La recherche canine mise à l’honneur par la SCC - La Semaine Vétérinaire n° 1992 du 02/06/2023
La Semaine Vétérinaire n° 1992 du 02/06/2023

Cynophilie

ANALYSE CANINE

Auteur(s) : Par Amandine Violé

Faire progresser les connaissances en santé canine est l’une des missions que s’est donnée la Société centrale canine. Témoin de cet engagement, la journée de la recherche canine donne la parole aux scientifiques sur des sujets pointus.

La journée de la recherche canine, organisée par la Société centrale canine (SCC), est l’occasion de mettre en lumière des projets scientifiques soutenus par l’association, réaffirmant sa volonté d’agir pour l’innovation et la recherche canine, en partenariat avec l’assureur Agria qui a mis en place un fonds de recherche. La troisième édition de cette journée d’étude, qui a eu lieu le 20 avril 2023 à Paris, a réuni professeur(e)s, spécialistes et étudiants vétérinaires autour de projets de recherche axés sur la médecine générale, la médecine de reproduction, l’éthologie, la sociologie ou la génétique chez le chien.

L’ingestion de médicaments pour l’humain, premier motif d’appel au Capae Ouest

Martine Kammerer, professeure à l’unité de pharmacologie et toxicologie à Oniris (Nantes), a présenté une étude des facteurs de risque d’intoxication chez le chien, à partir de l’analyse de 7 731 dossiers issus de la base de données du Centre antipoison animal environnemental de l’Ouest (Capae Ouest). L’étude révèle que les appels concernent en premier lieu l’ingestion de médicaments humains (29 % des cas), d’aliments inhabituels et de pesticides (respectivement 22 % et 16 % des cas). Les autres causes arrivent au second plan (produits domestiques, médicaments vétérinaires, animaux venimeux…). L’un des facteurs de risque principal d’intoxication est le jeune âge de l’animal : 39 % des appels concernant des chiens de moins d’un an. Certains traits comportementaux particuliers entrent également en ligne de compte. La gourmandise explique en grande partie la nette prévalence des ingestions de chocolat, de pesticides ou de produits de jardin, particulièrement appétents. Par ailleurs, l’étude met en lumière la consommation, méconnue, de pâtes à pain levées, à l’origine de syndromes de dilatation gastrique par fermentation excessive. La curiosité et le jeu sont souvent mis en cause chez des individus, le plus souvent jeunes, ayant ingéré des produits domestiques ou des médicaments négligemment tombés sur le sol. L’utilisation grandissante d’engrais dans le jardin à base de matières organiques (poudre d’os, corne broyée…) a contribué à une hausse de ces référencements au centre antipoison. Les signes cliniques incluent des troubles digestifs plus ou moins sévères. Dans certaines situations, le propriétaire peut être directement impliqué, en cas d’automédication ou de surdosage. Les actes de malveillance ne surviennent que très rarement, si tant est qu’ils soient attestés. Si tel est le cas, l’usage de rodenticides, d’engrais ou d’insecticides est le plus courant. Enfin, les médicaments humains le plus souvent répertoriés sont (par ordre d’importance) : les antihypertenseurs, les antibiotiques, les contraceptifs, les somnifères, les supplémentations en hormones thyroïdiennes. En ce qui concerne les médicaments vétérinaires, l’ingestion de stéroïdes est avant tout citée.

Rechercher l’herpèsvirus dans le sperme avant la mise à la reproduction

L’herpèsvirus (CHV) est un fléau pour la reproduction canine (voir encadré). Une étude, menée au centre de reproduction d’Oniris et présentée par Djemil Bencharif, maître de conférences en pathologie de la reproduction, a pour objectif de mettre au point une nouvelle technique de détection du CHV par PCR en temps réel, de la comparer à celles existantes et d’étudier la transmission vénérienne du virus. Une étude sérologique vient compléter le projet.

Les résultats sont issus de l’analyse de prélèvements sanguins (tests sérologiques et PCR) ainsi que d’écouvillons vaginaux, préputiaux et de sperme (tests PCR) d’une population de chiens reproducteurs (75 femelles et 18 mâles).

Le principal élément d’intérêt concerne la détection – et c’est une première – du CHV dans le sperme canin, confirmant sa virulence. Un mâle peut donc sexuellement infecter une femelle et être à l’origine de troubles de la reproduction. Deuxièmement, l’étude révèle une différence de détection du CHV selon l’échantillon analysé. Ainsi, trois des chiens pour lesquels le virus a été mis en évidence dans le sperme ne présentaient pas de positivité dans leurs prélèvements préputiaux. Une PCR sur sperme s’avère donc indispensable avant la mise à la reproduction d’un mâle. Ce site doit impérativement compléter l’analyse des échantillons préputiaux, privilégiés à l’heure actuelle. La détection du CHV par PCR sur sang total a par ailleurs peu d’intérêt. En cas de semence contaminée, Djemil Bencharif recommande de séparer les trois fractions de l’éjaculat (urétrale, spermatique, prostatique) afin de réaliser des tests PCR sur chacune d’entre elles. Si le CHV est détecté en position extracellulaire dans une ou plusieurs de ces fractions, des techniques d’élimination, similaires à celles utilisées pour le virus de l’immunodéficience humaine sont envisageables. En pratique, la semence doit être congelée puis analysée avant toute insémination.

Un autre intérêt de cette étude concerne la mise au point d’une nouvelle technique de détection par PCR en temps réel, dite PCR EvaGreen. Les résultats des échantillons analysés se sont avérés concordants d’une technique à l’autre, celle de référence restant la PCR TaqMan. Moins onéreuse, celle-ci pourrait être utilisée pour des campagnes de détection à moindre coût.

Enfin, 82 % des animaux (44 sérums analysés) se sont révélés séropositifs. La sérologie doit donc compléter le bilan de détection et permet de faire un état des lieux de la circulation du virus chez des animaux non vaccinés, potentiellement non excréteurs. Ainsi, une séropositivité n’implique pas une positivité par PCR sur sperme ou cellules vaginales/préputiales. Aucune étude sérologique n’avait été menée depuis 1982, celle-ci vient compléter la base de données acquises et témoigne d’une circulation toujours active du virus, quarante ans après.

L’oligodontie chez le westie, une affection héréditaire

L’oligodontie est l’anomalie dentaire la plus fréquemment rencontrée, touchant plus d’un chien sur trois. Chez le westie, un déterminisme génétique est fortement suspecté (mis en évidence chez l'humain). Des études ont démontré un lien entre agénésie dentaire et génétique chez les chiens nus du Mexique, du Pérou et les chiens chinois à crête. Une thèse universitaire1, portée par Pauline Le Corre, avec Claude Guintard, maître de conférences en anatomie à Oniris, et Ruth O’Connor, vétérinaire et éleveuse de West Highland White Terrier, vise à mieux appréhender les origines de l’oligodontie chez ces chiens afin de limiter la propagation de cette anomalie impactante pour les standards de la race. L’étude a été menée sur 57 westies de l’élevage de Ruth O’Connor : 78,95 % des chiens présentaient une atteinte oligodontique, exclusivement des dents prémolaires (I et II), et dans deux tiers des cas, ces agénésies se sont révélées bilatérales. Aucune prédisposition d’âge ou de sexe n’a pu être mise en évidence. La comparaison de ces résultats avec ceux de la thèse de Ruth O’Connor2 (2004) sur une population de West Highland White Terrier similaire montre une stabilité de l’atteinte oligodontique dans le temps (excepté pour les prémolaires IV), laissant suspecter un déterminisme génétique sous-jacent.

Concernant l’étude généalogique, 29 individus, dont les relevés dentaires des deux parents étaient connus, ont été inclus, avec pour objectif de préciser l’influence de la formule dentaire des parents sur celle de leur descendance. À ce titre, une transmission de la sévérité de l’atteinte oligodontique a été démontrée. De plus, ces anomalies semblent se transmettre par localisation, avec une nette représentativité pour les prémolaires I. La formule dentaire du père semblerait avoir une influence plus marquée que celle de la mère sur celle de la descendance, bien que d’autres études, de plus grande ampleur, soient nécessaires pour le certifier. In fine, cette étude confirme la transmission héréditaire de l’oligodontie chez le West Highland White Terrier et invite à poursuivre ces recherches à l’échelle de l’espèce canine.

L’herpèsvirose

L’herpèsvirose affecte tous les chiens sans distinction de sexe ni d’âge. Le virus circule tout d’abord de manière systémique puis entre en latence au sein des organes lymphatiques, jusqu’à sa réactivation. De ce fait, les animaux sont très souvent infectés à vie. L’herpèsvirose est une maladie sexuellement transmissible (par les sécrétions génitales) bien que d’autres modes de contamination existent (sécrétions pharyngées, oro-nasales, selles des chiots contaminés, in utero, enveloppe fœtale ou avortons). Les signes cliniques sont variés : respiratoires (toux, dyspnée, rhinite), oculaires (conjonctivite, blépharite), génitaux (balanoposthite, vaginite, avortement, infertilité…). Chez les jeunes animaux, l’infection conduit le plus souvent à un dysfonctionnement multi-organique à l’origine du décès d’un ou de plusieurs individus de la portée. Certains individus restent asymptomatiques bien qu’excréteurs.

  • Un point a également été fait sur la situation épidémiologique de la brucellose canine (voir aussi La Semaine Vétérinaire n° 1956 du 6 septembre 2022). D’autres études pointues, axées sur la génétique, et deux projets sur la médiation canine ont été présentées lors de cette journée. Un replay des conférences de la journée de la recherche canine 2023 est disponible : https://www.centrale-canine.fr/actualites/journee-de-la-recherche-canine-2023.
  • 1. Le Corre P. Déterminisme de l’oligodontie chez le chien : étude généalogique dans la race West Highland White Terrier. Thèse d'exercice [Médecine vétérinaire]. Nantes: Oniris - École nationale vétérinaire de Nantes, agroalimentaire et de l’alimentation; 2022.
  • 2. Le West Highland White Terrier. Thèse d'exercice [Médecine vétérinaire]. Maisons-Alfort: École nationale vétérinaire d'Alfort; 2004.
Abonné à La Semaine Vétérinaire, retrouvez
votre revue dans l'application Le Point Vétérinaire.fr