EXPRESSION
Auteur(s) : Propos recueillis par Fabrice Jaffré
Depuis la sortie de ChatGPT, le nombre d’outils exploitant l’intelligence artificielle (IA) connait une croissance exponentielle. La profession vétérinaire n’y échappe pas, que ce soit pour la rédaction de comptes rendus, l’établissement de diagnostics différentiels, l’analyse de radiographies ou la gestion d’un robot conversationnel sur le site de la clinique. L’IA fascine autant qu’elle inquiète.
Céline KRAMKIMEL (Liège 08)
Praticienne canine à Frouard (Meurthe-et-Moselle)
Des aides utiles
Nous exploitons l’IA pour l’interprétation de chaque radiologie (avec PicoxIA) et l’analyse des sédiments urinaires (avec SediVue) depuis trois ans. PicoxIA interprète les images thoraciques, abdominales, ainsi que les radiologies des hanches pour la classification de dysplasie. Quand l’IA propose une interprétation identique à la nôtre, cela a un côté rassurant. Et il y a quelques jours, j’ai pu repérer l’opacité abdominale signalée par l’IA, que je n’avais pas vue en première lecture. Point négatif : la présence d’une masse est signalée avec une probabilité donnée, mais il n’y a aucune indication sur sa localisation. Concernant SediVue, même s’il y a des faux positifs (notamment sur la présence de coques) et des faux négatifs, l’interprétation apporte une aide sur la présence ou l’absence de cellules, de bactéries, de cylindres et de cristaux (et leurs types). Par souci de transparence, je n’hésite pas à mentionner l’utilisation de l’IA, voire un désaccord avec l’interprétation de l’IA, quand j’échange avec le propriétaire. C’est toujours bien perçu.
Sandra Champon (Liège 17)
Praticienne mixte canine et équine à Marnay (Haute-Saône)
Je n’ai pas confiance dans ces outils
J’essaie d’éviter la surexploitation du numérique à titre personnel et dans mon activité professionnelle. Concernant les outils basés sur l’IA, nous n’en utilisons pas à la clinique. Je n’ai pas confiance, et je n’ai pas envie de participer à la diffusion incontrôlée de données sur Internet. Pour les comptes rendus aux confrères, nous les rédigeons nous-mêmes. Nous avons bien une page Facebook, mais nous gérons manuellement les commentaires reçus. Pour traiter les cas complexes, je consulte un ouvrage spécialisé, je sollicite mes confrères ou je contacte des spécialistes. C’est un peu "old school", mais c’est ma façon de travailler. Cela ne veut pas dire que dans dix ans, je n’utiliserai pas les outils d’IA, mais pour l’instant, je m’y refuse. Membre de l’association ÉcoVéto, je pense aussi à leur impact environnemental, qui est sûrement bien plus élevé que celui de la consultation d’un ouvrage. Si c’est pour ruiner tous les efforts qu’on va faire par ailleurs, comme la réduction des déchets ou les économies d’énergie, le jeu n’en vaut pas la chandelle.
Christophe Mauvières (L 04)
Praticien canin à Fitilieu (Isère)
Un outil pendant la consultation
J’utilise l’outil « Julie VetInternist » depuis le début de l’année et j'en suis très satisfait. Je soumets par mail le cas clinique et « Julie » me renvoie instantanément une liste de diagnostics possibles et des propositions d’examens complémentaires. Un dialogue s’instaure si besoin, jusqu’à affiner le diagnostic le plus vraisemblable et éventuellement déterminer le traitement. L’outil a été, pour certains cas complexes, une aide précieuse qui a permis d'améliorer la prise en charge de l'animal. Après, et c’est rassurant, l’IA n’a pas l’esprit clinique du praticien et elle n'a pas un accès direct au patient. Ainsi, Julie n’a pas cité en première hypothèse la péritonite infectieuse féline dans un cas clinique avec une symptomatologie certes particulière, mais dont le contexte m’y a fait penser d’emblée. In fine, je prends la décision, il n’est pas question ici de décision automatisée. C’est pour moi un outil qui peut apporter une aide précieuse au vétérinaire praticien grâce à l'analyse globale de l'IA qui a accès à une base de données très étendue. Sa rapidité à répondre en fait un outil qui peut être utilisé en direct lors d'une consultation.