EXPRESSION
Auteur(s) : Propos recueillis par Pierre Dufour
La France a beau être indemne de rage canine, des cas surviennent régulièrement suite à l’importation de carnivores domestiques. Dans ce contexte, quel est le discours des praticiens en termes de vaccination antirabique<0x2009>?
Julie Bernard (T16)
Praticienne canine à Angoulême (Charente)
Les morsures, ça peut arriver
Je m’étais fait vacciner pendant mes études. Avant ma grossesse, lors du bilan sanguin, j’en ai profité pour demander une sérologie, qui était bonne. Si elle avait été négative, j’aurais refait une injection. Certains cas peuvent être compliqués avec des animaux dont nous ne connaissons pas la provenance. Il faut toujours se méfier. Nous sommes en première ligne, pour protéger tout le monde, les propriétaires et les assistants, et les morsures ça peut arriver. Concernant les animaux, hormis le cas obligatoire lors d’un voyage à l’étranger, ou une demande du propriétaire, nous faisons en fonction du risque. Si c’est un chien toujours en laisse, nous en parlons mais n’insistons pas. Pour les chiens avec risque de morsure, ou des chiens lâchés en liberté ou en collectivité, nous le recommandons fortement. En revanche, nous ne vaccinons probablement pas assez les chats d’extérieur.
Alexia Rondeau (T17)
Chargée de projet chez Vétérinaires Sans Frontières International, à Bordeaux (Gironde)
Le risque est trop important
Je travaille dans un contexte global, dans des pays où la rage est présente. Dans le monde, une personne en meurt toutes les 9 minutes. La France est indemne, mais nous ne sommes pas à l’abri d’une réintroduction du virus, avec des animaux importés illégalement depuis un pays non indemne. Les menaces politiques, économiques et climatiques poussent de plus en plus de personnes à rejoindre l’Europe, accompagnées de leurs animaux. Depuis Pasteur, le vaccin a fait ses preuves. Son innocuité, son efficacité, son coût, sa durée d’immunité raisonnable… Nous avons de la chance, en comparaison à d’autres pays, de disposer d’un circuit d’approvisionnement et d’un dispositif de contrôle qualité fiables et efficaces. Il faut maintenir une sensibilisation, auprès des vétérinaires et des propriétaires, pour stimuler la vaccination pour les animaux et le personnel vétérinaire. Le risque est trop gros : une fois l’infection déclarée la maladie est 100 % mortelle, alors qu’elle est 100 % évitable par la vaccination.
Séverine Goset (Liège 09)
Praticienne mixte à Montbazens (Aveyron)
Pendant mes études, on ne nous vaccinait pas
Je n’ai jamais vu de cas de rage (ou suspects) en pratique. Lors de la consultation vaccinale, j’explique que nous sommes indemnes en France et que le risque est faible, sauf cas anecdotiques importés illégalement. Je n’insiste pas plus que ça pour qu’ils vaccinent leurs animaux contre la rage. En revanche, j’explique que c’est obligatoire pour aller à l’étranger et les sensibilise s’ils voyagent dans des pays où elle est présente, en leur recommandant de faire attention et de ne pas toucher les animaux errants. Quand j’ai des gens en consultation qui importent des animaux, je contrôle bien, mais ils ont toujours été correctement vaccinés. J’ai fait mes études à Liège où l’on ne nous vaccinait pas. À part la vieille génération, personne ne le faisait et je n’en voyais pas l’utilité. Mais c’est peut-être une bêtise. Il faudrait que je prenne le temps de le faire !