Système d'élevage
FORMATION MIXTE
Auteur(s) : Clothilde Barde Article rédigé d'après la conférence « Valoriser une diversité de biomasses pour répondre aux enjeux techniques, environnementaux et sociétaux des élevages de ruminants »1, donnée par René Baumont (directeur de recherche, Institut national de la recherche pour l'agriculture, l'alimentation et l'environnement) lors des 26es Journées 3R des 7 et 8 décembre 2022.
Parmi les multiples enjeux (techniques, économiques, environnementaux et sociétaux) auxquels les élevages de ruminants font face actuellement, le choix et l’utilisation des ressources alimentaires sont fortement questionnés. Ainsi, en France, les ruminants permettent de valoriser la moitié de la surface agricole utile (SAU) par les cultures fourragères et les prairies, qui fournissent environ 70 millions de tonnes (Mt) de matière sèche (MS) et 9 Mt de protéines2. En outre, ils consomment plus de 13 Mt d’aliments concentrés sous forme de graines ou de coproduits (dont 1,7 Mt de soja essentiellement importées)3. L’autonomie alimentaire des élevages de ruminants dépend donc de la part des fourrages dans leur ration alimentaire4 mais, avec la multiplication des épisodes de sécheresse observée actuellement, cette autonomie fourragère est remise en cause. Les chercheurs constatent une modification de la pousse de l’herbe et, une étude menée sur trente ans montrent une dégradation significative de la valeur alimentaire des foins de prairie permanente récoltés ainsi qu’une avancée des dates de récolte (d'une semaine en trente ans)5. C'est pourquoi, dans le travail de recherche présenté ici, l'objectif était de faire une synthèse des publications françaises et européenne pour proposer des leviers permettant de concevoir des systèmes alimentaires plus résilients au réchauffement climatique.
Des biomasses diversifiées
Selon les chercheurs, une des solutions consiste à mieux intégrer l’élevage aux productions végétales6. Ainsi, l’utilisation d’une diversité de biomasses (prairies diversifiées et légumineuses) pour alimenter les ruminants peut contribuer positivement à la biodiversité et à l’entretien des paysages. Dans les prairies temporaires, des espèces résistantes à la sécheresse (comme la fétuque élevée ou le dactyle) peuvent être intégrées. Il est également possible d'intervenir sur la complémentarité des espèces afin d’assurer une production plus continue pendant la saison. Ou de produire du fourrage supplémentaire durant l'intersaison en cultivant des dérobées fourragères seules ou en mélange (trèfle incarnat ou vesce, par exemple)7. De même, le métei, ou mélange de céréales à paille et de légumineuses, peut permettre de constituer des stocks car les périodes d’implantation et de récolte tout comme les modes de valorisation (pâturage, ensilage ou enrubannage) sont multiples8. L’utilisation en dérobées fourragères estivales de graminées à photosynthèse en C4 (moha, millet perlé, teff grass, sorgho multicoupe), originaires des zones intertropicales et donc plus résistantes aux conditions de chaleur et d’aridité, associées ou non avec une ou des légumineuses représente également une option, même si la qualité nutritionnelle de ces espèces cultivées sous nos conditions est encore peu connue9.
Plus de production locale
Pour réduire la dépendance des élevages de ruminants aux importations, les chercheurs proposent l’utilisation de légumineuses fourragères et à graines10. De nouveaux procédés technologiques ont été développés afin d'améliorer la valorisation des ressources végétales existantes et de créer de nouvelles biomasses. Ainsi, la valeur alimentaire des graines (la féverole ou le pois) peut être améliorée par de nouvelles méthodes d’extrusion, de toastage11 ou de décorticage12. La concentration et la biodisponibilité des protéines des tourteaux de colza et de tournesol pourraient également être accrues par de nouveaux procédés, tel le blutage. Le « bioraffinage » des fourrages est une technique qui progresse13. Toutefois, le développement de ces nouvelles technologies pose de nombreuses questions quant à l’organisation des filières, à l’efficience énergétique des procédés et à l’absence de risque sanitaire pour les animaux14.
Des possibilités nouvelles
Au-delà de ces opportunités techniques, une autre source protéique envisageable est l’apport d’insectes15,16 car leur teneur en protéines est généralement supérieure (ou égale) à celle du tourteau de soja ; ils sont riches en acides aminés essentiels en comparaison des protéines végétales et en lipides17. Si l’intégration de protéines d'insectes dans l’alimentation avicole et porcine est autorisée dans l’Union européenne depuis 2021, elle reste interdite pour les ruminants. Le potentiel d’utilisation des algues et microalgues en tant que matière première pour l’alimentation animale paraît modeste du fait de leur faible teneur en matière sèche, qui nécessiterait en outre de l’énergie pour concentrer les nutriments. L'ensemble de ces projets de valorisation de nouvelles biomasses par les ruminants pose néanmoins encore de nombreuses questions techniques quant à leur potentiel quantitatif et qualitatif. Comme l’ont conclu les chercheurs, il sera encore indispensable de caractériser plus finement ces nouveaux aliments pour bien les valoriser dans les rations.