Développement personnel
ENTREPRISE
Auteur(s) : Par Yannick Klein
Les émotions sont omniprésentes dans l’exercice du métier de vétérinaire et savoir les gérer est devenu un facteur clé de succès, essentiel pour interagir efficacement avec clients et collègues mais aussi pour favoriser le bien-être au travail.
Le « bon véto » n’est plus seulement celui qui soigne bien : il doit aussi être une personne qui a des qualités humaines appelées soft skills. Parmi celles-ci, l’intelligence émotionnelle (IE) se retrouverait à la sixième place des compétences les plus recherchées au travail1.
Qu’est-ce que l’intelligence émotionnelle ?
L’IE peut se définir comme la capacité à s’adapter aux circonstances en tenant compte de ses propres émotions et de celles d’autrui2. Les travaux de Daniel Goleman3, diplômé d’Harvard, docteur en psychologie et journaliste au New York Times, ont permis de développer et populariser le concept d’IE en 1995. Ce dernier la divise en deux sous-groupes de compétences (voir tableau 1).
Un vétérinaire doté d’intelligence émotionnelle serait, par exemple, une personne qui se connaît bien et qui sait réagir vite face à la critique d’un client. Parce qu’il a réussi à développer son IE, ce vétérinaire serait capable, devant la colère d’un client en salle d’attente, de reconnaître l’émotion de la personne tout en étant conscient que la scène se situe devant beaucoup d’autres en salle d’attente. Plutôt que d’escalader la situation en maîtrisant mal sa propre émotion, il pourrait alors inviter le client mécontent à poursuivre la discussion dans un endroit plus confidentiel pour chercher à le comprendre et l’inviter à exprimer calmement sa propre émotion. Le but est de réussir à faire de cette discussion une opportunité de créer une relation plus forte avec lui.
Pourquoi s’y intéresser ?
L’animal est aujourd’hui un membre de la famille. L’enjeu et la charge émotionnelle qui y est associée sont beaucoup plus élevés qu’auparavant pour le propriétaire et pour l’équipe qui soigne un animal malade. Il est fréquent de devoir passer en quelques minutes d’une profonde tristesse générée par l’euthanasie d’un animal, à la joie d’une adoption, puis à la colère d’un client mécontent et finir par la peur de réaliser une chirurgie délicate. L’énergie dépensée à travers ces émotions sera d’autant plus élevée que les praticiens vétérinaires auront du mal à les gérer. Il est donc indispensable d’apprendre à gérer efficacement ces émotions pour éviter l’épuisement professionnel.
La taille des équipes des cliniques vétérinaires ne cesse d’augmenter4, pouvant atteindre parfois une centaine d’individus. Un dirigeant ne doit plus simplement donner des directives, il doit aussi savoir maîtriser et exprimer ses émotions afin de partager une vision inspirante qui donnera l’énergie et l’envie nécessaires à ses salariés pour se dépasser et pour privilégier un objectif commun plutôt que des intérêts individuels. Afin que l’ambiance d’équipe soit à la fois conviviale et efficace, les individus doivent développer leur empathie, s’adapter aux besoins de chacun et savoir exprimer leurs émotions de manière constructive pour mieux gérer les conflits.
Maîtriser ses émotions en quatre astuces
Développer son IE est un travail qui demande du temps. Il est nécessaire d’être indulgent avec soi-même et de célébrer chaque petit progrès, comme le simple fait de prendre le temps de revenir sur une situation difficile vécue plus tôt dans la journée.
Astuce 1 : Respirer
Respirer lentement avec de longues expirations permet de stimuler le système parasympathique et de favoriser à la fois la détente et la mise en relation. Au contraire, les inspirations courtes préparent à la défense ou à l’attaque en stimulant le système orthosympathique. La cohérence cardiaque5 est un excellent outil pour mieux gérer ses émotions.
Astuce 2 : Identifier et nommer ses émotions
Maîtriser ses émotions ne veut pas dire les cacher ! Pour les comprendre, il faut d’abord savoir les identifier. Le vétérinaire peut commencer par noter les émotions simples qu’il vit pendant la journée (joie, peur, tristesse, colère, surprise ou dégoût). En s’entraînant dans des situations simples, il lui sera ensuite plus facile de détecter des émotions fortes dans des situations plus difficiles. Ensuite, identifier les plus fréquentes peut révéler des besoins récurrents et des axes de réflexion prioritaires.
Astuce 3 : Comprendre le signal et le besoin associé
Le cerveau fait rapidement le lien entre la morsure d’un chien à la main (cause physique) et la douleur (signal) dont elle est responsable et, par réflexe, il commande à la main de se retirer. Pour les émotions, le problème est souvent lié au fait qu’il est difficile de faire le lien entre le signal et sa cause. Ainsi, cela ressemblerait à ressentir une douleur à la main sans la bouger et en hurlant sans comprendre qu’elle est liée à la morsure. Le tableau 2 est un outil permettant de mieux comprendre les besoins associés aux émotions.
Astuce 4 : Communiquer ses émotions
Prendre conscience et verbaliser les besoins qui engendrent les émotions représentent la pierre angulaire de la communication non violente. « Si nous ne sommes pas conscients du lien entre nos besoins et nos sentiments, nous limitons souvent la cause de ces derniers aux seules actions des autres. Ne pas connaître ce lien nous conduit à en vouloir à autrui et brouille la frontière entre nous et les autres », révèle Marshall Rosenberg6, docteur en psychologie et fondateur de la communication non violente. Lorsqu’une émotion est mal comprise, l’humain a tendance à rejeter la faute sur les autres ou sur son environnement.
En assumant la responsabilité de l’émotion vécue et en comprenant son origine, il devient possible de la communiquer en utilisant le JE plutôt que le TU. Les chances de faire passer un message, de se faire comprendre et d’avoir un impact sur les autres sont alors démultipliées. Il y a une énorme différence entre dire « JE suis triste parce que je viens d’euthanasier un animal auquel je tenais beaucoup » ou « JE suis en colère parce que JE ne me sens pas valorisé », plutôt que de dire « TU me déçois », « TU es insensible » ou « TU ne comprends rien ».
Au-delà de mieux la communiquer, en assumant la responsabilité de son émotion et le besoin qui y est associé, les chances d’adopter un comportement adéquat, plutôt que de rejeter la faute sur les autres, sont augmentées.
Prenons l’exemple d’un vétérinaire qui n’est pas à l’aise avec ses prix. Il pourrait peut-être identifier qu’il ressent de la peur (signal) au moment où il faut annoncer le montant de la facture. S’il comprend que cette peur est associée à un besoin de sécurité, il pourra plus facilement en prendre la responsabilité. En acceptant cette dernière, il pourra plus facilement l’exprimer et chercher des solutions pour répondre à son propre besoin de sécurité et adopter un comportement adéquat comme faire des devis ou travailler sur l’origine de cette peur. S’il ne faisait pas le lien avec son besoin de sécurité, il aurait plus de mal à en prendre la responsabilité et pourrait adopter un comportement inefficace (report de la faute sur les autres, évitement de la situation ou attaque si on lui reproche le montant annoncé).
Dans la vie, savoir équilibrer ses émotions n’est pas toujours simple à réaliser seul. C’est la raison pour laquelle, l’aide d’une personne externe comme un coach professionnel peut être utile pour aider les vétérinaires à gagner en sérénité et ainsi à économiser leur énergie lorsqu’ils ont du mal à sortir de leurs émotions.