Traitement des thrombopénies à médiation immune : le consensus de l’Acvim - La Semaine Vétérinaire n° 2069 du 07/03/2025
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La Semaine Vétérinaire n° 2069 du 07/03/2025

Hématologie

FORMATION CANINE

Auteur(s) : Renaud Dumont

Second volet de notre série en deux parties consacrée au consensus du Collège américain de médecine interne vétérinaire (Acvim) pour l’exploration (partie 1, dans “La Semaine Vétérinaire” n° 2068 du 28 février 2025) et la prise en charge (partie 2) d’une thrombopénie à médiation immune.

Premier trouble de l’hémostase primaire chez le chien, mais plus rare chez le chat, la thrombopénie à médiation immune (TMI) a fait l’objet d’un consensus produit par le Collège américain de médecine interne vétérinaire (Acvim)*. Il se veut un support de référence pour aider le clinicien à adopter une démarche rigoureuse pour l’exploration et la prise en charge d’une TMI, dont le taux de mortalité de 10 à 30 % est principalement dû à des hémorragies réfractaires. Toutefois, les effets secondaires néfastes des traitements immunosuppresseurs ne doivent pas être sous-estimés.

Prise en charge initiale

Le traitement des TMI primaires repose essentiellement sur l’administration d’immunosuppresseurs, souvent combinée à l’utilisation de vincristine et de transfusions sanguines. En revanche, la prise en charge des TMI secondaires vise en priorité à traiter la maladie sous-jacente, mais l’usage d’immunosuppresseurs peut toutefois s’avérer nécessaire. Les glucocorticoïdes constituent le traitement de choix et les immunosuppresseurs de seconde intention incluent la ciclosporine, l’azathioprine (uniquement chez le chien), le léflunomide et le mycophénolate mofétil. Les immunoglobulines humaines et le romiplostim (agoniste des récepteurs de la thrombopoïétine) font également partie de l’arsenal thérapeutique. Cependant, leur utilisation en France reste très limitée, les premières en raison d’un accès très restreint et le second du fait de son coût prohibitif.

Une absence de réponse est définie par une valeur < 30 000/μl ou une persistance de saignements au moins 2 semaines après le début du traitement. Une réponse partielle est définie par un comptage plaquettaire ≥ 30 000/μl et < 100 000/μl et en augmentation de plus de 2 fois par rapport au diagnostic, et par l’absence de saignements. Une réponse complète est définie par un comptage plaquettaire ≥ 100 000/μl sans saignements. L’objectif thérapeutique, que ce soit lors du traitement ou après son arrêt, est un comptage plaquettaire ≥ 100 000/μl sans signe de saignement.

Une fois le diagnostic établi, la sévérité clinique doit dicter la suite de la prise en charge :

- Saignements minimes (score « DOGiBAT » faible) et absence d’anémie/hyperurémie : corticothérapie seule (dexaméthasone ou prednisolone) ; contrôle à 7 jours.

- Saignements minimes (score « DOGiBAT » faible) mais présence d’anémie/hyperurémie : corticothérapie + deuxième immunosuppresseur + injection unique de vincristine (les marqueurs de saignements intestinaux sont un facteur de gravité important et justifient une prise en charge plus agressive) ; contrôle à 5 jours.

- Saignements majeurs (saignements intestinaux ou pulmonaires ou intracrâniaux ou score « DOGiBAT » élevé) : corticothérapie + deuxième immunosuppresseur + injection unique de vincristine. Recours possible à une transfusion sanguine et à un antifibrinolytique (acide tranexamique, Exacyl) ; contrôle à 5 jours.

Chez le chat, les données suggèrent une efficacité limitée de la vincristine et son utilisation n’est donc pas recommandée.

Lors d’absence de réponse, le diagnostic initial, la dose, l’absorption et l’observance des traitements doivent être remis en question. Il faut ensuite considérer l’emploi d’un second immunosuppresseur et de vincristine s’ils n’ont pas été déjà mis en place. Enfin, les recours à une splénectomie ou au romiplostim constituent les options ultimes lors des cas réfractaires.

Gestion du suivi et des rechutes

Les rechutes surviennent dans 9 à 47 % des cas et les causes potentielles incluent un sevrage trop rapide ou un arrêt des immunosuppresseurs, l’apparition d’une nouvelle comorbidité ou l’effet persistant d’une comorbidité non identifiée lors de l’évaluation diagnostique initiale. Lorsqu’une réponse partielle est obtenue 7 jours après la prise en charge initiale, un contrôle 2 à 3 semaines plus tard est recommandé :

- Réponse complète observée : diminution de la dose de corticoïdes de 20-25 % toutes les 2 à 4 semaines après contrôle sanguin, jusqu’à arrêt du traitement.

- Réponse complète non obtenue : reconfirmer le diagnostic de TMI et rechercher d’éventuelles comorbidités (notamment infectieuses). En l’absence de comorbidités, ajouter un deuxième immunosuppresseur et contrôle 7 jours plus tard avec pour objectif de nouveau une réponse partielle. Si elle est obtenue : contrôler 2 à 3 semaines plus tard avec pour objectif une réponse complète. Puis se référer au paragraphe précédent. Si elle n’est pas obtenue : considérer un troisième immunosuppresseur, une injection de vincristine, une splénectomie.

En cas de récidive des signes cliniques et/ou de la thrombopénie lors de la diminution de dose ou après l’arrêt des traitements, il convient également de reconfirmer le diagnostic de TMI et de rechercher d’éventuelles comorbidités (notamment infectieuses). Si elle survient lors de la diminution de dose, le consensus recommande de réaugmenter au palier précédent la corticothérapie en cas de rechute discrète et de repartir du protocole initial en cas de rechute sévère. En fonction de la sévérité, l’ajout d’un deuxième immunosuppresseur doit être envisagé. La durée des paliers de diminution doit par la suite être augmentée. Si les récidives sont trop fréquentes, le recours au romiplostim ou à la splénectomie peut être nécessaire.

La reprise de la vaccination doit être évaluée individuellement au regard du risque d’exposition aux maladies infectieuses. Il est recommandé d’attendre l’arrêt des immunosuppresseurs ou, si une corticothérapie est nécessaire, d’attendre un dosage anti-inflammatoire (0,5 mg/kg par jour).

Des solutions à trouver en médecine humaine ? 

Le nombre limité d’études sur les TMI restreint la solidité de certaines recommandations, en particulier celles concernant le bénéfice d’un deuxième immunosuppresseur et la supériorité d’un immunosuppresseur par rapport à un autre. Par ailleurs, certains traitements actuels et émergents en médecine humaine, comme les anticorps monoclonaux anti-CD20 ou les inhibiteurs de tyrosine kinase splénique, pourraient, à l’avenir, trouver une application dans le traitement des TMI chez les carnivores domestiques.

  • * LeVine D. N., Kidd L., Garden O. A., et coll. ACVIM consensus statement on the diagnosis of immune thrombocytopenia in dogs and cats. J. Vet. Intern. Med. 2024;38(4):1958-1981.