Points forts du dernier congrès annuel de l’Ecvim-CA - La Semaine Vétérinaire n° 2052 du 18/10/2024
La Semaine Vétérinaire n° 2052 du 18/10/2024

Médecine interne

ANALYSE CANINE

Auteur(s) : Par Renaud Dumont

Les conférences de l'édition 2024 du congrès du Collège européen de médecine interne des animaux de compagnie ont porté sur des sujets variés, tels que les maladies hépatobiliaires, la présentation du consensus du collège sur l’incontinence urinaire canine, ou les maladies bronchopulmonaires.

Le 34e congrès annuel du Collège européen de médecine interne des animaux de compagnie (Ecvim-CA) s'est déroulé à Lyon, du 5 au 7 septembre 2024. Pendant ces trois jours, plusieurs thématiques ont été particulièrement mises en avant, notamment les maladies hépatobiliaires, l’incontinence urinaire, l’exploration des maladies bronchopulmonaires, les entéropathies félines et les troubles de l’homéostasie calcique. La France a été mise à l’honneur grâce à la participation de Ghita Benchekroun (A 04, diplômée Ecvim) et Valérie Freiche (A 88, DESV en médecine interne, PhD), du service de médecine interne de l’ENVA et de Camille Bismuth (A 08, diplômée de l’European College of Veterinary Surgeons), du CHV Frégis (Gentilly), dont l’importante contribution scientifique leur a valu l’opportunité de présenter une conférence plénière.

Mise au point sur les mucocèles biliaires 

Jody Gookin, diplômée de l’American College of Veterinary Internal Medicine (Acvim), du département des sciences cliniques de l’université de Caroline du Nord, a conduit de nombreux travaux pour étudier et comprendre la pathogenèse des mucocèles biliaires. Elle rappelle que leur formation résulte de l'accumulation de mucines formant un gel, sécrétées par l'épithélium de la vésicule biliaire, et dont l’entrelacement limite fortement l’hydratation. Cette désorganisation du mucus rappelle celle rencontrée chez les personnes atteintes de mucoviscidose. Par ailleurs, la formation de mucocèle est associée à une contractilité réduite de la vésicule biliaire. Parmi les hypothèses figurent l’influence de l’hypothyroïdie, de l’hyperlipidémie, des anomalies de la cholécystokinine (CCK) ou de la leptine, et celle d'un faible taux sérique de 25-hydroxyvitamine D. Enfin, chez les bergers des Shetland exclusivement, l'utilisation d'imidaclopride est associée à un risque accru de formation de mucocèle biliaire.

L’échographie abdominale représente une étape diagnostique essentielle avec, notamment, l’évaluation de la mobilité du contenu biliaire. En effet, recontrôler l’aspect échographique cinq à dix minutes après avoir changé le chien de décubitus permet de différencier une simple boue biliaire (mobile) d’une mucocèle en formation (immobile). Les signes échographiques de rupture incluent une hyperéchogénicité du mésentère, un épanchement, une discontinuité dans la paroi de la vésicule, une dilatation du canal cholédoque, des débris mucoïdes dans le canal cholédoque ou dans l'abdomen. L'échographie reste cependant peu sensible pour détecter une rupture. Par ailleurs, l’absence d’augmentation de la valeur de bilirubine dans le sang ou dans l’épanchement ne permet jamais d’exclure une rupture puisque, dans la plupart des cas, seul du mucus (sans bile) se rompt et se répand dans la cavité abdominale (« péritonite muqueuse »). L'examen cytologique de l’épanchement peut alors révéler des brins fibrillaires pathognomoniques du mucus. En revanche, d’après une étude portant sur 15 chiens, une valeur sérique de la protéine C-réactive inférieure à 6 mg/l permet d’exclure une rupture dans 100 % des cas, alors qu’une valeur augmentée n’est pas forcément synonyme de rupture1.

Jody Gookin rappelle enfin que la prise en charge médicale est réservée aux chiens dont les mucocèles n’ont aucun impact clinique ou biologique (découverte fortuite) ou pour des raisons financières. Le taux de mortalité à 14 jours d’une cholécystectomie élective est nettement plus faible qu’une cholécystectomie réalisée en présence de signes cliniques (4,7 vs 17,5%). Les principales complications postopératoires incluent les péritonites biliaires, les obstructions des voies biliaires extrahépatiques, les thromboembolies, les régurgitations et le sepsis. Une surveillance accrue des paramètres hémodynamiques est indispensable car l’hypotension péri-opératoire représente le facteur pronostique négatif le plus significatif. En revanche, une rupture des voies biliaires est associée à un meilleur pronostic. Enfin, la persistance postopératoire d’une augmentation des paramètres hépatiques doit motiver la recherche d’une obstruction des voies biliaires, d’une infection hépatobiliaire, d’une pancréatite, d’une endocrinopathie concomitante ou d’une autre hépatopathie primaire.

Le consensus Acvim sur l’incontinence urinaire chez le chien

L’Acvim a récemment publié un nouveau consensus sur l’incontinence urinaire chez le chien2. Ses causes sont nombreuses, mais elles peuvent être classées en deux catégories : défaut de stockage et défaut de vidange. Les principales affections à l’origine d’un défaut de stockage incluent l’incompétence sphinctérienne, les uretères ectopiques et l’instabilité du détrusor, alors que les obstructions mécaniques, les obstructions fonctionnelles (anciennement dyssynergie vésico-sphinctérienne) et l’atonie du détrusor représentent les trois grandes causes des troubles de la vidange.

La première étape diagnostique consiste donc à identifier un trouble de stockage ou un trouble de vidange. Pour cela, une anamnèse complète, un examen physique détaillé (comprenant un examen neurologique), une analyse d'urine et une mesure du volume résiduel postmictionnel sont essentielles. En fonction des hypothèses diagnostiques, des examens complémentaires comme l'imagerie médicale (radiographie et échographie principalement), les tests urodynamiques ou l'endo-urologie peuvent être requis.

Le traitement doit être adapté au type de trouble (stockage ou vidange), au sexe du chien et à la cause sous-jacente. Si l'évaluation diagnostique approfondie ne permet pas d’obtenir un diagnostic définitif, un essai thérapeutique peut être mis en place. La phénylpropanolamine à la dose de 2 mg/kg deux à trois fois par jour par voie orale est recommandée en première intention pour l’incompétence sphinctérienne, et un suivi de la pression artérielle est recommandé compte tenu du risque d’hypertension artérielle systémique.

Penser aux biopsies pulmonaires pour l’exploration des maladies respiratoires

Les connaissances des maladies respiratoires impliquant les petites voies aériennes, le parenchyme ou la vascularisation pulmonaire sont émergentes chez les chiens et les chats. Malgré une prise en charge exhaustive (anamnèse, examen clinique, imagerie médicale, endoscopie, analyses infectieuses), un diagnostic définitif reste parfois difficile à obtenir. Les biopsies pulmonaires restent sous-utilisées en raison des risques, des coûts et surtout du sentiment général de son manque d’intérêt. Une biopsie pulmonaire peut s'avérer pourtant cruciale pour caractériser pleinement certaines maladies et optimiser les prises en charge. L'imagerie médicale (idéalement le scanner) permet de guider l’échantillonnage, et une lobectomie ou, a minima, plusieurs biopsies sont recommandées. Une collaboration étroite entre cliniciens et pathologistes est essentielle pour interpréter correctement les résultats histopathologiques.

Données cliniques sur la fibroplasie sclérosante éosinophilique féline

La fibroplasie sclérosante éosinophilique féline (GESF) se présente généralement sous forme de masses éosinophiliques au sein du tractus digestif et des nœuds lymphatiques associés. De rares cas de masses localisées uniquement au mésentère, au rétropéritoine ou aux ganglions rétropharyngés sont cependant rapportés. Une étude multicentrique3 incluant 60 chats atteints de GESF a montré que 25 % des cas concernent des ragdolls, et les signes cliniques les plus fréquents incluent une perte de poids, une dysorexie et des troubles digestifs. Seulement 52 % de chats ont une éosinophilie périphérique et jusqu’à 28 % présentent une hypoalbuminémie. Bien que le diagnostic puisse être établi par une analyse cytologique, il est préférable de confirmer par histologie. Dans 66 % des cas, les masses sont situées dans l'estomac, le duodénum proximal ou la jonction iléocolique. Cette étude souligne l'importance de combiner la chirurgie avec un traitement aux glucocorticoïdes pour prévenir la récidive des masses et améliorer le pronostic.

Quelques résultats de recherche clinique

- Chez les chats atteints de lipidose hépatique, une hypovigilance, la présence d’une maladie sous-jacente et une activité des ALAT < 462 U/L semblent être associées à une mortalité accrue à court terme (< 1 mois).

- La valeur sérique de la sérum amyloïde A (SAA) peut aider à discriminer une pyélonéphrite d’une autre affection urinaire chez le chat (sensibilité à 100 % et spécificité à 97 % pour une valeur seuil de 49,1 mg/l).

- Lors d'une cystite bactérienne chez le chien, une augmentation marquée de la CRP sérique (> 44,8 mg/l) doit laisser suspecter une pyélonéphrite et/ou une prostatite bactérienne concomitante.

- Le budésonide, glucocorticoïde de synthèse à tropisme intestinal bien étudié chez le chien, semble également représenter une alternative sûre et efficace pour la gestion des entéropathies inflammatoires chez le chat. 

- L’hypothyroïdie congénitale féline, de plus en plus décrite, doit être suspectée lors d'un retard de croissance, d'une hypovigilance ou d'une constipation chez un jeune chat, et présente une bonne réponse clinique à la complémentation en lévothyroxine.

  • 1. M. Asakawa, M. Fukuzawa, MG. Asakawa, et al. Preoperative serum C-reactive protein concentration can be used to detect gallbladder rupture in dogs with gallbladder mucocele. Am J Vet Res. 2021;83(1):23-32.
  • 2. A. Kendall, JK. Byron, JL. Westropp, et al. ACVIM consensus statement on diagnosis and management of urinary incontinence in dogs. J Vet Intern Med. 2024;38(2):878-903.
  • 3. P. Cerna, C. Lopez-Jimenez, K. Fukushima, et al. Clinicopathological findings, treatment, and outcome in 60 cats with gastrointestinal eosinophilic sclerosing fibroplasia. J Vet Intern Med. 2024;38(2):1005–1012.
  • D’après les conférences de:
  • - Jody L. Gookin (DVM, PhD, DACVIM (SAIM)), Department of Clinical Sciences, North Carolina State University, Raleigh, NC, USA. « Gallbladder Mucocele: Evidence-Based Diagnosis and Management » and « Gallbladder Mucocele: Investigations Into Pathogenesis ».
  • - Allison Kendall (DVM, MS, DACVIM), College of Veterinary Medicine, North Carolina State University, Raleigh, NC, USA. « The Evidence Behind the ACVIM 2023 Consensus Statement on Urinary Incontinence ».
  • - Carol Reinero (DVM, PhD, DACVIM (SAIM)), Department of Veterinary Medicine and Surgery, University of Missouri, Columbia, MO, USA. « An Internist’s Perspective of Lung Histopathology: Indications, Technique, and Interpretation ».
  • - Aarti Kathrani (BVetMed (Hons), PhD, DACVIM (SAIM and Nutrition), FHEA, MRCVS), Department of Clinical Science and Services, Royal Veterinary College, Hertfordshire, UK. « Feline Gastrointestinal Eosinophilic Sclerosing Fibroplasia From the Clinician’s Perspective ».
  • - M. Petibon, T. Brignon, C. Maurey, et al. Risk Factors for Short-term Mortality of Hepatic Lipidosis: A Multicentre Retrospective Study of 162 Cats. ECVIM-CA Congress, 2024.
  • - A.S. Gravgaard, F. Moberg, R. Langhorn, et al. Increased Serum Amyloid A in Cats With Pyelonephritis. ECVIM-CA Congress, 2024.
  • - F. Fidanzio, I. Tirelli, G. Colombo, et al. Evaluation of Serum C-Reactive Protein in Dogs With Urinary Tract Infections. ECVIM-CA Congress, 2024.
  • - M. Bigay, E. Bourassi, R. Javard. Use of Budesonide in Feline Chronic Enteropathies: A Retrospective Study of 102 Cases. ECVIM-CA Congress, 2024.
  • - S. Hulsebosch, W. Vernau, S. Marks, K. Vernau. Clinical and Laboratory Characterization of Congenital Hypothyroidism in 23 Kittens. ECVIM-CA Congress, 2024.