Expression
EXPRESSION
Auteur(s) : Propos recueillis par Chantal Béraud
La maladie hémorragique épizootique (MHE), maladie virale vectorielle qui a été détectée pour la première fois en France le 8 septembre 20231, continue sa progression. Face à cette évolution, comment les professionnels de santé réagissent-ils ? Laboratoires vétérinaires départementaux d’analyse (LDA) et praticiens livrent leurs témoignages de pratiques.
Stephan Zientara (N 87)
Directeur du laboratoire de santé animale de l’ANSES
Tester pour limiter la propagation
Compte tenu des températures quasi estivales du début de l’automne et vu les nombreux foyers de contamination, la probabilité que la maladie hémorragique épizootique (MHE) réapparaisse au printemps-été 2024 en France me paraît élevée. Mais quelle sera son aire de distribution géographique ? Les praticiens doivent en tout cas envoyer leurs demandes de diagnostics aux 54 laboratoires départementaux d’analyse (LDA) qui maillent efficacement notre territoire. En effet, puisque les signes cliniques entre la fièvre catarrhale ovine (FCO) et la MHE sont très proches, il est nécessaire d’effectuer un prélèvement de sang. La prévention, quant à elle, n’est pas simple car il est difficile d'éviter les piqûres d’arthropodes pour des bovins ou des ovins qui vivent souvent à l’extérieur. Quant aux traitements par des boucles d’insecticides, outre que leur durée d’efficacité est assez faible, ils posent problème car ils sont rémanents dans l’environnement.
Vivien Philis (T 08)
Praticien rural à Lannemezan (Hautes-Pyrénées)
Contre la douleur et la surinfection
Le 7 septembre, j’ai découvert fortuitement un cas de MHE sur un bovin, après une suspicion de FCO. Le laboratoire d’analyses a procédé au test MHE, qui est revenu positif. C’était surprenant… Depuis le 15 septembre, la situation est compliquée pour les vétérinaires de notre secteur car nous avons plusieurs centaines de vaches à soigner ! Côté éleveurs, comme la maladie est nouvelle, il nous faut faire beaucoup de pédagogie auprès d’eux. Ils doivent observer attentivement leurs bêtes matin et soir, bien qu’elles soient au pré ou en estive. Question traitement, je fais du symptomatique car les signes cliniques sont variés (congestions et ulcères du mufle, ulcères nécrotico-hémorragiques des gencives, écoulements nasaux et ptyalisme sévère, conjonctivites, parfois œdème ou paralysie de la langue, etc.). Les vaches les plus touchées ont besoin d’être soutenues au-delà des trois jours de traitement anti-inflammatoire. Le taux de mortalité tourne autour de 2 % et la morbidité entre 15 et 20 %.
Mylène Lemaire (Liège 90)
Directrice du laboratoire vétérinaire départemental de l’Ariège
Une expansion très rapide des cas
Depuis le 22 septembre 2023, avec le soutien du Laboratoire national de référence (LNR), nous avons été agréés pour les tests PCR MHE. Cela nous a permis de réaliser très rapidement des tests avec les premiers résultats positifs, dès le 27 septembre 2023. Au début de cette crise, j’ai beaucoup communiqué avec les vétérinaires qui m’ont remonté des signes cliniques proches de ceux de la FCO, mais très « costauds ». Ils m’ont envoyé des photographies impressionnantes montrant des ulcères buccaux très nécrosés. Cette crise montre la grande réactivité des praticiens, des agriculteurs, des laboratoires départementaux d'analyse, du LNR et des services vétérinaires. Au vu de la progression très rapide des foyers, il semblerait que la MHE risque de devenir endémique.