Urologie
FORMATION CANINE
Auteur(s) : Audrey Chevassu Conférencières Caroline Tual-Vaurs, consultante chez Cerba Vet à Massy (Essonne) Aude Lesenne, microbiologiste chez Cerballiance à Poitiers (Vienne) Article rédigé d'après une webconférence réalisée à l’occasion du Cerba Vet College le 24 janvier 2023.
Les infections urinaires sont fréquentes, aussi bien chez l’humain que le chien ou le chat. Leur prise en charge comporte des similitudes, comme le recours raisonné aux antibiotiques, et quelques différences comme la moindre prévalence des infections urinaires chez le chat vis-à-vis d’autres causes de cystites (cystites de stress, idiopathiques, cristaux ou calculs etc.). Dans tous les cas, afin d’en déterminer la cause et le bon traitement, il convient de veiller à récolter les urines de la façon la plus stérile possible et à les analyser rapidement. Chez le chien et le chat, la cystocentèse comme moyen de prélèvement est préférée, à la différence de l’humain pour lequel les urines seront prélevées sur miction spontanée après désinfection locale. Il existe différents types de cystite, sporadique, récidivante, associée à une pyélonéphrite, prostatite ou suite à un sondage ou une chirurgie.
La cystite bactérienne sporadique : une affection fréquente
C’est la cause la plus fréquente chez le chien, elle est plus rare chez le chat. Elle concerne surtout les femelles non gestantes et les mâles castrés. Il est question de cystite bactérienne sporadique lorsqu’il y a moins de 3 épisodes au cours des 12 derniers mois. Il peut être intéressant de rechercher les facteurs de risque et comorbidités pour limiter les complications.
Chez le chien, dans l’idéal, en attendant les résultats de l’examen cytobactériologique des urines (ECBU), le traitement consiste juste en un antalgique. En cas de gêne importante, un antibiotique probabiliste peut être mis en place, soit l’amoxicilline en première intention, voire du triméthoprime en deuxième intention, 3 à 5 jours maximum. Si une amélioration clinique est observée, mais que les résultats de l’antibiogramme montrent une résistance in vitro, il convient de changer d’antibiotique. Il n’est pas nécessaire de refaire une culture à l’arrêt du traitement sauf en cas de persistance de signes cliniques. Il peut être judicieux de rechercher des facteurs d’entretien, en particulier chez la chienne tels qu’une vulve barrée par exemple.
C’est ce qui s’approche le plus de l’infection urinaire simple identifiée majoritairement chez les femmes de moins de 50 ans. La moitié de ces cystites guérissent spontanément, l’autre moitié nécessite l’utilisation d’un antibiotique probabiliste en monodose en première intention tel que la fosfomycine.
Gestion de la cystite bactérienne récidivante
Elle se définit par l’apparition de plus de 3 épisodes de cystite au cours des 12 derniers mois. Si le germe pathogène isolé diffère d’un épisode à l’autre, un problème anatomique ou immunitaire doit être recherché. Le traitement est le même que pour la cystite sporadique, mais l’antibiotique de première intention doit être revu dès que les résultats d’ECBU sont obtenus. La durée de traitement est la même. En cas de persistance avec rechute, elle peut être prolongée (de 7 à 14 jours maximum). L’association amoxicilline-acide clavulanique n’est pas à choisir en première intention si l’ECBU met en évidence la présence d’E. coli. En effet, lors de cystite récidivante à E. coli, une infiltration intracellulaire des bactéries dans la paroi vésicale est à craindre et dans ce cas, il convient de se tourner vers un antibiotique ayant une bonne diffusion intracellulaire. Les facteurs de risque anatomiques ou endocriniens, par exemple, sont recherchés grâce à des examens complémentaires (échographie, radiographie, biopsie, prise de sang etc.). De la même façon chez l’humain, en dehors des cas de prostatite, l’antibiothérapie ne dépassera pas 7 jours. L’association amoxicilline-acide clavulanique est souvent utilisée pour sa bonne diffusion au niveau urinaire. Le suivi de l’efficacité du traitement doit se baser sur la clinique et non sur un examen microbiologique. Un ECBU de contrôle en l’absence de rechute clinique est inutile.
La pyélonéphrite
Il s’agit d’une infection du parenchyme rénal due à une infection ascendante ou à une bactériémie. Chez le chien, les pyélonéphrites sont souvent causées par des entérobactéries. Le diagnostic différentiel inclut la leptospirose, car elle entraîne un risque de lésions rénales beaucoup plus importantes, ce qui nécessite un diagnostic et la mise en place d’un traitement précoces. Le diagnostic est parfois difficile chez l’animal. Les paramètres sanguins rénaux peuvent être modifiés (urée, créatinine, diméthylarginine symétrique (SDMA)) ainsi que la protéine C-réactive (CRP). Un ECBU sur cystocentèse ou, mieux, sur un échantillon récolté par pyélocentèse doit être réalisé, en particulier sur tout animal présentant un syndrome fébrile ou immunodéprimé. Un traitement antibiotique probabiliste est immédiatement mis en place avant les résultats des examens. Il s’agit d’un antibiotique administrable per os qui diffuse dans le parenchyme rénal, une fluoroquinolone par exemple. Selon les résultats de l’antibiogramme, le choix de l’antibiotique doit être discuté, de même que l’ajout d’un second. Le traitement est revu en l’absence d’efficacité au bout de 72 heures et les facteurs de risques sont recherchés. La durée maximale de traitement est de 7 à 14 jours. Une à deux semaines après l’arrêt de l’antibiothérapie, en cas d’absence de signes cliniques malgré un ECBU positif, une surveillance clinique et biochimique est privilégiée.
Chez l’humain, les céphalosporines de troisième intention seront utilisées. Les bithérapies sont plus rares. Les traitements n’excèdent pas 7 à 10 jours maximum.
La prostatite bactérienne
Lors de bactériurie chez le mâle, l’infection urinaire seule étant rare, il importe de rechercher une prostatite bactérienne. Les examens entrepris sont en première intention le toucher rectal et l’échographie. Une cytologie et une bactériologie peuvent être réalisées sur la troisième phase de l’éjaculat ou sur cytoponction de kyste prostatique ainsi qu’une PCR mycoplasme et Brucella.
En cas d’abcès, celui-ci est drainé et une antibiothérapie probabiliste ciblant les entérobactéries est mise en place avec un antibiotique diffusant bien dans la prostate tel que le triméthoprime ou les fluoroquinolones (à privilégier en cas de suspicion de brucellose). En cas de résistance à ces deux antibiotiques, la clindamycine peut être envisagée.
Une prostatite aiguë nécessite 4 semaines de traitement (à prolonger de deux semaines lorsqu’il s’agit d’une infection chronique). La castration est, dans tous les cas, conseillée.
En l’absence de réponse au traitement, les explorations complémentaires sont l’histologie, la cytologie, voire la recherche de la mutation B-RAF qui est spécifique du carcinome des cellules transitionnelles de la vessie et de la prostate.
Un suivi échographique 8 à 12 semaines après le début du traitement permet d'en contrôler l’efficacité.
Exemples de cas plus complexes
Bactériurie subclinique
Une bactérie peut parfois être mise en évidence sur une urine prélevée proprement, en l’absence de signes cliniques. L’examen du culot permet de confirmer la bactériurie par la présence de neutrophiles dégénérés ou ayant phagocyté des bactéries. Cet examen doit être réalisé immédiatement après le recueil des urines pour que les modifications observées sur les leucocytes soient significatives.
En l’absence de signes cliniques, un traitement n’est pas nécessaire, même en cas de bactérie multirésistante. En cas d’apparition de signes cliniques, l’antibiotique est choisi selon les résultats du premier ECBU et adapté selon celui de contrôle. Il existe des exceptions : les animaux ayant un risque de propagation de l’infection ou en présence de bactéries à risque de cystite incrustante (Corynebacterium urealyticum, bactéries uréases +, Staphylococcus) seront traités. Les contrôles cliniques sont suffisants pour décider de la poursuite ou non du traitement.
Infection à la suite d’un sondage urinaire
Lors de sondage urinaire, par exemple lors de syndrome urologique félin (SUF) chez le chat, le risque d’infection existe. Pour le limiter, la sonde doit être posée de façon la plus stérile possible, avec un circuit fermé, et laissée le moins longtemps possible. Les antibiotiques sont évités tant que celle-ci est en place. Les cultures ne doivent jamais être réalisées sur la sonde, car cette dernière est toujours contaminée par voie rétrograde et les cultures ne sont pas représentatives du contenu vésical.
En cas de signes cliniques, la sonde doit impérativement être retirée. Un ECBU est fait à partir d’un prélèvement par cystocentèse. Une nouvelle sonde est posée si nécessaire. En cas de cystite, celle-ci est gérée comme une forme sporadique.
Infection à la suite d’une chirurgie vésicale
Une infection urinaire peut aussi se développer lors de chirurgie de la vessie. Un ECBU est réalisé suite à une cystocentèse avant l’intervention chirurgicale. Dans tous les cas, l’antibiothérapie est initiée 1 heure avant la chirurgie par des céphalosporines de première ou deuxième génération. Elle est poursuivie 24 heures si l’ECBU est négatif, 3 à 5 jours s’il est positif.
L’antibioprophylaxie n’est pas nécessaire en cas de cystoscopie sans bactériurie et sans calculs.
Chez l’humain, l’ECBU avant chirurgie permet de traiter le patient par antibiothérapie afin de stériliser la vessie et de limiter le risque de bactériémie.
Le microbiome urinaire
Il est désormais connu qu’une vessie de chien n’est pas stérile et que la flore est différente de celle des muqueuses rectales et génitales. Elle ne diffère pas selon le sexe de l’animal. Chez le chien, des Pseudomonas spp. sont retrouvées en majorité. Chez le chat, peu d’études ont été réalisées. Lors d'insuffisance rénale chronique, il est toutefois plus souvent atteint d'une dysbiose avec E. coli ou Shigella. La cystite idiopathique n’est pas corrélée au microbiome du chat. Une étude du métabolome (ensemble des métabolites et intermédiaires métaboliques) et de son lien avec le microbiome fait partie des pistes de recherche, de même que le lien avec le microbiome intestinal.