Comment fonctionne le FIF PL ? - La Semaine Vétérinaire n° 2051 du 11/10/2024
La Semaine Vétérinaire n° 2051 du 11/10/2024

Socio-pro

ANALYSE GENERALE

Auteur(s) : Par Irène Lopez

Fonds d’assurance formation, le FIF PL a pour but d’inciter les professionnels libéraux à se former tout en facilitant leurs démarches. Plus de 220 000 d'entre eux ont profité de ce dispositif en 2023. Si certains sont très consommateurs de formation, ce n’est pas le cas des vétérinaires. L’année dernière, ils n'ont été que 1956 (sur 8600 vétérinaires libéraux) à en bénéficier, n’épuisant pas le fonds qui leur était alloué. Paradoxalement, certains n’obtiennent pas le plafond de remboursement auquel ils peuvent prétendre. Explications.

« Si elle est un sujet clé dans notre société, la formation est d’autant plus capitale pour les professions libérales, qui font face à des évolutions réglementaires et professionnelles. Elle est cruciale, car les professionnels libéraux interviennent dans la vie quotidienne de nos concitoyens. Pour eux, la formation est un sujet éthique et déontologique », déclare Philippe Denry, pharmacien et président du Fonds interprofessionnel de formation des professionnels libéraux (FIF PL).

C'est pour répondre à cet enjeu que le FIF PL, fonds d’assurance formation, a été créé en 1993, à l’initiative de l’Union nationale des professions libérales (UNAPL) et des organisations professionnelles adhérentes. Et ce, conformément aux dispositions de la loi du 31 décembre 1991 portant sur la formation continue des travailleurs indépendants et des professionnels libéraux, faisant obligation à tous de s’acquitter de la Contribution à la formation professionnelle (CFP). Cette dernière s’élève à 0,25 % du plafond annuel de la Sécurité Sociale, soit 110 euros par professionnel libéral pour l’année 2024. En contrepartie, les libéraux ont eu droit à une prise en charge de 600 euros annuels à raison de 200 euros par jour de formation cette année (respectivement 750 euros et 250 euros l’an passé).

Administré par ses adhérents

En 2023, quelque 83 millions d’euros ont été collectés,147 000 dossiers, pris en charge, et 221 438 professionnels, formés. « La force du FIF PL est d'être administré par ses adhérents au travers de leurs représentants syndicaux », souligne Philippe Denry. Le conseil d’administration, appelé conseil de gestion, compte plusieurs représentants - un par organisation professionnelle. Chaque année, les organisations syndicales définissent les critères de prises en charge, les thèmes et les montants, selon la profession.

Le FIF PL est composé de quatre grands secteurs d’activités (voir encadré), qui regroupent diverses professions. Au sein de la section de la santé figurent ainsi les vétérinaires, dont les effectifs communiqués par les caisses de l'Urssaf s’élèvent à 8600 personnes. Sont également répertoriés quelque 120 000 infirmiers, 90 000 masseurs kinésithérapeutes, 35 000 chirurgiens-dentistes, 25 000 pharmaciens, 14 000 orthophonistes, 8500 pédicures podologues, 4000 sages-femmes, 4000 biologistes, 2000 orthoptistes, etc. Manquent les médecins, qui ont leur propre assurance formation (FAF PM).

Ces données servent de clé de répartition dans l’attribution des fonds. En 2023, celui attribué aux vétérinaires s'élevait à 1 303 000 euros, une somme provenant à 95 % des cotisations prélevées par l’Urssaf. Chaque année, des dossiers sont annulés (stagiaires empêchés ou qui renoncent à leur formation). Les flux financiers issus de ces annulations se sont additionnés aux recettes, portant le total du fonds à 1 645 000 euros l'an passé. Cette somme représente « les fonds à gérer », consacrés exclusivement aux formations dites "cœur de métier", soit toutes celles liées à la pratique professionnelle.

Reliquat

L’année dernière, les formations de 1956 vétérinaires ont été prises en charge, pour un montant de 885 000 euros. Nul besoin de sortir une calculatrice pour constater une différence de près de 50 % entre le total du fonds et les sommes engagées.

Éric Février (A 80), vétérinaire en Auvergne-Rhône-Alpes et administrateur du Syndicat national des vétérinaires d'exercice libéral (SNVEL), nommé par l’Union nationale des professions libérales (UNAPL) pour prendre les décisions au sein du FIF PL, commente : « Depuis 2007, nous n’avons jamais été dans le rouge. Nous avons encore de la marge. » Quid du reliquat ? Il répond : « Au 31 décembre, le solde disponible de chaque profession rentre dans un pot commun et l’exercice suivant redémarre avec cette mutualisation. »

Depuis 2013, le FIF PL a mis en place des fonds spécifiques. Ils viennent en complément des formations par section, et concernent les formations de longue durée (plus de 100 heures). L’enveloppe globale qui leur est allouée atteint 8 millions. Comme précédemment pour les fonds à gérer, chaque profession bénéficie d’une quote-part. Celle des vétérinaires s’élevait à 90 000 euros en 2023.

La prise en charge des formations de longue durée peut aller jusqu’à 2 500 euros. On peut demander ce type de formation tous les trois ans. Un vétérinaire qui aurait déjà bénéficié d’une prise en charge dans le cadre d’une formation de longue durée en 2022 ne se verrait pas « privé » de sa formation les deux années suivantes. En revanche, sa prise en charge « basculerait » sur le fonds à gérer et ne serait donc que de 750 euros maximum.


Le non-remboursement de la totalité des 2500 euros peut aussi être lié à la limite des fonds spécifiques. En 2023, cette enveloppe, limitée à 90 000 euros, a permis à 38 vétérinaires stagiaires de se former, pour un montant de 89 026 euros dépensés. Ceux dont la demande a été soumise après épuisement de ces fonds spécifiques n’ont pas pu bénéficier de la prise en charge maximum de 2500 euros. C’est ce qui est arrivé à un vétérinaire exerçant en région Provence-Alpes-Côte d’Azur, qui a suivi une formation longue en expertise à Toulouse, de février à septembre 2023. Sur les 6000 euros que coûtait la formation, il s’attendait à être remboursé 2500 euros (comme ses collègues qui ont suivi la même formation). Or seuls 750 euros lui ont été reversés. Pourquoi ? La raison réside dans la date de dépôt du dossier. Ce vétérinaire avait remis une demande de prise en charge au FIF PL en janvier 2023, tandis que que ces collègues l'avaient fait mi-2022. Premier arrivé, premier servi. Pour éviter ce genre de situation, lorsque l’enveloppe est épuisée, les collaborateurs FIF PL ont pour consigne d’en informer le futur stagiaire et de lui proposer soit de reporter sa formation à l’année suivante, soit de maintenir son souhait mais avec une prise en charge moindre.

Ne pas hésiter à se former

« Si les vétérinaires n’utilisent pas tous les fonds alloués à la profession dans le cadre des formations cœur de métier, ils utilisent en revanche intégralement l’enveloppe des formations de longue durée », commente Éric Février. L’année 2024 n’échappe pas à ce cas de figure. Au 31 août, les dépenses de formation de longue durée ont déjà été engagées concernant 41 professionnels, pour un montant de 97 330 €. L’enveloppe des fonds spécifiques est de ce fait épuisée. « Déposez dès maintenant vos dossiers pour 2025 », conseillent les collaborateurs du FIF PL. 

Concernant les fonds à gérer, au 31 août, 1620 demandes ont déjà été prises en charge pour un montant qui s’élève à près de 650 000 €. Des fonds restent donc disponibles. « N’hésitez pas à déposer des demandes de formation cœur de métier ! », incite-t-on au FIF PL. L’année dernière, « Carnivores domestiques et NAC : actualités thérapeutiques » a été la plus sollicitée (435 demandes de prise en charge), devant « Carnivores domestiques et NAC : échographie, endoscopie, radiologie et imagerie » (335 demandes).

En 2022, ils sont 2194 stagiaires vétérinaires à avoir bénéficié d’une formation. Ils étaient 1956 en 2023. Les mauvaises langues arguent que si ces professionnels sont peu enclins à se former, c’est parce que la partie administrative (chercher un programme, faire un devis, téléverser un RIB) les rebute. « Or rien n’est plus facile que de faire une demande de formation, assure Julie Quach, directrice d'exploitation chez FIF PL. Nous avons beaucoup simplifié nos services en ligne. Se former est simple et s’effectue en deux clics. » Les vétérinaires libéraux ont surtout un emploi du temps qui leur laisse malheureusement peu de temps pour se former.

Trois questions à Julie Quach, directrice d’exploitation chez FIF PL

Nous nous concentrons sur la prise en charge des thèmes de formations définies par les représentants des professionnels libéraux

En 2023, le FIF PL a pris en charge 147 000 dossiers ; 221 438 professionnels ont été formés. Pourquoi n’y a-t-il pas le même nombre de dossiers que de professionnels formés ?

Le FIF PL engage des dossiers individuels. Ces derniers sont déposés personnellement par les stagiaires sur le site du FIF PL, dans leur espace (avec téléversement du programme, du devis, etc.). Depuis toujours, il existe aussi des demandes collectives émanant d’organismes de formation qui sollicitent le FIF PL afin de signer une convention de financement pour une formation précise et pour un groupe de stagiaires (par exemple, 20 personnes) exerçant la même profession. Un dossier peut donc concerner plusieurs sujets.

Lors de la prise en charge individuelle, le professionnel se charge lui-même de régler ses frais à l’organisme de formation. Dans le cas d’un accord de prise en charge, le FIF PL règle directement au stagiaire le montant qui lui a été accordé, et ce, après réception de la totalité des pièces justificatives déposées par ledit stagiaire dans son espace.

Concernant une demande de prise en charge collective, il appartient à l’organisme de formation d’effectuer la demande sur la plateforme FIF PL Online. Le règlement de la formation se fera directement auprès de l’organisme de formation, au prorata des stagiaires présents, dans la limite des critères de la profession concernée, et sous réserve que l’organisme de formation ait pu satisfaire à l’ensemble des justificatifs listés dans la convention de financement.

Pourquoi les montants de prise en charge des formations dispensées en e-learning, visioconférence et classe virtuelle ont été réduits de moitié ?

Ces formats sont victimes de leur succès. Nous avons fait face à une forte évolution des demandes de formations en ligne. Dans un souci de gestion responsable et solidaire, nous avons été contraints d’adopter certaines mesures. Cela afin de garantir la continuité de ces prises en charge. Nous tenions à permettre aux professionnels libéraux de continuer à se former et à répondre, pour une majorité d’entre eux, à leurs obligations réglementaires de formation.
C’est ainsi que le conseil de gestion a décidé en 2023 de plafonner la prise en charge des formations dispensées en e-learning et visioconférence (lorsque la formation est dispensée en visioconférence auprès de plus de 25 participants par session concernée) à 50 % des critères journaliers de chacune des professions concernées, dans la limite de 50 % de leurs critères annuels. Soit 100 euros par jour, limité à 300 euros par an pour la profession des vétérinaires. Et ce, tant dans le cadre d’une prise en charge individuelle que dans le cadre d’une formation collective faisant l’objet d’une convention de financement de formation.

Pourquoi le FIF PL ne prend pas en charge les formations de reconversion ?

Le FIF PL n’est plus en mesure de prendre en charge les thèmes de formations qui entrent dans le cadre du Compte personnel de formation (CPF), par exemple les formations de reconversion. Nous le regrettons d’autant plus qu’elles étaient très demandées. La raison est la suivante : depuis janvier 2020, par arrêté gouvernemental, 11 % de la collecte des Fonds d’assurance formation sont prélevés par France Compétences pour abonder le CPF des professionnels libéraux. Nous avons donc cessé de prendre en charge les formations concernées, comme c’était le cas jusqu’en 2020 inclus. Nous nous concentrons donc uniquement sur la prise en charge des thèmes de formations dites formations cœur de métier définies par les représentants des professions concernées. Pour toute demande de formation à la reconversion ou dont le thème n’est pas en lien direct avec leur métier, j’invite les vétérinaires à se connecter au site moncompteformation.gouv.fr, géré par la Caisse des dépôts et consignations, qui perçoit désormais la part destinée au financement du CPF.

Les sections

Le secteur juridique (avocats, notaires,…)

Le secteur cadre de vie (architectes, géomètres…)

Le secteur de la santé (chirurgiens-dentistes, pharmaciens, infirmiers, vétérinaires…)

Le secteur technique (experts comptables, agents d’assurance, ostéopathes, graphistes …)