Les sécrétions nasales des brebis modifiées par « l’effet bélier » - La Semaine Vétérinaire n° 1990 du 19/05/2023
La Semaine Vétérinaire n° 1990 du 19/05/2023

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ANALYSE MIXTE

Auteur(s) : Clothilde Barde

Une équipe de chercheurs de l’Institut national de la recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement a publié le 24 février 2023 les résultats d’une étude proposant une technique pour permettre la reprise de cyclicité de brebis non cyclées.

« Les odeurs émises par un mâle sexuellement actif peuvent activer le cycle ovulatoire des femelles en repos sexuel, lorsque celui-ci est peu profond. Il s’agit de “l’effet mâle” », rappellent des chercheurs de l’Institut national de la recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (Inrae) dans une publication1 de l’équipe de physiologie de la reproduction et des comportements du 24 février 2023. En effet, dans les conditions naturelles, les petits ruminants ne se reproduisent pas toute l’année : ils alternent entre une période de repos sexuel (ou anœstrus saisonnier) et la reprise de l’activité sexuelle avec la diminution de la durée des jours. D’ailleurs, en 2019, des chercheurs de l’unité sous contrat de glycobiologie structurale et fonctionnelle (USC UGSF) et de l’unité mixte de recherche en physiologie de la reproduction et des comportements (UMR PRC) avaient démontré2 que le mucus nasal des brebis contient des protéines jouant un rôle dans l’olfaction (odorant-binding proteins [OBP], en anglais) et que la transition entre l’état de repos sexuel et la reprise d’activité se traduit par la glycosylation des protéines du mucus nasal (addition de O-b- N-Acétylglucosamine des isoformes de l’OBP).

Importance du sécrétome olfactif

C’est pourquoi, partant du postulat que la composition de ce « sécrétome olfactif » est déterminée par le moment du cycle d’œstrus des femelles, des chercheurs de l’unité expérimentale de physiologie animale de l’Orfrasière (UE PAO, équipe de la physiologie de la reproduction et des comportements de l’Inrae) ont cherché à comprendre si ce changement de composition de l’OBP pourrait permettre aux seules brebis sexuellement actives de détecter les odeurs de mâles. À cet égard, l’essai a impliqué 12 brebis dont 6 ont été soumises à l’effet mâle (stimulées) et 6 n’ont pas été stimulées. Le mucus nasal a été prélevé 24 heures avant, quelques minutes après (T0) puis 30 minutes, 6 heures, 24 heures, 48 heures et 7 jours après l’exposition au mâle des brebis stimulées à l’aide d’une compresse stérile, puis sa composition a été analysée par les méthodes de protéomique. Le taux de progestérone plasmatique a également été suivi durant cette période sur les 12 brebis.

Des travaux à poursuivre

D’après les résultats obtenus, il semblerait que l’efficacité de l’effet mâle a été faible chez les brebis stimulées, car seulement 3 femelles sur les 6 présentaient des niveaux élevés de progestérone dans leur sang, ce qui, selon les chercheurs, reflète la réalité de cette pratique sur le terrain, puisque environ 50 % des brebis seulement répondent en général à l’effet mâle. Malgré le faible nombre de brebis réceptives, un profil spécifique de sécrétome olfactif a été observé. Il a permis de montrer que l’apparition d’O-GlcNAcylation des OBP, précédemment détectée uniquement en période d’activité sexuelle, apparaît dès 30 minutes seulement après la mise en contact avec le mâle, « ce qui suggère que l’odeur du mâle provoque l’activation de la O-GlcNAcylation des OBP des femelles », ont indiqué les chercheurs. Les résultats de cette étude exploratoire nécessitent toutefois d’être confirmés sur un plus grand troupeau. Cependant, ils ont permis d’établir un lien entre le statut hormonal et la composition du sécrétome olfactif des brebis stimulées par l’odeur du mâle, qui pourrait éventuellement être utilisée comme marqueur de la réceptivité des brebis à l’odeur du bélier. Pour cela, « un test antigénique mettant en contact un écouvillon de sécrétome olfactif et les anticorps qui reconnaissent la GlcNAc pourrait être mis au point », ont-ils conclu.

  • 1. Les sécrétions nasales des brebis sont modifiées par « l’effet bélier ». bit.ly/3nPNCaK.
  • 2. Cann P., Chabi M., Delsart A., et al. The olfactory secretome varies according to season in female sheep and goat. BMC Genomics. 2019;20:794. bit.ly/3MhOoH2.
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