Maillage
ANALYSE GENERALE
Auteur(s) : Par Chantal Béraud
Dès son lancement, en mai 2019, il avait pour ambition de devenir un numéro d’urgences vétérinaires d’appel grand public gratuit, d’envergure nationale. Bilan du chemin parcouru depuis cinq ans.
C’est en octobre 2022 que les deux sociétés AdomVet et VetoAdom se sont rapprochées pour former Emergence, une société indépendante d’urgences vétérinaires qui couvre actuellement potentiellement quelque trente millions d’habitants en France métropolitaine (plus une implantation en Suisse et en Angleterre). L’un de ses fondateurs, Sylvain Ranson (A 98), précise qu’aujourd’hui « sont ouvertes ce que nous nommons dix Maisons des urgences vétérinaires. Il y en a quatre en région parisienne, et quatre autres à Lyon, Toulouse, Montmellian et Genève. Et depuis 2023, nous en avons aussi une à Saint-Étienne et une à Mâcon ».
D’autres ouvertures prévues
Sept nouvelles ouvertures sont également programmées d’ici à 2025 à Valence, Auray, Le Mans, Grenoble, Nancy, Strasbourg et dans une ville encore non déterminée du Pas-de-Calais. « Nous continuons donc à renforcer notre maillage territorial, en ciblant cette fois non plus uniquement les très grosses agglomérations, mais aussi des villes moyennes de province », commente Sylvain Ranson. Sachant que chaque implantation est censée drainer une clientèle de praticiens exerçant au maximum à 1 h 30 de distance en voiture.
Avec quel accueil de la profession ?
Pour rappel, toute personne qui compose gratuitement le 3115 se verra demander de donner son code postal. Le système renvoie automatiquement vers le centre national d’appels d’urgences qui, si Emergence n’a pas d’implantation locale, indique d’appeler le vétérinaire traitant habituel de l’animal pour obtenir une solution d’urgence. Le 3115 est donc le numéro unique d’Émergence : il intervient en complément de ses autres numéros locaux et permet la mise en relation avec les différents services et établissements de soins d’Emergence. Et Sylvain Ranson de préciser : « D’après nombre de nos confrères et consœurs, on aurait besoin de nous partout ! Force est en effet de constater qu'aujourd’hui, les praticiens souhaitent en majorité être déchargés des urgences s’ils le peuvent. Du coup, je considère que les urgences sont devenues un métier à part entière que nous essayons d’organiser à un échelon national. » Existe-t-il toutefois des résistances exprimées vis-à-vis de cette expansion ? « Ce dispositif est perçu comme très vertueux par le grand public mais a été mal expliqué lors de sa création aux vétérinaires, mea culpa ! Donc, oui, il y a une frange de praticiens qui sont défavorables à notre extension, et qui s’expriment notamment sur les réseaux sociaux. C’est pour rétablir une information fiable et transparente que nous essayons aussi de nous faire mieux connaître de l’Ordre vétérinaire ainsi que des syndicats. »
Comment s’organise une nouvelle implantation ?
Toute projection de création d’une nouvelle Maison des urgences d’Emergence dans un lieu donné débute par des réunions avec des praticiens de la zone en question. « Nous devons en effet trouver un local et des associés locaux, précise Sylvain Ranson. Ces derniers sont soit de nouveaux partenaires, soit des membres qui font déjà partie de notre équipe. » Comment parviennent-ils à recruter, en ce temps de pénurie de professionnels ? « Ces dernières années, l’arrivée de grands groupes financiers qui rachètent quantité de petites cliniques indépendantes ne fait pas que des heureux ! En effet, des praticiens auraient bien voulu reprendre la clientèle mais, confrontés à ce genre de concurrence, n’ont pas eu les moyens financiers de la racheter… Du coup, certains nous rejoignent pour devenir nos porteurs de projets et nos associés. Nous les accompagnons pour recruter le personnel (praticiens, assistantes spécialisées vétérinaires…) ou pour toute autre démarche d’installation, s’ils le souhaitent. Au final, au bout de quelques années, nous leur proposons d’être pleinement propriétaires de leur outil de travail, en devenant associés au sein d’Emergence. »
Des vocations pour l’urgence pure
Et si Emergence parvient à recruter, notamment de jeunes vétérinaires, c’est notamment parce que pratiquer ainsi des urgences pures serait au final moins contraignant qu’assurer une ouverture « normale » de clinique, devant assurer en plus une permanence et une continuité de soins… « Nos praticiens ont ainsi des revenus confortables, à la hauteur de leur engagement, avec une vraie possibilité d’organisation d’une vie de famille », assure Sylvain Ranson. Et de reconnaître également que certains profils préfèrent se concentrer sur les soins à assurer à l’animal, en ayant aussi moins de contacts à entretenir avec leurs propriétaires, ce qui leur paraît être un autre grand avantage ! Car après le traitement d’urgence, l’animal et son propriétaire sont renvoyés à leur praticien habituel.
Utile pour le grand public
Un autre grand avantage sur lequel tout le monde devrait en revanche s’accorder est que le 3115 semble bien aider à combattre la réorientation des propriétaires vers d’autres numéros surtaxés (parfois très mal renseignés !) d’urgences vétérinaires, notamment quand ils cherchent en aveugle, sur le web à qui s’adresser ! « Ni le Conseil national de l’Ordre vétérinaire ni non plus la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes ne sont parvenus à contrer ces acteurs qui exploitent et surtaxent la mise en relation avec un vétérinaire de garde », conclut Sylvain Ranson. L’un des ultimes buts d’Emergence serait de continuer à mieux lutter contre « la désinformation, la peur ou la jalousie qu’expriment certains confrères à l’encontre du 3115, et contribuer, dans la transparence, à encore mieux faire connaître ce numéro nationalement au grand public. »
Le champion Stéphane Houdet supporter du 3115 !
Jusqu’à présent, le 3115 s’est fait connaître du grand public car il est présent sur les véhicules d’intervention d’urgence et parce qu’Emergence participe (en y assurant les soins vétérinaires si nécessaires) à certains évènements sportifs, dont des concours canins d’agility. Mais, d’après Sylvain Ranson, ce numéro gratuit d’appel a « surtout pris sa place tout seul sur Internet » ! Ce qui pourrait le faire désormais aussi mieux connaître du grand public est qu’il figure sur le maillot de Stéphane Houdet*, un champion de tennis fauteuil. Un ancien vétérinaire aussi, qui a exercé malgré son handicap en canine durant plusieurs années, avant de s’orienter vers une carrière de sportif professionnel en handisport. Stéphane Houdet fait partie des espoirs de médailles françaises aux Jeux paralympiques de Paris 2024 (du 30 août au 7 septembre prochains à Roland-Garros) et s'en explique simplement ainsi : « J'ai été sauvé par le 15 et le 18. Si l’on peut faire la même chose pour sauver les animaux, je trouve que c’est un projet important à mener. »
* En savoir plus sur https://stephanehoudet.jimdofree.com et sur Instagram @stephanehoudet. Voir aussi La Semaine Vétérinaire n° 2040, 28 juin 2024.