détendues. Les propriétaires ne s’assoient plus devant la porte ouverte de la cage, c’est plus confortable pour eux et pour l’animal. Ils peuvent même rester une heure et je peux continuer à travailler de mon côté.
Elsa Llerena (T 15)
Fondatrice de Physiovéto, à Ostwald (Bas-Rhin)
Une réelle demande pour l’accompagnement des animaux âgés
La rééducation postopératoire représente la moitié de mon activité. L’autre moitié est consacrée aux animaux arthrosiques, en complément des médicaments prescrits par leur vétérinaire traitant. Mon cabinet est équipé en matériel d’hydrothérapie et d’une plateforme de proprioception. La consultation bilan dure une heure et chaque séance 45 minutes. Mes tarifs prennent en compte ce temps important consacré à mes patients. Il y a une réelle demande pour l’accompagnement des animaux âgés et la physiothérapie donne de très bons résultats. Certains chiens retrouvent une seconde jeunesse. Pour répondre à la demande des propriétaires d’arthrosiques, j’ai aussi développé le conseil en nutrition, en gestion de la douleur et la phytothérapie. Et je propose des ateliers de proprioception et de massage, à quatre personnes avec leur animal. Cela permet aux propriétaires de gagner en autonomie. Et c’est très convivial !
Aurore Allais (Liège 11)
Cofondatrice de Gar’o Chat, à Marmande (Lot-et-Garonne)
La gestion de la douleur a tout changé pour nous
À la clinique, nous voulions être précurseurs sur le bien-être animal, car cela fait partie de la guérison. Mais nous sommes très peu formés à la gestion de la douleur pendant nos études. Nous avons suivi les formations CAPdouleur pour proposer des consultations spécialisées. Le principal motif, c’est la douleur de l’animal arthrosique. La consultation dure une heure. J’en fais deux à quatre par jour, car la clinique est désormais bien identifiée sur le sujet. L’amélioration du bien-être de l’animal gériatrique permet de renforcer le lien avec son propriétaire. Nous avons beaucoup de retours positifs, pleins d’amour et de bienveillance. Cette consultation s’inscrit dans une démarche globale de prise en charge de la douleur à la clinique, notamment pour les chirurgies, pour les chats souffrant de syndrome urinaire obstructif… La gestion optimale de la douleur, cela renforce les animaux positivement. Nous avons très peu de chats agressifs. Cela a vraiment tout changé pour nous.
Marie Cibot (N 12)
Fondatrice de Solâme
L’accompagnement de la fin de vie à la maison
Le domicile apporte une autre dimension dans les soins de fin de vie, dans l’intimité, le confort. L’objectif est d’amener du bien-être à l’animal. Lors d’une première visite, je recueille l’attente des familles, leurs besoins. Nous échangeons sur leurs valeurs, parfois sur leur spiritualité. Nous discutons, puis je réalise un examen clinique de l’animal. J’évalue sa qualité de vie. J’explique comment va évoluer sa maladie dans le temps. J’aborde la gestion de la douleur et des signes cliniques liés à la fin de vie, en partenariat avec le vétérinaire traitant. Puis je propose des aménagements de l’environnement, parfois des choses toutes simples : réchauffer une pâtée, monter la gamelle… Quand les gens sont au stade de la décision d’euthanasie, je prépare ce moment avec eux en amont. Je les fais scénariser le lieu, les étapes. Lors d’une euthanasie à domicile, le rythme est beaucoup plus lent. Je vis de très beaux moments avec eux. Je les invite à préparer des petites choses pour accompagner l’animal : des photos, des fleurs, disposées dans la housse. Ritualiser l’au revoir, c’est concrétiser l’absence. Cela permet d’ancrer le décès pour toute la famille.
10 conseils pour se lancer
1. Comprendre quels sont les besoins de vos clients, avec un petit questionnaire.
2. S’interroger : à qui va s’adresser ce nouveau service ? À quelle part de la clientèle ?
3. Faire une petite veille concurrentielle : quel confrère propose ce service dans la région ?
4. Travailler en mode projet : nommer un responsable pour la gestion globale et pour chaque tâche (un vétérinaire, un ASV ou un binôme). Prévoir du temps pour se réunir et se consacrer au projet.
5. Identifier les besoins de formation.
6. Tous les vétérinaires et tous les ASV doivent connaître le service et être capables d’en parler aux clients. Montrer à chacun comment se passe cette nouvelle consultation.
7. Communiquer vers la clientèle : brochure, mailing, réseaux sociaux… Sur le site internet, écrire un petit article sur le nouveau service pour un meilleur référencement.
8. Se donner des objectifs : fixer un nombre de consultations à atteindre sur une période donnée. Commencer petit.
9. Faire un bilan et adapter le service, en fonction des difficultés rencontrées.
10. Être convaincu pour être convaincant. Si vous créez un service dans lequel toute l’équipe trouve du sens, cela va marcher !
Sources : entretiens avec Chantal Legrand (A 88), maître de conférences associée en management et marketing à l’école nationale vétérinaire d'Alfort ; Anne-Sophie d’Oléac (N 08), coach professionnelle certifiée, fondatrice de Doceovet ; Hélène Villarroya (A 01), consultante en business development, fondatrice d’Adévet.