Gastro-entérologie
FORMATION CANINE
Auteur(s) : Mylène Panizo CONFÉRENCIÈRE FANNY BERNARDIN, diplomate ECVIM-CA, spécialiste en médecine interne à la clinique vétérinaire Vétocéane à Vertou (Loire-Atlantique) Article rédigé d’après une webconférence organisée par le laboratoire Idexx, le 20 avril 2023.
La pancréatite est une infiltration du pancréas exocrine par des cellules inflammatoires. Elle peut devenir nécrosante et se caractérise alors par une autodigestion de l’organe, entraînant un syndrome de réponse inflammatoire systémique et de dysfonction multi-organique. Les formes chroniques sont les plus fréquentes, mais les pancréatites aiguës (PA) sont les plus graves (taux de mortalité estimé entre 27 et 58 % chez le chien, et entre 9 et 41 % chez le chat).
Prédispositions et facteurs déclenchants
Tous les animaux peuvent être atteints, mais il est constaté une prévalence supérieure chez les animaux de plus de cinq ans et chez ceux en surpoids. Il n’y a pas de prédisposition raciale identifiée chez le chat. Chez le chien, un déterminisme génétique a été démontré chez le schnauzer nain. Le yorkshire terrier, le labrador et le caniche sont également prédisposés. Dans la majorité des cas, les PA sont déclenchées par différents facteurs (voir tableau 1).
Signes cliniques
Les signes cliniques lors de PA (voir tableau 2) sont peu spécifiques et différents chez le chien et le chat (retenir la fréquence des hypothermies dans cette espèce). Des scores de gravité, basés sur des critères cliniques et biologiques, ont été proposés1. Les facteurs pronostiques négatifs sont2 : un syndrome de réponse inflammatoire systémique, une coagulation intravasculaire disséminée, une thrombopénie, une augmentation de la créatininémie, une diminution du calcium ionisé, et une hypoglycémie (chez le chat, elle peut signer la présence d’une PA suppurée).
Des complications parfois mortelles peuvent survenir : péritonite septique, choc cardiovasculaire, nécrose tubulaire aiguë, œdème pulmonaire non cardiogénique, épanchement pleural, syndrome de défaillance respiratoire aiguë, etc.
Diagnostic
Les principales anomalies à l’analyse sanguine sont résumées dans le tableau 3.
- Le dosage de la lipase non spécifique chez le chat n’a pas d’intérêt. Chez le chien, il présente une faible sensibilité et spécificité : une atteinte du pancréas peut être suspectée si la lipase est augmentée de 3 à 5 fois sa limite supérieure (et si la créatininémie reste dans les valeurs usuelles).
- Le SNAP cPL/fPL : utilisant la technique ELISA (anticorps dirigés contre la lipase pancréatique), ce test donne un résultat semi-quantitatif en dix minutes. Il peut être utilisé pour exclure une PA chez le chien. En effet, chez cette espèce, la spécificité est de 71,1-77,5 %, et la sensibilité de 91,5-94,1 %. Si le SNAP est négatif, une pancréatite est peu probable, mais s’il est positif, il faut confirmer systématiquement la suspicion par une mesure quantitative en laboratoire.
- Les tests quantitatifs : la Spec cPL ou Spec fPL peut être utilisée pour confirmer la présence d’une PA (sensibilité : 72-78 % chez le chien, 61-67 %, chez le chat, spécificité : 74-100 % chez le chien, 69-91/100 % chez le chat). Un test positif indique une forte probabilité de pancréatite, mais un test négatif ne l’exclut pas. La valeur de la Spec cPL ou de la Spec fPL est faiblement corrélée avec la sévérité de la pancréatite. Elle peut aussi être modifiée en cas de diabète, d’utilisation de corticoïdes, de forme infraclinique de pancréatite, de kyste, de tumeur du pancréas, d’obstruction digestive et de maladie inflammatoire chronique de l’intestin.
- L’intérêt du dosage de la DGGR-lipase est controversé. Sa fiabilité et sa précision sont variables selon les laboratoires et les méthodes utilisées. Les dernières études montrent toutefois des taux de corrélation intéressants avec la Spec cPL.
- L’utilisation de l’imagerie est déterminante dans le diagnostic des pancréatites. L’échographie abdominale est l’examen de choix. Sa sensibilité est variable (machine et manipulateur dépendants), elle est plus faible chez le chat que chez le chien. À l’échographie, les anomalies du mésentère péripancréatique sont les signes précoces d’une pancréatite. Il peut être observé des zones hypoéchogènes (nécrose ou accumulation de fluides), une hyperéchogénicité des graisses, un élargissement et/ou une irrégularité du pancréas, une dilatation du canal pancréatique (être vigilant chez le chat car cela peut être uniquement lié à l’âge) et/ou biliaire et un épanchement abdominal. D’autres lésions peuvent donner les mêmes signes à l’échographie (néoplasie, nodule hyperplasique, œdème causé par une hypertension portale ou une hypoalbuminémie). Attention, un pancréas d’aspect normal à l’échographie ne permet pas d’exclure une pancréatite. Il y a généralement une faible corrélation entre la valeur de la Spec cPL ou de la Spec fPL et la conclusion de l’échographie (ces valeurs augmentent avant que des signes échographiques soient visibles).
- Le diagnostic de certitude fait appel à l’analyse histologique. Les biopsies sont très rarement réalisées en pratique, car les animaux sont souvent débilités et sujets aux hypotensions. Effectuer des cytoponctions échoguidées est intéressant. Peu invasives et sécuritaires, elles sont diagnostiques dans 67 % des cas chez le chat et 73 % chez le chien. Une cytologie normale ne permet pas d’exclure la présence d’une PA.
Traitements
Lorsque la cause est identifiée (voir tableau 1), le traitement est étiologique. Dans la plupart des cas, le traitement est multimodal. Il s’articule autour de 4 grands axes :
- Prise en charge nutritionnelle : elle doit être la plus précoce possible (ne pas dépasser 24 heures d’anorexie). La réalimentation entérale se réalise par la pose d’une sonde si l’animal ne vomit pas. En cas de vomissements, un traitement anti-émétique doit être mis en place avant la réalimentation. Les repas doivent être facilement digestibles, restreints en graisse chez le chien, modérés en glucides et riches en protéines chez le chat. Attention, les diètes liquides vétérinaires sont riches en graisses. Il est donc conseillé de donner une ration ménagère mixée pour les animaux hospitalisés ayant une sonde de réalimentation. Si l’anorexie persiste au-delà de trois jours, il convient de réalimenter l’animal de façon progressive pour améliorer la tolérance digestive, diminuer le risque de vomissements, et de douleur abdominale, et éviter le risque du syndrome de réalimentation, notamment chez le chat (hyperglycémie, hypertriglycéridémie, hypophosphatémie pouvant entraîner une anémie hémolytique potentiellement mortelle).
- La fluidothérapie : elle est essentielle pour corriger la déshydratation, l’hypoperfusion et les désordres électrolytiques et acido-basiques. Du Ringer lactate ou du NaCl 0,9 %, éventuellement supplémenté en potassium, est administré par voie intraveineuse.
- L’analgésie : la méthadone est conseillée – la morphine aggrave les nausées –, elle a un effet dose-dépendant et ne provoque pas de dysphorie. La buprénorphine induit une analgésie modérée – et a un effet plafond – mais pas de sédation. Le butorphanol n’est pas recommandé en raison de sa très faible durée d’action analgésique et son effet sédatif. Le tramadol présente un intérêt pour la gestion de la douleur au retour chez le propriétaire (forme per os). Le maropitant est très utile pour limiter les nausées. Un effet analgésique est démontré dans certaines études. Des antisécrétoires peuvent être utilisés (inhibiteurs de la pompe à protons ou antirécepteurs H2) ainsi que des protecteurs de la muqueuse gastrique (sucralfate). La mirtazapine a un effet orexigène et antinauséeux. Les anti-inflammatoires, stéroïdiens ou non, sont déconseillés.
- L’antibiothérapie : elle est recommandée lors de complications telles que les pneumonies par aspiration, les sepsis ou les pancréatites nécrosantes infectées. L’infection bactérienne est un facteur péjoratif lors de PA, elle peut être due à une colonisation ascendante du pancréas ou à une contamination hématogène par translocation bactérienne à partir du tube digestif. L’amoxicilline ou l’ampicilline sont les antibiotiques à utiliser en première intention.