Engrais et lis, focus sur deux sources d’intoxication chez le chien et le chat - La Semaine Vétérinaire n° 1990 du 19/05/2023
La Semaine Vétérinaire n° 1990 du 19/05/2023

Toxicologie

PHARMACIE

Auteur(s) : Ameline Azam pour le CNITV

Les données récoltées en 2022 par le Centre national d’informations toxicologiques vétérinaires révèlent les « tendances d’intoxication » des animaux de compagnie. L’exposition aux engrais NPK reste l’une des principales intoxications chez le chien.

En 2022, les intoxications aux engrais NPK ont été le deuxième motif d’appel pour les chiens au Centre national d’informations toxicologiques vétérinaires (CNITV). Chez le chat, les toxines à l’origine des troubles provoqués par le lis n’ont pas encore été identifiées, mais il est admis que toute la plante, même le pollen, est toxique pour cette espèce. Chez ces animaux, tout contact avec du lis doit être considéré comme potentiellement grave.

Vigilance sur les engrais

Lorsqu’un chien ingère de l’engrais, il est primordial de se renseigner sur la composition exacte de l’engrais. La présence de tourteau de ricin doit alerter (voir encadré). En l’absence de tourteau de ricin, les engrais sont généralement des engrais NPK. Fertilisants classiques très répandus chez les particuliers comme les professionnels, ils apportent aux végétaux trois éléments essentiels à leur croissance : N, l’azote (d’origine minérale, organique ou un mélange des deux), sous forme d’azote nitrique, ammoniac, urée, nitrates/nitrites, cyanamide calcique ; P le phosphore, sous forme d’anhydride phosphorique ; K le potassium, sous forme d’oxyde de potassium. Les engrais NPK peuvent être constitués d’un mélange de diverses matières organiques, ce qui attire les animaux qui les dégustent : broyats d’os, de plumes, fientes de volailles, sang séché, tourteaux végétaux… L’ingestion de ce type d’engrais est généralement bien tolérée chez les chiens, avec cependant une irritation digestive : vomissements, diarrhée, hypersalivation. Le traitement est symptomatique, et l’issue souvent favorable : pansement digestif, antivomitif, antispasmodique, perfusion si besoin.

Le lis, un danger pour le chat

Chez le chat, l’ingestion de lis peut entraîner des troubles digestifs précoces : salivation, vomissements, anorexie, déshydratation, prostration. Une atteinte rénale (liée à un phénomène de nécrose tubulaire) peut se développer dans les 72 heures après ingestion, caractérisée par une azotémie et une oligurie, voire par une anurie. Attention, les troubles digestifs ne sont pas toujours observés, et certains chats sont présentés déjà en état d’insuffisance rénale chez leur vétérinaire. La mort est malheureusement fréquente en trois à six jours lorsqu’une atteinte rénale apparaît. Le CNITV recommande la prise en charge suivante* : d’abord décontaminer ; si l’animal présente du pollen sur lui, le laver (avec du liquide vaisselle ou du savon de Marseille) et, lorsque l’ingestion est récente (dans les deux heures qui suivent), le faire vomir. Puis il est conseillé de lui administrer du charbon activé et de l’huile de paraffine et, en traitement de soutien, de réaliser une fluidothérapie agressive et précoce (deux ou trois fois les besoins d’entretien pendant au moins quarante-huit heures, choix du soluté en fonction des paramètres électrolytiques et biochimiques) en effectuant un contrôle régulier des paramètres rénaux. La mise sous perfusion pendant au moins quarante-huit heures de tout chat ayant été en contact avec du lis réduit considérablement la mortalité des animaux exposés. Un traitement symptomatique peut être nécessaire, en particulier pour traiter les troubles digestifs. Enfin, un suivi régulier des paramètres rénaux est recommandé. Si le chat présente une insuffisance rénale aiguë avec anurie : une dialyse péritonéale peut être envisagée, une hémodialyse en centre de référé est optimale.

La toxicité du fipronil chez le lapin

L’exposition du lapin au fipronil (erreur de traitement, contact accidentel) peut entraîner des conséquences dramatiques : 70 % des intoxications connaissent une évolution mortelle. Les signes cliniques observés peuvent être digestifs (anorexie, stase intestinale) puis neurologiques (léthargie, ataxie, puis tremblements, convulsions et coma). L’explication de cette sensibilité particulière du lapin au fipronil n’est pas connue. Certains animaux peuvent en effet recevoir régulièrement une application de fipronil sans jamais développer aucun trouble, alors que pour d’autres, une seule application sera létale. Face à ces cas, le CNITV et le Centre de pharmacovigilance vétérinaire de Lyon recommandent une décontamination (un lavage régulier pendant quarante-huit heures à l’eau tiède et au savon de Marseille ou liquide vaisselle), un traitement de soutien (gavage alimentaire si besoin, perfusion pour maintenir l’hydratation) et un traitement symptomatique (prise en charge des signes nerveux [diazépam], utilisation des émulsions lipidiques intraveineuses). Dans tous les cas, il est recommandé d’annoncer un pronostic (très) sombre.

Source : Hovda L.R., Brutlag A.G., Poppenga R.H., Peterson K.L. Blackwell’s five-minute veterinary consult clinical companion: Small animal toxicology. 2nd ed. Wiley-Blackwell; 2016.

* Bennett A.J., Reineke E.L. Outcome following gastrointestinal tract decontamination and intravenous fluid diuresis in cats with known lily ingestion: 25 cases (2001-2010). J Am Vet Med Assoc. 2013;242(8):1110-6.

Le tourteau de ricin

Le tourteau de ricin est essentiellement utilisé comme engrais en agriculture biologique et pour son action « répulsive » contre certains animaux (taupes par exemple). En théorie, pour être vendu comme engrais, le tourteau devrait être détoxifié par la chaleur, mais comme ce processus n’est pas contrôlé, la détoxification est parfois incomplète. La dose létale du tourteau de ricin pour le chien est estimée à 3,5 g/kg. Dans les 72 heures après ingestion, il est en général observé une gastro-entérite sévère : vomissements et diarrhée hémorragiques, coliques, douleurs abdominales intenses, déshydratation marquée, prostration. Une insuffisance rénale peut ensuite se développer, ainsi que des troubles neurologiques (tremblements, convulsions, parfois parésie, coma). Le traitement est principalement éliminatoire lorsque l’ingestion est récente – vomitif, charbon/laxatif (paraffine, sorbitol) – et symptomatique – pansements gastro-intestinaux, antiémétiques, perfusion. Il s’agit d’une intoxication grave dont l’évolution peut être mortelle (de douze heures à quelques jours après ingestion).

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