ANALYSE GENERALE
Vie de la profession
Le point sur le dispositif « Lanceurs d’alerte » mis en place par l'Ordre
En tant qu’autorité externe de recueil des signalements, l’Ordre des vétérinaires est chargé de recueillir et de traiter les signalements transmis par les lanceurs d’alerte. Corinne Bisbarre (L 85), responsable de la commission « lanceurs d’alerte », revient sur son mode de fonctionnement.
Qu’est-ce qu’une autorité externe de recueil des signalements (ou AERS) ?
Une AERS est chargée de recueillir et de traiter les signalements transmis par les lanceurs d’alerte. Le défenseur des droits a réuni l’ensemble des AERS le 30 mars 2023 afin de les informer des nouveaux droits dont bénéficient désormais les lanceurs d’alerte. En particulier d’expliciter le décret n° 2022-1284 du 3 octobre 2022 relatif aux procédures de signalements émis par les lanceurs d’alerte et fixant la liste des autorités externes instituées par la loi n° 2022-401 du 21 mars 2022 visant à améliorer la protection des lanceurs l’alerte qui impose à chaque autorité externe la mise en place de procédures de recueil des alertes. Le défenseur des droits a par la suite réuni à nouveau les ordres professionnels le 10 mai 2023 afin d’identifier avec eux leurs champs de compétences. Une dernière réunion réservée aux ordres des professions de santé, et à laquelle l’Ordre des vétérinaires a été convié, s’est tenue le 11 mars dernier afin de faire le point sur les signalements et leur traitement spécifique par ces ordres.
Après sa désignation en tant qu’AERS, l’Ordre des vétérinaires a décidé de créer une commission « lanceurs d’alerte » afin de recueillir et de traiter, conformément à la loi, les alertes portées à sa connaissance. Il a également communiqué à ce sujet* afin d’informer les vétérinaires de la mise en place de cette procédure. Les conseils régionaux de l’Ordre (CRO) ont été sensibilisés à ce sujet et sont invités à en aviser les vétérinaires. Ces mesures permettent de mieux orienter les personnes désirant demander le statut de lanceur d’alerte et cela ainsi de remonter les signalements jusqu’à la commission. Une procédure stricte, qui respecte la loi, a été mise en place et est explicitée sur le site** ordinal. Tout demandeur est invité à la suivre afin que la confidentialité des dossiers soit respectée et que la commission « lanceurs d’alerte » puisse se prononcer et reconnaître ou pas son statut de lanceur d’alerte.
Combien d’alertes avez-vous reçues à ce jour ?
Au jour de cette interview, une seule affaire a été instruite avec reconnaissance d’un statut « lanceurs d’alerte ». Comme d’autres ordres professionnels, nous n’avons reçu que très peu de signalements. Cela est sans doute lié à la nature de cette procédure très spécifique, qui impose de ne dénoncer que des faits revêtant une portée d’intérêt général. Or, ce n’est pas le cas de tous les signalements. De nombreux dossiers portent sur des faits ayant une portée personnelle, privée, ce qui ne peut être accepté dans le statut de lanceur d’alerte.
Comment se déroule la procédure d’instruction ?
Les dossiers sont réceptionnés et étudiés par la seule commission « lanceurs d’alerte », et traités de façon anonyme : une adresse mail dédiée a été créée mais c’est la voie postale sous le format de double enveloppe qui seule permet de garantir cette confidentialité qui est systématiquement recommandée. Dès réception, l’ensemble des courriers et documents joints sont anonymisés et un numéro de dossier est attribué. La totalité des échanges ultérieurs ne feront ensuite référence qu’à ce seul numéro totalement anonyme. Si l’affaire relève de ses attributions, la commission de l’Ordre, composée de quatre membres, l’étudiera en interne.
La procédure fixée par la loi prévoit des délais stricts à respecter. Dès lors qu’une alerte est reçue, la commission ne doit pas tarder à traiter le dossier et à prendre les décisions nécessaires, avec en tout premier lieu celle de reconnaître ou non le statut de lanceur d’alerte à la personne qui effectue le signalement. Son champ d’action est précis, l’Ordre des vétérinaires ayant été classé, par la loi de mars 2022, dans la catégorie 8 de l’annexe des AERS qui concerne uniquement la santé publique. La commission de l’Ordre peut aussi considérer que l’affaire n’est pas de son ressort. Dans ce cas, elle identifie une AERS ou un autre organisme susceptible de pouvoir la traiter et, après en avoir référé au défenseur des droits, transmet le dossier anonymisé. Elle peut aussi décider, au moindre doute, d’envoyer ce dossier directement au défenseur des droits qui avisera du meilleur moyen de le traiter ou désignera l’AERS la plus apte à le faire. Le défenseur des droits agit comme un réel appui pour l’Ordre, et reste disponible aussi, à la moindre interrogation, comme celle par exemple de rejeter un signalement, ou de le transférer vers une AERS plus compétente, les Ordres sont invités à consulter ce dernier. Enfin, à la réception d’un dossier de signalement et, face à des faits relevant de sa mission, le président de l’Ordre conserve la possibilité d’agir d’office, bien sûr dans le respect de la confidentialité de l’identité du lanceur d’alerte, afin qu’une enquête disciplinaire soit diligentée.
Quel est l’intérêt de cette procédure ?
Cette procédure de signalement est ouverte à toute personne qui estime être témoin ou pense être au courant d’actions graves portant atteinte à l’ordre et à la santé publique. Si cette dernière ne désire pas de publicité autour de son nom, en particulier ne désire pas subir de dommages en lien avec ce signalement, ou encore si elle arrive au bout d’un certain nombre de procédures, cette option présente un avantage certain en donnant une portée d’intérêt général à son action. L’intérêt de la procédure « lanceurs d’alerte » est la confidentialité et l’anonymat total qui la caractérisent. Elle permet aussi de remettre un dossier dérangeant entre les mains d’organismes qui vont pouvoir le traiter avec efficacité.
Comment adresser une alerte à l’Ordre ?
Des informations sur la procédure d’alerte sont disponibles sur le site internet de l’Ordre. Les signalements peuvent être transmis à la commission « lanceurs d’alerte » par courrier au siège de l’Ordre. Ils peuvent aussi être communiqués par courriel à une adresse mail dédiée : lanceuralerte@ordre.veterinaire.fr. Enfin, une procédure orale (contact téléphonique) existe en appelant le secrétariat général de l’Ordre mais celle-ci est « à proscrire du fait de son manque de traçabilité et du risque de rupture de la confidentialité des données ».