Mieux comprendre la douleur abdominale chez les bovins - La Semaine Vétérinaire n° 2028 du 05/04/2024
La Semaine Vétérinaire n° 2028 du 05/04/2024

FORMATION MIXTE

Auteur(s) : Ségolène Minster

CONFÉRENCIER

GUILLAUME BELBIS (A 06), Dipl. European College of Bovine Health Management (CBHM), praticien rural et ancien maître de conférences à l’unité de Pathologie des animaux de production de l’ENVA

Article rédigé d’après la webconférence « Mieux comprendre la douleur abdominale chez les bovins», organisée par Axience le 14 mars 2024.

Sur le terrain, des cas de vaches avec des « signes de coliques » sont fréquemment signalés. L’arsenal thérapeutique est varié et la prise en charge dépend de l’étiologie.

Physiopathologie d’une douleur « classique »

Dans le cas d’une plaie cutanée, un stimulus active des nocicepteurs locaux. Les stimuli sont convertis en influx nerveux véhiculé jusqu’à la corne dorsale de la moelle épinière, relayé vers l’encéphale par des neurones médullaires spécifiques, où ils atteignent l’étage supraspinal (thalamus, puis système limbique ou cortex selon le type de douleur).

Il existe 2 types de nocicepteurs au niveau cutané :

– les mécanonocicepteurs, principalement, sensibles aux coupures, piqûres (avec des terminaisons de fibres Aδ faiblement myélinisées) ;

– les nocicepteurs multimodaux (terminaisons de fibres C amyéliniques). Ils sont stimulés par des brûlures par exemple.

Les fibres myélinisées Aβ, conduisant des informations non nociceptives modulent la douleur.

Spécificités des viscères

Au niveau viscéral, les nocicepteurs multimodaux amyéliniques sont principalement présents. Il n’y a pas de fibres tactiles Aβ (ex. : lors d'une césarienne, toucher les organes ne provoque pas de réaction de l’animal).

Autres particularités, les douleurs sont rapportées sur un vaste territoire somatique. Dans certains cas, une douleur viscérale peut donner l’impression d’avoir une origine cutanée. On parle alors de « douleur rapportée ». La douleur viscérale se projette sur le cortex somatosensoriel secondaire, qui donne une représentation spatiale diffuse de la douleur. En conséquence, un problème focal au niveau viscéral peut donner un ressenti de douleur étendue. Un phénomène douloureux primaire peut conduire à des boucles réflexes motrices, à l’origine d'une « douleur référée », c'est-à-dire ressentie à distance du siège de la lésion (contracture réflexe secondaire, crampes digestives notamment). Chez l’animal, on peut constater un abdomen levretté.

Quelles sont les conséquences de cette innervation viscérale ?

Les stimuli à l’origine de douleurs viscérales sont moins nombreux (pas de douleur induite par les coupures et brûlures).

Certains stimuli particuliers sont à l’origine de douleurs. C’est le cas des distensions d’organes creux, de capsules (ex. : pyélonéphrite).

Certains organes sont plutôt insensibles à la douleur : le péritoine viscéral, le foie et les reins, à l’exclusion des distensions de leur capsule.

On rencontre des phénomènes d’allodynie (douleur d’un stimulus habituellement non nociceptif) lors d’inflammations de la muqueuse (ex. : salmonellose, utérus très enflammé).

Quelles sont les origines de la douleur abdominale ?

– Viscérale : spasmes musculaires, distension de la musculature viscérale, inflammation, ischémie (volvulus de la caillette par exemple) ;

– Pariétale (péritonite) ;

– Extra-abdominale (douleur thoracique, fourbures).

Quelles conséquences sur la symptomatologie ?

Il n’y a pas de corrélation entre l’état clinique de l’animal et la gravité des lésions. Par exemple, la perforation d’un organe creux ne crée pas de douleur immédiate.

Au contraire, des distensions marquées (occlusions intestinales), une forte pression, des contractions, des étirements des mésos et inflammations (atteinte des organes creux, conduits, enveloppes) peuvent générer des douleurs intenses.

Certains signes liés à la douleur rapportée peuvent être mis en évidence (boiterie, raideur constatée par l’éleveur alors que la douleur est viscérale).

Quels symptômes le bovin présente-t-il en cas de douleur abdominale ?

– des symptômes non spécifiques (chute de lait, baisse d’ingestion, baisse de rumination). Il est donc important de conduire un examen clinique minutieux ;

– des symptômes plus spécifiques (signes d’inconfort, auto-auscultation, coup de pied dans l’abdomen, bruxisme) ;

– des symptômes associés à la maladie à l’origine de la douleur (absence de bouse, distension abdominale).

L’étiologie et la localisation de la douleur doivent être déterminées, car elles dictent les choix thérapeutiques.