ANALYSE GENERALE
Vie de la profession
« Synapse vise un rapport gagnant-gagnant avec les investisseurs »
Créé le 20 mars 2024, le Syndicat national des associés professionnels de la société Evidensia (Synapse) compte à ce jour près de 300 candidats à l’adhésion, tous vétérinaires associés. Pierre Garcia (A 89), praticien canin à Guéret (Creuse) et président de ce syndicat, détaille ses objectifs et ses ambitions pour La Semaine Vétérinaire.
Quelle est la genèse de votre initiative ?
Jusqu’à début 2023, nous étions bien chez nous. Je dirais même que nous évoluions dans un climat euphorique. Malheureusement, des désordres internes ont commencé à apparaître au sein d’IVC Evidensia, surtout liés à notre groupement d’intérêt économique (GIE). Une grogne est progressivement montée chez les associés professionnels internes (API - salariés ou vétérinaires libéraux). À la fin de l’été sont survenus nos problèmes ordinaux que tout le monde connaît1. À l’initiative d’un confrère, Doan Tran (A 98), un groupe de 250 vétérinaires a été créé avec l’appui du Syndicat national des vétérinaires d’exercice libéral (SNVEL). Nous avons réussi à obtenir une conciliation ordinale. Notre objectif était de faire entendre notre voix et être des acteurs à part entière de la rédaction des nouveaux statuts. À la fin de l’épisode ordinal, nous avons décidé de créer le Syndicat national des associés professionnels de la société Evidensia (Synapse) afin de pérenniser notre action.
Quelle est la vocation du syndicat Synapse ?
Nous souhaitions nous fédérer au sein d’un groupe pérenne en gardant un lien avec le SNVEL. Synapse a pour but de fédérer le maximum d’associés du réseau IVC Evidensia. Il a une vocation électoraliste et de conseil. Avec l’aide de notre avocat, nous souhaitons éclairer les vétérinaires sur les sujets complexes qui pourraient être mis à l’ordre du jour de nos assemblées générales et favoriser le vote des API en pouvant même, le cas échéant, recueillir leurs voix. Nous voulons aussi donner à l’Ordre des gages d’indépendance en lui démontrant notre implication active dans la vie de notre société et notre volonté de rester acteurs de notre profession. Synapse devra d’abord être aussi un partenaire pour la reconstruction d’un groupe fragilisé par sa croissance rapide et les événements qu’il vient de traverser. Nous avons toujours été loyaux envers un investisseur à qui nous avons confié nos cliniques pour qu’il nous aide à les faire prospérer. Ce partenariat est déjà commencé.
Parlez-nous davantage de ses objectifs…
Comme je viens de vous le dire, tout d’abord aider à reconstruire un groupe puissant et équilibré dans lequel nous pourrons tous évoluer professionnellement comme nous le souhaitions lorsque nous avons vendu nos cliniques. En revanche, Synapse sera toujours prudent et ne laissera jamais, aujourd’hui et surtout demain, un investisseur devenir trop « gourmand », au détriment de nos équipes et de nos clients. Nous saurions en ce cas être un caillou pointu dans sa chaussure. Par ailleurs, nous voulons également nous faire connaître afin que d’autres syndicats de ce type puissent apparaître au sein d’autres groupes. Pourquoi pas, in fine, créer un bureau commun. Désormais, le premier objectif est de retrouver une confiance qui a été émoussée ces derniers mois. Synapse veillera à ce que la liberté professionnelle des vétérinaires soit toujours préservée. Dans une symbiose si l’un prend l’avantage sur l’autre cela devient du parasitisme. Nous devons être dans un rapport gagnant-gagnant avec les investisseurs. Notre syndicat nous permettra d’atteindre cet objectif.
La doctrine rédigée à la suite de la procédure de conciliation apporte des éclaircissements sur les décisions du Conseil d’État du 10 juillet 20232. Celle-ci protège-t-elle réellement les vétérinaires associés ?
Cette conciliation [lancée par le ministère de l’Agriculture le 11 octobre 2023, NDLR] a abouti à la rédaction de statuts conformes à la doctrine « Doutriaux ». Elle a presque valeur de loi d’après notre ministre, même si l’éminent professeur de Droit des sociétés que nous avons consulté (afin d’être sûrs de signer des statuts conformes) pointe quelques imprécisions. Ces statuts ont donc été logiquement avalisés par l’Ordre. Sur le papier tout est clair, mais, dans les faits, la réponse paraît moins évidente. Dans la pratique, nous sommes tellement nombreux que l’effet de dilution de nos votes rend de facto notre majorité difficile à exprimer. Par exemple, le président d’une société par actions simplifiée (SAS) a énormément de pouvoirs. Il est révocable à la majorité simple selon nos statuts, si telle était la volonté des API, mais ils auraient du mal à l’obtenir concrètement à moins d’être sûrs que la quasi-totalité des vétérinaires votent et tous dans le même sens.
Personnellement, j’ai longtemps défendu auprès de mes détracteurs mon indépendance totale et contractuelle depuis la vente de ma SELARL. Je faisais ce que je voulais dans ma structure en tant que directeur de clinique sans que notre investisseur n’y trouve à redire tant que je me comportais d’une manière responsable. Malheureusement, dans un couple, il peut y avoir des hauts et des bas… L’accompagnement n’a clairement pas suivi l’extension du groupe France [Evidensia est un groupe européen d’origine britannique3, NDLR] et une grogne est montée au fur et à mesure des couacs à répétition, accompagnée d’une perte de confiance réciproque. L’épisode ordinal nous a clairement dessillé les yeux et, avec le recul, je me rends compte que nous étions plus pieds et poings liés que nous le pensions. Nos nouveaux statuts sont bien meilleurs. Nous nous battons également afin que le budget annuel soit défini au moins au départ au sein de chaque domicile professionnel d’exercice (DPE) même si nous comprenons et respectons les demandes légitimes de notre investisseur de retour sur investissement.
Synapse sera pour nous une condition sine qua non à la reconquête d’un avenir commun serein où nos jeunes futurs confrères et consœurs auront envie de venir nous rejoindre pour travailler dans ce qui doit devenir une grande aventure vétérinaire inédite en France. Par ailleurs, nous souhaitons être un exemple à suivre pour les associés vétérinaires des autres groupes.
Synapse en quelques mots…
Le Syndicat national des associés professionnels de la société Evidensia (Synapse) vise deux objectifs : être un organe d’explication et de discussion des ordres du jour des assemblées générales du groupe IVC Evidensia (des visioconférences, régionales ou nationales, seront organisées pour ce faire) et un « vrai syndicat en toute indépendance vis-à-vis d’IVC, en liaison étroite avec le SNVEL ». Partenaire actif de la reconstruction, il aura également vocation à « être un garde-fou et un interlocuteur intransigeant » des investisseurs. Pierre Garcia, président du syndicat Synapse, rappelle que Yves Doutriaux a soutenu dans sa doctrine un regroupement des API : « cela correspond également à la demande ordinale de maintien de notre liberté professionnelle. Ces deux arguments nous ont logiquement poussés à nous fédérer en un syndicat. »