Cas atypiques de piroplasmose - La Semaine Vétérinaire n° 1990 du 19/05/2023
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La Semaine Vétérinaire n° 1990 du 19/05/2023

Parasitologie

FORMATION CANINE

Auteur(s) : Mylène Panizo

Conférencière

Elisabeth Robin, diplômée European College of Veterinary Internal Medicine, spécialiste en médecine interne des animaux de compagnie

Article rédigé d’après la webconférence "La piroplasmose dans tous ses états :tableaux cliniques atypiques", organisée par le centre hospitalier vétérinaire Frégis (Val-de-Marne), en partenariat avec Zoetis, le 21 mars 2023.

Il existe au moins six espèces de Babesia chez le chien, la plus représentée en France est Babesia canis canis, transmise par la tique Dermacentor reticulatus. Le piroplasme est implanté sur tout le territoire, majoritairement dans le Sud-Ouest. Il se transmet quarante-huit heures après la piqûre du vecteur infecté. La piroplasmose est une affection protéiforme : elle peut se présenter sous un tableau clinique évocateur, mais des formes atypiques, parfois très graves, peuvent survenir.

Forme classique de la babésiose

La forme la plus connue de la babésiose est la forme aiguë, caractérisée par une forte fièvre, un abattement, une anorexie, une anémie, une pigmenturie, et parfois un ictère. Des formes discrètes peuvent survenir (fièvre modérée et passagère, amaigrissement, abattement et anémie modérés), notamment chez les animaux vaccinés. Dans la majorité des cas, le chien présente une anémie, une thrombopénie d’intensité variable (100 % des cas mais rarement clinique), parfois une monocytose avec des monocytes activés, une hémoglobinurie et une bilirubinémie. Le frottis sanguin a une sensibilité diagnostique faible (qui augmente si le prélèvement est effectué sur du sang capillaire ou sur la couche leucocytaire du micro-hématocrite). La PCR sur sang est l’outil diagnostique à privilégier.

Babésiose et atteinte cardiaque

Une atteinte cardiaque peut survenir en cas de maladies vectorielles (ehrlichiose, babésiose). Les chiens infectés peuvent, par exemple, présenter des arythmies diverses ou un état de choc. Une atteinte vasculaire peut être associée (vascularite) et se manifester notamment par un œdème des membres ou des suffusions. La réalisation d’un électrocardiogramme (ECG) est fondamentale et permet de révéler diverses anomalies : bloc sino-atrial, arrêt sinusal, déviation axiale, QRS prolongés, extrasystoles ventriculaires… Ces anomalies signent la présence d’une myocardite ou d’une ischémie myocardique. En cas d’infection par Babesia canis rossi, la durée de survie varie en fonction du type d’arythmie. Le risque de décès est plus élevé chez les chiens atteints de bradycardie sinusale. L’auscultation d’une arythmie chez un chien suspect de piroplasmose doit conduire à effectuer des examens complémentaires (ECG, dosage des troponines, échocardiographie). Le propriétaire doit être prévenu que la survenue d’une atteinte cardiaque compliquée peut assombrir le pronostic de l’animal.

Babésiose et insuffisance rénale aiguë

Une azotémie d’origine prérénale ou rénale peut apparaître en cas d’infection à Babesia. Elle varie en fonction de la sévérité de la piroplasmose et de sa durée. L’insuffisance rénale concomitante à la babésiose est multifactorielle : elle peut être secondaire à une hypovolémie, à une hypotension, à une atteinte cardiaque (diminution de la perfusion rénale), à la présence de molécules pro-inflammatoires, à l’anémie (hypoxie du tissu rénal), ou à une toxicité d’autres substances, comme la myoglobine ou l’hémoglobine libérées lors de souffrances musculaires.

L’urée et la créatinine sont des marqueurs peu précoces. Plusieurs pistes sont envisagées pour détecter une insuffisance rénale aiguë (IRA) lors de piroplasmose, comme le dosage des protéines présentes dans l’urine (elles sont peu nombreuses chez les chiens sains, mais abondantes et à large spectre chez les chiens atteints de babésiose) et le ratio ASAT-ALAT, molécules présentes au niveau urinaire (ce ratio semble augmenter chez les chiens atteints de piroplasmose, mais il manque d’études sur le sujet).

Babésiose et pancréatite

Une pancréatite peut résulter d’une complication d’une piroplasmose, notamment lors d’infection à Babesia canis gibsoni. Elle peut survenir entre deux et cinq jours après l’admission de l’animal. Il faut donc porter une attention particulière à un chien anorexique ayant des douleurs abdominales au cours de son hospitalisation. Il n’y a pas de corrélation entre la parasitémie et la concentration de l’immunoréactivité de la lipase pancréatique canine (cPLi).

Autres atteintes atypiques

Chez l’humain, il existe des cas rares de babésiose induisant un œdème non cardiogénique, qui peut être précoce ou retardé. Chez le chien, il n’y a pas de série de cas rapportés, mais la présence d’un œdème non cardiogénique a été décrite lors d’ehrlichiose et d’anaplasmose.

D’autres atteintes lors d’infection à Babesia chez le chien ont été constatées, telles que des troubles neurologiques, oculaires, hépatiques ou encore une infertilité et un syndrome de compartimentation abdominale.

Traitements de la babésiose

Le propionate d’imidocarbe est le traitement de choix. La dose indiquée sur l’autorisation de mise sur le marché diffère de celle recommandée dans les textes de référence. En effet, afin d’éviter un risque d’échappement au traitement et compte tenu de l’absence de toxicité démontrée avec cette dose, il est conseillé d’administrer 7,5 mg/kg par voie intramusculaire (IM) ou 6,6 mg/kg par voie sous-cutanée ou IM, à quarante-huit heures d’intervalle. L’injection accidentelle par voie intraveineuse de propionate d’imidocarbe provoque un syndrome cholinergique (salivation, bradycardie, tachypnée, troubles digestifs), qu’il faut traiter immédiatement en administrant de l’atropine, associée à une fluidothérapie. L’imidocarbe est éliminé par voie rénale et hépatique. En seconde intention (en cas d’absence d’imidocarbe), l’acéturate de diminazène* peut être utilisé à la dose de 3,5 mg/kg en IM. En fonction des signes cliniques observés et des atteintes décelées, un traitement symptomatique est administré, en plus de l’imidocarbe.

La prévention de la piroplasmose passe par une action contre les tiques, en administrant un antiparasitaire adapté à l’animal. La vaccination permet de diminuer l’apparition des formes graves de piroplasmose, mais peut rendre plus compliquée la suspicion clinique du vétérinaire.

  • * Pharmacopée humaine.
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