Pour son congrès annuel, l’Afvac soigne les jeunes, qu’ils soient bipèdes ou quadrupèdes - La Semaine Vétérinaire n° 2015 du 15/12/2023
La Semaine Vétérinaire n° 2015 du 15/12/2023

Grand-messe

ANALYSE CANINE

Auteur(s) : Par Gwenaël Outters, avec Valentine Chamard, Pierre Dufour, Anne-Claire Gagnon, Laurent Masson et Mylène Panizo

La pédiatrie et le management des jeunes ont rythmé les trois jours de conférences proposées lors du dernier congrès de l'Association française des vétérinaires pour animaux de compagnie.

Cinq ans après, la capitale des Flandres a réouvert les portes de son Grand Palais pour accueillir le congrès annuel de l’Afvac : 7000 mètres carrés d’exposition commerciale, 192 exposants, 10 salles accueillant 338 conférences, avec un programme scientifique, des modules panprofessionnels, des événements innovants, des groupes de travail. Soit autant d’éléments qui ont concouru à répondre aux valeurs de l’association : indépendance, excellence pédagogique, confraternité et convivialité. Les consœurs et confrères ont répondu présent au rendez-vous, avec 2 674 inscrits sur les 5 561 badges délivrés ; les salles de conférences étaient bien remplies et les allées de l’exposition commerciale fourmillaient. Les horaires décalés des présentations, déjà en place depuis quelques années, permettent d’éviter le rush de la sortie des conférences et diluent les affluences au sein de l’exposition, assurant aux congressistes d’échanger au mieux avec les partenaires et exposants. Ces derniers ont, cette année encore, joué le jeu de la convivialité avec des buffets agréables et innovants (barbes à papa, gaufres Meert préparées en direct, tireuses de bière du nord) et des moments de détente autour d’un piano, par exemple.

Pédiatrie et management

Autour du thème « Soignons les jeunes », les membres du comité scientifique, présidé cette année par Iban Irubetagoyena (T 05), ont choisi de s’intéresser autant à l’humain qu’à l’animal. Au cours de sessions transversales sur des sujets techniques et pluridisciplinaires, les conférenciers ont présenté un programme portant sur le jeune animal et sur le management du jeune vétérinaire, dont la difficulté d'intégration à certaines structures est identifiée. Au-delà des 35 % de vétérinaires qui n’auront pas exercé ou n’exerceront plus dans les dix prochaines années, un chiffre alarmant, la profession doit également se pencher sur le mal-être général inquiétant identifié par l’enquête du CNOV*.

Exposition : 50 figures iconiques pour la profession

Cinquante figures médiatiques et cultes, personnalités historiques ou personnages de fiction, qui ont façonné l'imaginaire vétérinaire depuis 200 ans, étaient rassemblées dans l'exposition organisée par Emmanuel Thebaud (N 97), collectionneur passionné. De Claude Bourgelat au Dr Dolittle en passant par Marc et Sophie, le Dr Aybolit et bien d'autres, découvrez-les via le lien vidéo https://www.youtube.com/watch?v=7FZbLQWHsVE

Une clinique des erreurs

La clinique des erreurs est un concept pédagogique ludique inspiré des « chambres des erreurs », ateliers fréquemment utilisés en médecine humaine. Les objectifs sont « d’aborder des risques classiques afin de prévenir des erreurs, d’analyser ses pratiques professionnelles et de trouver des axes d’amélioration. Tout ceci dans un esprit non culpabilisant, car l’erreur est humaine », explique notre confrère Michel Baussier (A 75), ancien président du Conseil national de l’Ordre des vétérinaires (Cnov), et co-initiateur du projet avec Marie-Christine Moll, médecin et directrice scientifique de l’association La Prévention médicale. La clinique des erreurs était ouverte aux heures de pause pour les vétérinaires, les ASV et les étudiants. Six à huit participants par session étaient amenés à découvrir en 15 minutes une dizaine d’erreurs ou de risques pouvant intervenir dans une salle d’hospitalisation, reconstituée pour l’occasion. Un débriefing de 15 minutes était ensuite assuré par des vétérinaires de l’Afvac. Les risques et les erreurs à relever concernaient l’hygiène, l’organisation de l’environnement de soins, la conservation des médicaments ou le choix des traitements (antibiotiques critiques). Même si la majorité d’entre eux sont facilement repérables, cet atelier a surtout permis d’ouvrir de nombreuses discussions, de partager les expériences et de remettre en question ses propres pratiques afin de les améliorer.

M.P.

Soigner les jeunes animaux

Points forts des conférences scientifiques

« Anciens » et « jeunes » vétérinaires de talent nous ont transportés dans leurs domaines respectifs d’expertise, les premiers partageant leur riche expérience, comme Dominique Grandjean (A 79) au cours d’une très belle intervention sur le chien de sport, tandis que les seconds nous faisaient voyager dans l’avenir, tel que l’augure Jean-François Boursier (Liège 12), c'est-à-dire là où l’impression 3D deviendra enfin une solution dans le traitement chirurgical des ostéochondrites disséquantes.

Comment envisager les tests génétiques

Après un engouement pour les tests génétiques lors de leur découverte dans les années 2000, le recul scientifique tend à cibler leur utilisation dans un contexte clinique et épidémiologique précis. En matière de dépistage des anomalies cardiologiques, les conférenciers, dont Tony Glaus (Berne 86), ne conseillent pas a priori les tests génétiques dans l’ensemble des cas : les études sont divergentes et les vérités sur la pertinence de ces tests face au développement des maladies ne sont pas prouvées. Dans tous les cas, il est nécessaire de bien analyser les résultats de ces tests et de ne pas prendre de décision uniquement sur cette seule base. En ophtalmologie, Gilles Chaudieu (T 72) précise même que l’utilisation de tests génétiques devrait nécessiter une corrélation entre génotype et phénotype, considérant que « l’usage exclusif des tests génomiques pour le diagnostic des affections oculaires peut évoquer la roulette russe avec 5 balles dans le barillet ».

Mise au point sur les diarrhées chroniques

Le sujet de la diarrhée chronique chez le jeune a fait l’objet d’une session coanimée par Juan Hernandez (A 99) et Laurence Colliard (A 98), lesquels, malgré une heure matinale le samedi, ont réussi à remplir le grand théâtre. Et les congressistes ne s’y étaient pas trompés : ils sont repartis de cette présentation avec des grands principes, des astuces et beaucoup de rigueur sémiologique et thérapeutique. Les conférenciers ont par exemple rappelé que la giardiose peut être portée de façon asymptomatique, de sorte que les tests sérologiques rapides doivent être interprétés à la lumière des signes cliniques. Par ailleurs, les diarrhées répondant aux immunosuppresseurs ne peuvent pas être rencontrées chez les jeunes animaux (les trois causes à privilégier cez eux sont alimentaires, infectieuses et dysbiotiques). La mise à la diète n’est pas recommandée : les capacités digestives diminuent en quelques jours d’anorexie, notamment au niveau du côlon (les cellules coliques se nourrissent à 80 % des nutriments présents dans la lumière digestive). La présence de vomissements et un signe de gravité. L’utilisation massive du métronidazole tend à disparaître faute d’efficacité réelle et, surtout, en raison des conséquences graves et à long terme sur le microbiote. Notre confrère Juan Hernandez considère que la coproculture bactérienne n’a aucun intérêt car la présence de ces bactéries n’est pas forcément pathogène. Une salmonellose ne peut être diagnostiquée qu’à partir d’une mise en culture des selles : elle doit être suspectée en cas de régime BARF ou lors d’immunodépression et surtout en présence d’une entérite suppurative sur les biopsies réalisées par endoscopie. La cryptosporidiose se traite par le mépris en raison de son élimination naturelle après traitement de la dysbiose. Enfin, les conférenciers ont également alerté sur la nécessité de bien différencier les situations et prescrire les aliments à visée gastro-intestinale en fonction de leur composition, puisqu'ils diffèrent sur les fibres, les lipides et l’extractif non azoté (ENA).

Autour des dysplasies

Plusieurs sessions se sont intéressées aux troubles ostéoarticulaires du jeune et en particulier à la dysplasie du coude. Cette anomalie, complexe, regroupe, seule ou associée, une incongruence articulaire, une non-union du processus anconé, une ostéochondrose du condyle huméral médial, une fragmentation du processus coronoïde et des lésions arthrosiques. Les conférenciers s’accordent à dire, et ce même si le dépistage officiel est encore basé dessus, que la radiographie n’est pas l’examen le plus pertinent pour son diagnostic et pour l’évaluation du bilan lésionnel, surtout en cas d’incongruence articulaire. Le scanner est l’examen de choix. La gestion chirurgicale des lésions de la dysplasie du coude chez le jeune est délicate et encore non codifiée : lors de non-union du processus anconé, par exemple, le chirurgien doit choisir entre retrait du fragment (ostéotomie ulnaire et/ou fixation du processus anconé) et traitement conservateur.

Prescrire une alimentation adaptée

L’alimentation du patient pédiatrique est un élément majeur qui conditionne sa santé présente et à venir. Claude Paolino (L 87) et Laurence Colliard ont rappelé le rôle du vétérinaire en tant que source d’informations fiables, face à de nombreuses fausses croyances des propriétaires. Ils ont notamment rappelé les risques, sanitaires et/ou nutritionnels, des régimes à la mode, tels que le BARF (nourriture biologiquement appropriée), le régime végétarien ou végétalien, ainsi que l’alimentation à base d’insectes. Un régime inadapté, en qualité ou en quantité, a des impacts importants, notamment dermatologiques, locomoteurs et digestifs. Une surconsommation, par exemple, peut induire une intolérance digestive sévère chez le chiot ou le chaton, pouvant se manifester par des vomissements, de la diarrhée, allant même jusqu’à un amaigrissement du fait d’une digestion incomplète. La détection de l’obésité juvénile est un enjeu majeur pour la santé de l’animal, tout au long de sa vie. Le surpoids pendant la phase de croissance a des effets délétères irréversibles (troubles ostéoarticulaires, propension à l’obésité une fois adulte, etc.). Une attention particulière doit être apportée dans les premiers mois qui suivent la stérilisation. Nathalie Priymenko (T 86) a quant à elle exposé les besoins spécifiques des nouveau-nés, tout en donnant des conseils pratiques pour leur prise en charge. L’introduction précoce d’amidon a été remise en question, car cela pourrait être un facteur de risque de développement d’une dermatite atopique et d’une maladie inflammatoire chronique de l’intestin. Sans certitude à l’heure actuelle, la conférencière conseille d’appliquer le principe de précaution en sevrant aussi tard que possible, en démarrant avec peu, voire sans amidon, et en diversifiant les sources alimentaires.

Détecter précocement les troubles du comportement

Comme pour d’autres maladies, il n’y a pas d’attentisme tolérable en matière de comportement chez le jeune animal, a insisté Muriel Marion (L 90). Diagnostiquer précocement des troubles comportementaux tels que les syndromes d'hypersensibilité-hyperactivité ou de privation sensorielle permet une prise en charge beaucoup plus efficace, ce qui améliore considérablement le pronostic. « N’attendons surtout pas que jeunesse se passe », car un chien sur deux est abandonné pour des troubles du comportement. L’ensemble des membres du groupe d’étude en comportement des animaux familiers (Gecaf) a encouragé les praticiens généralistes à se lancer. Par ailleurs, les psychotropes ne sont pas à diaboliser.

Un nouveau-né n’est pas un adulte en miniature

Chez le nouveau-né, les signes cliniques sont abrupts, peu spécifiques, avec une évolution rapide (moins d’un jour entre les symptômes et la mort). Le risque de mortalité est fort, surtout la première semaine, même avec une bonne prise en charge. La mère (production de lait, comportement maternel, anatomie des trayons) et la portée doivent être évaluées (anomalies congénitales, parasites, etc.). « Les soins consistent essentiellement en du nursing intensif », résume Sylvie Chastant (A 90), en veillant à une hygiène irréprochable, dans un environnement calme et rassurant. La prise de colostrum est essentielle (1,3 ml / 100 g), sachant que la concentration en immunoglobulines chute entre 4 et 24 heures après la mise bas. Les nouveau-nés sont très sensibles à l’hypovolémie (la réhydratation se fait par voie intraveineuse à raison de 3-4,5 ml/ 100 g puis 10 ml/100 g/j), la déshydratation (le pli de peau étant peu pertinent, préférer la densité urinaire), la perte de poids (à mesurer avec une balance adaptée de cuisine numérique, tous les jours pendant 3 semaines, chaque stagnation de poids étant un signe d’alerte précoce), l’hypoglycémie (sonde orogastrique conseillée), l’hypothermie (utiliser dans l’idéal une couveuse, en réchauffant progressivement d’1°C au-dessus de la température rectale jusqu’à atteindre 35°C. Inutile de le nourrir avant car en dessous de ce seuil le nouveau-né n’a pas de réflexe de succion et un iléus paralytique se met en place). Toutes ces situations sont tous des facteurs prédisposants à des complications infectieuses de type septicémie.

Bien prendre en charge les NAC

Le rôle de prévention du vétérinaire, dès la première visite, est également très important chez les nouveaux animaux de compagnie, car la majorité des maladies découlent des mauvaises conditions de détention (environnementales ou alimentaires). David Guillier (A 14) a par exemple exposé les différentes anomalies du bec des jeunes oiseaux, causées le plus souvent par des erreurs humaines (lors du nourrissage, notamment). Audrey Palmero (A 11) a présenté la consultation d’adoption du lapin et a aussi insisté sur la nécessité d’une prescription de conseils alimentaires, environnementaux, parasitaires et vaccinaux. Elle nous a ensuite transportés chez le furet, une espèce dont la stérilisation est nécessaire dans la gestion de la reproduction et des chaleurs continues. Cependant, la stérilisation chirurgicale est un facteur de risque d’apparition de maladie surrénalienne. Les recommandations actuelles sont l’utilisation d’un implant de desloréline (dont l’efficacité peut aller jusqu’à 4 ans) renouvelé tout au long de la vie de l’animal, ou la stérilisation chirurgicale puis l’implantation 3 à 4 ans après. Toujours chez le lapin, Emma Monge (N 14) a insisté sur l’importance de prendre en charge très rapidement les rhinites du lapereau, avec la réalisation d’un antibiogramme sur écouvillonnage profond ou lavage nasal ; en effet, la pasteurellose en est une cause majeure. Pasteurella est un germe ubiquiste qui va entraîner une maladie clinique à la faveur d’un stress.

Top 10 des premières erreurs lors des gardes

Dans le sillage du thème « soignons nos jeunes », Anthony Barthélémy (L 06) a proposé un classement des erreurs à éviter dans le cadre des urgences de nuit :

1. Rechercher un diagnostic étiologique : l’objectif prioritaire est de stabiliser l'animal grâce à des procédures et que celui-ci reste en vie jusqu’au matin

2. Ne pas oxygéner : l’oxygène est le premier médicament à administrer (avec un flow by ou, mieux, une cage ou tente à oxygène)

3. Ne pas sédater ou traiter la douleur. Celle-ci augmente en effet la consommation en oxygène des tissus. Si des difficultés respiratoires sont présentes, le recours au butorphanol à l’admission est préférable. Si la douleur est sévère, les molécules à disposition sont la morphine, la méthadone, le fentanyl et la kétamine. La buprénorphine, qui a un long délai d’action et n’est pas titrable, n’est pas pertinente dans le contexte d’urgences. Les AIS et AINS sont contre-indiqués.

4. Mal doser les fluides. Il est préférable de recourir au Ringer lactate IV. Commencer par un bolus intraveineux de 10 ml/kg sur 5 à 15 minutes pour le chien et 5 à 10 ml/kg sur 15 minutes chez le chat. Il est possible d’injecter 3 bolus. En cas d’échec de restauration de la volémie, administrer des vasopresseurs.

5. Radiographier l’animal. Source de stress, cela peut conduire à une décompensation mortelle.

6. Vouloir évaluer tout l’abdomen. Privilégier la méthode POCUS abdo (4 fenêtres échographiques) pour mettre en évidence un épanchement et le grader.

7. De même pour le thorax.

8. Ne pas mesurer la lactatémie. Supérieure à 2,4 mmol/l, c’est un marqueur d’hypoxie cellulaire. Son suivi a une bonne valeur pronostique lors de la réanimation.

9. Ne pas réaliser de radiographique thoracique en cas de traumatisme après stabilisation de l’état de l’animal. En cas de polytraumatisme, le thorax est en effet rarement totalement indemne.

10. Ne pas se faire confiance et ne pas suivre son sens clinique.  

P.D.

  • * Résultats de l'enquête sur la santé psychologique des vétérinaires : urlz.fr/ikkq