Additifs et ingrédients fonctionnels : quels effets sur les capacités cognitives et les lésions musculaires ? - La Semaine Vétérinaire n° 2005 du 06/10/2023
La Semaine Vétérinaire n° 2005 du 06/10/2023

Nutrition équine

FORMATION MIXTE

Auteur(s) : Propos recueillis par Chantal Béraud

SAMY JULLIAND, chercheur sur la relation entre alimentation, digestion, santé et performance chez le cheval, directeur de Lab To Field (LTF) et organisateur du Congrès LTF*. Cet article présente les effets des additifs et ingrédients fonctionnels sur les capacités cognitives, la synthèse et les lésions musculaires du cheval. 

Lors d’une enquête réalisée par Lab To Field en 2021, les qualités cognitives sont ressorties selon les entraîneurs de trotteurs comme le premier facteur associé à la performance des athlètes équins ! Pourtant, depuis une trentaine d’années, seule une poignée de travaux de recherche a été réalisée sur les chevaux en vue d’améliorer leurs qualités cognitives, via des exercices spécifiques. Il n’existe pas non plus à ce jour d’additif ou d’ingrédient alimentaire fonctionnel destiné à l’alimentation équine ayant fait l’objet de publication quant à son effet améliorateur « direct » de la cognition équine.

Peuvent-ils lutter contre le stress des chevaux ?

Cependant, il existe quelques travaux qui peuvent être intéressants pour des effets indirects, notamment en matière de nervosité du cheval. En effet, si un état de tension aigu, très temporaire, est associé à une amélioration des performances d’apprentissage, il est cependant considéré qu’un stress chronique diminue les capacités d’attention des chevaux et réduit leur motivation. Pour le diminuer et accentuer l’apprentissage, divers produits sont déjà proposés, à base de magnésium, tryptophane, lécithine, vitamines du groupe B, acides aminés, probiotiques ou extraits de plantes comme la valériane. Toutefois, à ce jour, aucun d'entre eux ne semble pouvoir revendiquer des preuves d’efficacité robustes chez le cheval au regard de ces objectifs. L’apport de petites doses de tryptophane semble même conduire à une augmentation de son excitation, conduisant donc à l’effet inverse de celui initialement recherché ! Et à haute dose, des effets négatifs sur la santé et la performance – notamment l’endurance des chevaux – ont été observés… Il est donc essentiel de tester ces produits chez le cheval et de s’appuyer sur des résultats robustes pour construire des allégations.

Focus sur le magnésium et les levures probiotiques

Concernant le magnésium, à la suite d’un évènement stressant ponctuel, son administration par voie orale entraînerait une augmentation limitée de la réponse cardiaque, sans conséquence sur la fréquence cardiaque au repos. Le magnésium pourrait donc réduire le stress aigu, mais son impact sur le stress chronique et la cognition reste inconnu. Cependant les interprétations en la matière restent limitées car, dans les études publiées, le statut basal des chevaux en magnésium et les rations distribuées ne sont pas rapportés ! Enfin, l’administration de levures probiotiques a semblé réduire la nervosité des chevaux dans des travaux préliminaires, mais ceci n’a pas entraîné de modification de leurs capacités d’apprentissage.

L'impact sur la synthèse musculaire

Coupler apports protéiques et glucidiques immédiatement après un effort de force, afin d’entraîner une augmentation conjointe de l’insulinémie et des acides aminés sanguins, semble porter un effet anabolisant et limiter la destruction des fibres musculaires. Ceci pourrait être d’intérêt, notamment pour les disciplines requérant une force maximale élevée. Des travaux préliminaires, où une solution d’acides aminés et de glucose était administrée à des chevaux par voie veineuse, ouvrent des perspectives pour le développement d’additifs ou ingrédients fonctionnels optimisant la synthèse musculaire. Cependant, des études complémentaires sont nécessaires pour préciser les quantités et qualités optimales d’acides aminés et de glucides à apporter au cheval après un effort.

Adapter les doses

Il est fréquent que des chevaux à l’exercice reçoivent des additifs (vitamines C, E, sélénium) ou des ingrédients fonctionnels (ail, aloe vera, argousier, canneberge, gingembre, ginseng, etc.) au fort pouvoir antioxydant dans le but de réduire le stress oxydant subi par les fibres musculaires lors de l’effort. S’il est recommandé de couvrir les besoins en antioxydants plus élevés des chevaux à l’exercice pour limiter les lésions importantes pendant les efforts intenses, de plus en plus de travaux conduits chez l’humain suggèrent cependant qu’apporter en continu des antioxydants à haute dose par l’alimentation réduirait la vitesse de progression du cheval athlète. En effet, avec la réduction du stress oxydatif lié à l’effort, l’adaptation des muscles pour répondre à ces efforts serait plus lente… Ceci mériterait d’être évalué chez le cheval pour déterminer les doses les plus adaptées à la fois pour la santé et la performance.

Les bienfaits du HMB

Le β-hydroxy β-méthylbutyrate (HMB) est une substance métabolisée dans les muscles à partir de la leucine. Chez l’homme, il a été montré qu'elle réduisait la protéolyse à la suite d’un effort, ce qui en conséquence permettait d’améliorer la force et les performances anaérobiques lors des séances futures. Chez le cheval, des effets anticataboliques analogues sont possibles. Une diminution des dommages musculaires après un effort (course de galop) a été observée chez des chevaux recevant quotidiennement du HMB pendant quatre mois. Ceci pourrait être expliqué par la modification de la typologie des fibres musculaires liée à la consommation de HMB. Car avec cet apport de HMB alimentaire, une diminution de la proportion de fibres de type IIX et une augmentation de fibres de type IIA sont observées chez des pur-sang. En lien avec la réduction des lésions musculaires, les performances anaérobiques des chevaux ont semblé supérieures avec la supplémentation.

Des attentes dans le champ cognitif

Très peu d’additifs et d'ingrédients fonctionnels ont fait l’objet d’études scientifiques quant à leur effet bénéfique spécifiquement pour l’espèce équine. Pourtant, le développement de solutions permettant notamment d’améliorer les capacités mentales des chevaux est très attendu par les utilisateurs, comme ceci a été relevé dans une enquête récente conduite au Royaume-Uni, où plus de la moitié des personnes répondant a indiqué déjà distribuer des produits « calmants » aux chevaux. Cette approche de l’amélioration des performances physiques par celle des capacités mentales semble donc représenter une voie de développement future importante…

Utiliser autrement les antioxydants ?

Concernant les produits alimentaires favorisant la synthèse musculaire, définir les quantités et le profil des acides aminés à apporter semble également pertinent. Il sera aussi nécessaire de préciser le timing optimum pour administrer ces compléments par rapport à l’activité physique.

Quant aux antioxydants, qui sont aujourd’hui largement utilisés pour prévenir les lésions musculaires chez les chevaux à l’exercice, il n’est pas certain pour les individus qui ne présentent pas de myopathie que leur consommation en quantité abondante favorise une amélioration optimale des performances. Leur utilisation pourrait donc évoluer, afin qu’ils soient distribués ponctuellement après un effort maximal, et non plus de façon chronique pendant les périodes d’entraînement.

  • * Le prochain congrès Lab To Field (LTF) aura lieu en 2024 à Dijon (Côte-d'Or) sur le thème de « Amidons et sucres dans l’alimentation du cheval : quelles idées reçues, réalités et perspectives ? ».