Droit
ENTREPRISE
Auteur(s) : Par Céline Peccavy
Dans le milieu équin, le fait qu’un équidé appartienne à plusieurs personnes est loin d’être exceptionnel. Dans les milieux canin et félin, c’est beaucoup plus rare. Plus rare donc moins connu et en conséquence moins maîtrisé. À la clé : une situation qui devient explosive… Décryptage.
Reprenons ensemble la genèse de cette fin tumultueuse annoncée. Au départ, toujours deux ami(e)s rempli(e)s des meilleures intentions. Le piège est dès lors tendu, car qui dit amitié et liens étroits dit presque toujours manque de rigueur. Les intentions sont claires : le chien ou le chat appartiendra aux deux. Mais pour ce qui est de l’organisation, on griffonne seulement un petit contrat avec diverses clauses trouvées ci et là sur Internet. Et c’est parti pour l’aventure !
Les premiers temps, tout se passe généralement très bien. Les retards de paiement de l’un ou l’autre des propriétaires ne sont pas encore devenus problématiques. Le partage de jouissance de l’animal non plus. Quant aux saillies si c’est un mâle, on s’accorde bien volontiers. Malheureusement et inévitablement, un grain de sable va venir gripper cette belle harmonie. Peu importe la nature de celui-ci, il produit toujours le même effet : la guerre est déclarée.
Du bon droit de reprendre l'animal…
Instinctivement, l’un des propriétaires se pense alors toujours dans son bon droit à récupérer pour lui seul l’animal sans qu’il ne soit question d’indemnisation. Ce sentiment est d’ailleurs parfois renforcé par le contrat lui-même. Ainsi, on a pu y lire : « Si rupture de contrat, le chien revient de droit à Monsieur A sans indemnités » ou encore « le contrat de copropriété peut être rompu à tout moment et l’éleveur se réserve le droit de reprendre l’animal s’il constate que celui-ci est mal nourri, mal soigné ou maltraité. Même chose si l’autre propriétaire venait à proposer sans accord le chien en saillie. Idem enfin en cas de castration ou autre chirurgie sans l’accord de l’éleveur ». Vous aurez noté que dans les deux cas, l’un des deux propriétaires s’octroie le droit de reprendre l’animal dès lors que les règles de fonctionnement mises en place au début ne sont pas respectées. Ce même propriétaire pense toujours de bonne foi qu’en application des clauses du contrat, il est redevenu seul et unique propriétaire.
... à la complexité de la propriété partagée !
Que de déception alors lorsqu’il découvre que la propriété partagée est un véritable régime juridique avec ses droits mais surtout ses obligations. Il faut en effet oublier ici les petits arrangements entre amis : place à l’indivision et à ses textes contenus dans le Code civil aux articles 815 et suivants. Quelles conséquences ? La première et la plus importante est qu’une fois qu’on est entré dans une indivision, on ne peut en sortir que d’un commun accord ou par un procès. Compte tenu du climat dégradé entre les parties, la voie judiciaire s’avère ainsi souvent la seule porte de sortie. Au magistrat revient donc la charge de trancher et cela sur plusieurs points.
Au magistrat de trancher
En premier lieu, le juge va décider, en exposant ses motifs, de la personne qui aura désormais la pleine et entière propriété de l’animal. En second lieu, vient la partie financière. C’est le temps de faire les comptes : des comptes très précis. L’indivision ne souffre pas l’imprécision et il n’est pas possible de faire une cote mal taillée. C’est donc une véritable comptabilité qui va s’imposer au juge. Il va falloir définir la valeur actuelle de l’animal (celui qui deviendra seul propriétaire devra racheter la part de l’autre) et également déterminer qui a payé quoi pour l’indivision et donc qui doit combien à qui. L’un des deux a plus profité de la présence de l’animal que l’autre ? On va lui demander de payer une indemnité de jouissance.
En conclusion : l’ignorance du régime juridique de l’indivision conduit très souvent à de grandes déconvenues.