Des pratiques agricoles à privilégier pour améliorer la qualité globale du lait - La Semaine Vétérinaire n° 1992 du 02/06/2023
La Semaine Vétérinaire n° 1992 du 02/06/2023

Zootechnie

FORMATION MIXTE

Auteur(s) : Clothilde Barde

Article rédigé d’après la publication scientifique Regression trees to identify combinations of farming practices that achieve the best overall intrinsic quality of milk, de Lucille Rey-Cadilhac (Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement [Inrae]), Anne Ferlay (Inrae), Marine Gelé (Institut de l’élevage), Stéphanie Léger (laboratoire de mathématiques Blaise-Pascal), Catherine Laurent (Inrae)1, parue le 19 janvier 2023.

Au cours des trente dernières années, de nombreuses études ont permis de montrer les effets de certaines pratiques agricoles, prises indépendamment les unes des autres, sur la qualité intrinsèque globale du lait (dimensions sensorielle, technologique, sanitaire et nutritionnelle)2, mais les impacts de la combinaison de certaines pratiques restent sous-étudiés. C’est pourquoi l’étude présentée ici avait pour objectif d’évaluer l’ensemble des pratiques d’élevage et d’identifier, à partir d’arbres de régression, celles à mettre en place conjointement pour obtenir de meilleurs scores de qualité intrinsèque du lait de tank selon les produits cibles (fromage au lait cru ou lait demi-écrémé ultra-haute température [UHT]) mais aussi de répondre aux attentes des filières et des consommateurs. À cette fin, les chercheurs ont visité 99 fermes privées pour échantillonner leur lait en vrac et étudier leurs pratiques agricoles (caractéristiques du troupeau, gestion de l’alimentation, conditions d’hébergement, de traite et de stockage du lait le jour de l’essai). 

Importance de la race et de la ration

Pour le lait destiné à la transformation fromagère, le meilleur score global de qualité du fromage (qui est positivement corrélé aux scores technologique, sanitaire, sensoriel et nutritionnel du fromage) a été obtenu dans cette expérimentation dans les élevages de montbéliardes et dans les troupeaux mixtes/croisés nourris sans ensilage de maïs. À l’inverse, la note la plus faible a été observée dans les élevages de Prim’Holstein nourries avec de l’ensilage de maïs. Concernant le lait UHT, le meilleur score de qualité est relevé dans les systèmes dont les régimes sont à base d’herbe à un stade de lactation moyen (≥ 168 jours post-partum) et le plus bas chez les animaux nourris principalement avec de l’ensilage de maïs. Les résultats de cette étude ont donc permis de montrer que les pratiques agricoles influencent la composition du lait, avec une importance variable. Ainsi, dans l’évaluation de la qualité globale du fromage, la race des vaches et le régime alimentaire (type de fourrage) étaient les facteurs les plus influents mis en évidence dans l’arbre de régression concernant les dimensions sensorielle, sanitaire, technologique et nutritionnelle. Pour expliquer l’importance de la race, les chercheurs ont avancé l’hypothèse d’une corrélation entre les teneurs en caséine et en calcium du lait et la race de la vache. En effet, le lait des vaches Montbéliarde a une teneur en calcium plus élevée que celui des vaches Prim’Holstein3,4. Il est également plus riche en caséines. Concernant le score technologique du lait, lorsque le troupeau était composé de vaches Montbéliarde, une quantité plus élevée de concentré (≥ 31 % de la matière sèche ingérée totale) entraînait des scores technologiques plus élevés, ce qui est probablement dû, selon les chercheurs de l’étude, à l’augmentation de la densité énergétique de la ration et conduit à une teneur plus élevée en protéines du lait et en caséines5. Par ailleurs, le type de fourrage était le facteur le plus influent pour expliquer les scores sensoriel et sanitaire du lait car il existe une corrélation entre l’indice de couleur jaune du lait (teneur en caroténoïdes [notamment β-carotènes]) et son profil en acides gras, lui-même dépendant du type de fourrage administré6,7,8. Par conséquent, les laits de vaches au pâturage sont les plus riches en β-carotènes, et donc les plus jaunes, puis ceux des vaches nourries avec du fourrage à base d’herbe tandis que les laits des vaches nourries avec de l’ensilage de maïs contiennent beaucoup moins de caroténoïdes9. Dans cette étude, la race était ainsi le critère le plus déterminant pour améliorer les scores technologique et nutritionnel des fromages, et la présence et la proportion d’ensilage de maïs dans la ration avait une influence sur les scores sanitaire, sensoriel et donc de qualité globale des fromages.

Des applications sur le terrain

Comme l’ont indiqué les chercheurs, il semblerait que les combinaisons de pratiques permettant d’obtenir de meilleurs scores de qualité du lait selon la dimension étudiée et le produit visé. Les conseils sur les pratiques d’élevage pour améliorer la qualité intrinsèque du lait doivent donc être adaptés en fonction de la destination finale du lait collecté. De plus, cette approche, innovante, combinant des données de la ferme et des arbres de régression, fournit aux gestionnaires d’exploitation un outil précieux et efficace pour hiérarchiser les pratiques en fonction de leur rôle dans l’élaboration de la qualité du lait, et pour identifier les combinaisons de pratiques qui favorisent une meilleure qualité du lait ainsi que les seuils ou les modalités nécessaires pour y parvenir. Cette étude préliminaire devrait toutefois être consolidée à l’avenir selon les auteurs. Pour cela, selon ces derniers, il faudrait échantillonner davantage d’exploitations afin d’observer des combinaisons de pratiques plus complexes sans surajustement, d’améliorer la précision des résultats et de développer des arbres de régression plus génériques.

  • 1. Rey-Cadilhac L., Ferlay A., Gelé M., et al. Regression trees to identify combinations of farming practices that achieve the best overall intrinsic quality of milk. J Dairy Sci. 2023;106(2):1026-38. rb.gy/73cpk
  • 2. Baeza-Campone E., Prache S. (Eds), Clinquart A., et al. Variabilité des propriétés des produits animaux selon les conditions d’élevage et de transformation - les déterminants. In: Prache S., Santé-Lhoutellier V. (Eds), Adamiec C., et al. La qualité des aliments d’origine animale selon les conditions de production et de transformation. Rapport de l’expertise scientifique collective. Paris: Inrae; 2020. P. 183-532. rb.gy/yyvct
  • 3. Macheboeuf D., Coulon J.B., D’hour P. Aptitude à la coagulation du lait de vache. Influence de la race, des variants génétiques des lactoprotéines du lait, de l’alimentation et du numéro de lactation. INRA Prod Anim. 1993;6(5):333-44. rb.gy/x0ri1
  • 4. Gaignon P., Gelé M., Hurtaud C., Boudon A. Characterization of the nongenetic causes of variation in the calcium content of bovine milk on French farms J Dairy Sci. 2018;101(5):4554-69. rb.gy/2l3ch
  • 5. Coulon J.B., Rémond B. Variations in milk output and milk protein content in response to the level of energy supply to the dairy cow: A review. Livest Prod Sci. 1991;29(1):31-47. rb.gy/c669p
  • 6. Dewhurst R.J., Shingfield K.J., Lee M.R.F., Scollan N.D. Increasing the concentrations of beneficial polyunsaturated fatty acids in milk produced by dairy cows in high-forage systems. Anim Feed Sci Technol. 2006;131(3-4):168-206. rb.gy/pb59d
  • 7. Chilliard Y., Glasser F., Ferlay A., et al. Diet, rumen biohydrogenation and nutritional quality of cow and goat milk fat. Eur J Lipid Sci Technol. 2007;109(8):828-55. rb.gy/djfo5
  • 8. Ferlay A., Bernard L., Meynadier A., Malpuech-Brugère C. Production of trans and conjugated fatty acids in dairy ruminants and their putative effects on human health: A review. Biochimie. 2017:141:107-20. rb.gy/2k0le
  • 9. Nozière P., Graulet B., Lucas A., et al. Carotenoids for ruminants: From forages to dairy products. Anim Feed Sci Technol. 2006:131(3-4):418-50. rb.gy/d4eqx
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