Petfood
ANALYSE CANINE
Auteur(s) : Par Claire Marion
La problématique de l’ultra-transformation des aliments est de plus en plus prégnante en nutrition humaine. La question se pose différemment pour les animaux de compagnie.
Régulièrement dans les médias, des reportages alertent sur les risques pour la santé humaine liés à la consommation d’aliments transformés ou ultra-transformés1 : obésité, diabète, cancer… Au regard de ces constats n’est-il pas légitime de s’interroger sur les aliments industriels donnés aux animaux de compagnie et qui sont prescrits par les praticiens ?
Qu’est-ce qu’un aliment ultra-transformé ?
En alimentation humaine, la notion d’ultra-transformation renvoie à des aliments qui n’ont plus grand-chose à voir avec les matières premières dont ils sont issus. En effet, on dit qu’ils sont ultra-transformés car :
- l’aliment d’origine a subi d’intenses transformations physiques, chimiques ou biologiques, par des procédés industriels ;
- des additifs et/ou ingrédients réservés à l’usage industriel et qui ne sont pas utilisés en cuisine à la maison sont souvent ajoutés pour arriver au produit final.
Selon la classification Nova, élaborée en 2010 par une équipe de chercheurs brésiliens, qui classe les produits en fonction de leur degré de transformation, tout produit issu de l’industrie agroalimentaire est considéré comme transformé ou ultra-transformé2.
Cette classification comporte néanmoins des limites :
- elle n’a pas été conçue pour évaluer les produits alimentaires en décryptant de façon exhaustive leurs listes d’ingrédients ;
- elle ne permet pas de comparer des produits ultra-transformés pour évaluer leur degré d’ultra-transformation en fonction de leur composition ;
- elle ne prévoit pas qu’un produit transformé puisse être considéré comme complet et satisfaire les besoins nutritionnels d’un organisme ;
- elle ne dit rien sur les respects des minima et maxima nutritionnels, notamment concernant le gras, le sucre, et le sel.
Dans l’esprit commun, il y a souvent une confusion entre aliment transformé/ultra-transformé et malbouffe, qui constitue un raccourci simpliste.
Un parallèle limité avec l’alimentation industrielle pour chiens et chats
Et l’alimentation pour chien et chats dans tout ça ? D’un point de vue strictement terminologique, cette classification ne peut pas s’appliquer au petfood puisqu’elle se réfère à des denrées alimentaires, donc des produits ingérés par l’être humain.
Néanmoins, si l’on s’en tient aux définitions précédentes, les aliments industriels distribués à nos animaux de compagnie sont bien des aliments ultra-transformés. En effet, pour être équilibrés nutritionnellement, ils doivent être supplémentés en vitamines et en minéraux, sous forme d’additifs (obtenus par synthèse chimique ou par voie fermentaire)3. La présence de conservateurs (antioxydants) est également essentielle pour la préservation de certains nutriments (acides gras essentiels notamment). Pour des raisons sanitaires, les aliments doivent être cuits à une température allant de 90 à 130 °C4.
Cependant, en termes de composition, aucun aliment n’est identique à un autre. Il existe ainsi des croquettes et des pâtées de composition et de qualité tout à fait différentes. En gamme vétérinaire notamment, les aliments diététiques sont des aliments formulés avec une haute technicité afin de répondre à un cahier des charges précis (par exemple, réduction du taux de lipides pour les chiens souffrant de pancréatite, modération du taux de protéines et réduction du phosphore chez les animaux insuffisants rénaux, limitation de certains acides aminés pour les animaux souffrant de calculs de cystine ou d’urates…).
Alternative à l’ultra-transformation
Intuitivement, l’utilisation d’aliments frais en ration ménagère apparaît comme la solution idéale pour nourrir nos animaux sans donner d’aliment industriel.
Mais peut-on parler d’alimentation plus saine ? Si la ration ménagère n’est pas équilibrée, la couverture des besoins nutritionnels n’est plus assurée et l’animal risque d’être carencé. Même pour une ration ménagère calculée avec un logiciel de formulation, la variabilité entre le taux de nutriment théorique et le taux qui ressort après analyse de la ration peut beaucoup différer (jusqu’à plus de 60 %)5.
De plus, si l’impact santé sur les animaux sera peut-être à étudier sur le long terme, en l’état actuel des choses, aucune publication scientifique ne vient corroborer le fait qu’un aliment dit industriel serait plus nocif pour la santé de nos animaux qu’une ration à base d’ingrédients frais.
In fine, l’alimentation industrielle, souvent considérée à tort comme cuite à haute température et riche en additifs nocifs, est surtout à considérer comme pratique, relativement peu onéreuse (comparativement aux rations ménagères), nutritionnellement équilibrée, stable dans sa composition, et dont le process est maîtrisé du début à la fin… à condition de choisir une marque digne de confiance.
Le point sur la cuisson des croquettes
Il n’est pas rare de voir des marques, souvent nouvelles sur le marché du petfood, utiliser l’argument « cuisson basse température » pour vanter les qualités de leurs produits et chercher à se différencier des autres. Légalement, l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail définit la cuisson à basse température comme une cuisson entre 60 °C et 80 °C. Mais, en réalité, toutes les croquettes sont extrudées sur une plage de température comprise entre 90 °C et 130 °C, et cela pour des raisons de sécurité sanitaire, puisque la réglementation oblige les acteurs de la filière à chauffer les produits à cœur à une température minimale de 90 °C. Cuire au-delà de 130 °C entraînerait des problèmes organoleptiques (dégradation de la texture, odeur peu appétente ou goût modifié) ainsi qu’une perte en nutriments. En outre, ce serait une augmentation non négligeable du coût énergétique du procédé. L’allégation employée par ces marques est donc trompeuse.
Le sucre dans l’alimentation industrielle
Quel vétérinaire n’a jamais entendu cela en consultation : « Je ne veux pas donner de croquettes ou de pâtées à mon animal, c’est bourré de sucres ! » ? Il y a d’abord une confusion entre les différents glucides : les sucres « simples » (par exemple le saccharose, le sucre de table) et les sucres « complexes » (tels que l’amidon, présent dans les céréales et les légumineuses). Ce sont surtout ces derniers qui sont incorporés dans les aliments industriels : l’amidon est une source d’énergie facilement digestible par l’animal, économique, et est en outre nécessaire au processus d’extrusion des croquettes.
Les sucres simples, eux, sont peu utilisés dans le petfood. Ils peuvent être indiqués à la fin de la liste d’ingrédients, notamment dans les aliments humides (essentiellement les pâtées pour chats). Ils réagissent naturellement avec les acides aminés pour produire des arômes de grillé dans les aliments, c’est une source d’arômes très appétents. Ils sont donc transformés en molécules plus complexes qui n’ont alors plus d’effet sur le métabolisme glucidique. Cela permet également une coloration du produit (couleur caramel). À la fin du processus de fabrication, il ne reste quasiment pas de sucres « libres », mais la législation impose de noter dans la liste d’ingrédients tout ce qui entre dans la composition.