Quand l’intelligence artificielle s’invite en santé équine - La Semaine Vétérinaire n° 2069 du 07/03/2025
La Semaine Vétérinaire n° 2069 du 07/03/2025

Applications

ANALYSE MIXTE

Auteur(s) : Par Sarah André

Comment fonctionne l’intelligence artificielle ? Et dans quelle mesure est-elle intéressante dans un domaine tel que la médecine vétérinaire ? Ces nouveaux outils peuvent, en effet, avoir un intérêt en santé équine, que ce soit pour aider le praticien dans son diagnostic ou encore pour le signalement graphique des équidés.

« Il y a de réelles opportunités à saisir par tous. » Les progrès de l’intelligence artificielle (IA) depuis quelques années ont conduit au développement d’outils qui modifient — et facilitent — les pratiques professionnelles. Lors d’une webconférence organisée le 21 janvier 2025, Benoît Pasquiet, ingénieur de recherche à l’Institut français du cheval et de l’équitation (IFCE)1, a détaillé ces nouveaux usages (et leurs bénéfices) adaptés au monde de la santé équine. Mais pour les comprendre, il faut d’abord saisir ce qu’est l’IA, à savoir des multiplications, des additions et des paramètres qui vont servir à traiter une image. « Le traitement de l’image est quelque chose que l’on fait depuis assez longtemps, précise Benoît Pasquiet. Toutefois, ce qui est nouveau aujourd’hui, c’est le développement de nouveaux algorithmes très puissants qui vont permettre de faire ces traitements. »

Une des premières possibilités pour traiter une image donnée est de faire une classification. Cela signifie que l’IA est capable de reconnaître ce qu’il y a sur cette image. Pour ce faire, il est nécessaire de définir des paramètres à appliquer dans le but que l’IA fasse cette reconnaissance. Depuis quelques années, l’arrivée de nombreuses bases de données d’images, notamment sur internet, et la puissance des processeurs de calcul ont rendu possible cette fonctionnalité par entraînement des modèles de classification. Diverses fonctions mathématiques permettent de définir quels éléments sont communs à un cheval ou encore à un chien pour le reconnaître par l’IA et le classifier comme tel : il s’agit d’un algorithme2.

Les avantages du traitement d’images et de vidéos sont nombreux pour plusieurs animaux. À titre d’exemple, il est difficile de poser des capteurs sur certains chevaux peu habitués aux manipulations, comme les poulains. Ces outils permettent alors d’analyser un certain nombre de paramètres à distance. Les informations collectées ne sont néanmoins pas forcément les mêmes qu’avec les capteurs.

Surveillance et détection

Selon l’algorithme sélectionné, l’IA est capable de faire divers traitements sur une image donnée. Outre la classification, elle peut faire une reconnaissance des éléments présents sur l’image, il s’agit de la détection d’objets. L’IA va traiter une image et proposer un résultat avec un indice de confiance. « Cette notion de confiance est très importante dans les algorithmes, signale Benoît Pasquiet. L’IA propose une solution possible en donnant une probabilité. »

Désormais, divers dispositifs de surveillance vidéo installés dans les boxes pour chevaux sont dotés d’une IA permettant la reconnaissance d’objets, notamment dans le but de savoir si le cheval est debout ou couché et le temps durant lequel il est dans ces positions. Ces outils permettent, par exemple, de surveiller les juments durant la période de poulinage ou encore de détecter une colique. Il est également possible de repérer l’introduction d’un individu dans le box, notamment utilisé pour la surveillance des chevaux en compétition.

Analyse de la locomotion

Pour aller plus loin, l’IA est également capable de faire ce que l’on appelle une détection de la pose. Il s’agit de repérer les principaux points articulaires et les différentes parties (tête, membres, etc.) du cheval sur une image et une vidéo. Ces algorithmes permettent ainsi d’analyser la locomotion de l’animal pour, par exemple, détecter une boiterie3 via une analyse de plusieurs indicateurs, comme la symétrie de la démarche ou encore la régularité de la cadence. Un suivi locomoteur est également possible grâce à l’évolution de plusieurs paramètres dans le temps dans le but de mettre en évidence une amélioration ou une dégradation.

Signalement graphique

Enfin, une autre application est la segmentation par l’IA, notamment dans l’identification des chevaux, au moment du signalement graphique. Avec cette fonctionnalité, l’IA est, par exemple, capable d’isoler des marques telles qu’une en-tête ou encore une liste, et de les reproduire directement sur le graphique. Cela apporte une précision supplémentaire.

La segmentation permet également d’isoler le mouvement d’un cheval à une allure donnée à partir d’une vidéo et de faire des comparaisons entre les mouvements de plusieurs chevaux par superposition d’images. La détection de troubles locomoteurs devient alors possible.

Quel avenir ?

Depuis décembre 2024, il est possible de faire une reconstruction tridimentionnelle4. Cet algorithme estime, à partir d’une image, la représentation de ce cheval en trois dimensions après avoir extrait sa silhouette. Cette récente possibilité trouvera sans doute différentes applications dans la comparaison des morphologies de plusieurs chevaux à partir d’images. Pour les vidéos, elle permettra également d’analyser la locomotion du cheval.

« L’IA complète l’œil de l’expert mais ne le remplace pas, a conclu Benoît Pasquiet. Elle permet de fournir des informations répétées que l’œil humain ne garde pas forcément bien en mémoire d’une fois à l’autre. Avec ces outils, la vision est régulière et objective. »

  • 1. Le replay de cette webconférence intitulée « Chevaux et intelligence artificielle : perspectives » est disponible sur bit.ly/4keORsm
  • 2. inria.fr/fr/intelligence-artificielle
  • 3. Pour découvrir un exemple d’outil : sleip.com
  • 4. celiali.github.io/Dessie