Un plan pour lutter contre la désertification rurale

Pour répondre à l’enjeu du maillage vétérinaire rural, en 2022 avait été acté le fait qu’il fallait en passer aussi par l’échelon local afin d’identifier les solutions les plus adaptées. Dans cette optique, l’administration avait mobilisé l’outil de l’appel à manifestation d’intérêt¹ (AMI) pour financer des études du maillage en local. Onze territoires candidats² avaient été sélectionnés et avaient ainsi pu recevoir un accompagnement méthodologique du cabinet de consulting Phylum pour établir un diagnostic de leur situation et élaborer un plan d’action. Un premier bilan de ces diagnostics avait été présenté lors de la dernière Journée nationale vétérinaire³ le 29 novembre dernier. Toutes les données sont désormais disponibles sur le site de l’Ordre, dans un rapport de synthèse⁴ élaboré par Phylum.

Un cadre méthodologique et une liste de solutions

Toutes les solutions identifiées par les parties prenantes locales y sont détaillées, avec deux niveaux d’actions : la mobilisation de dispositifs existants et la mise en œuvre de solutions nouvelles. Chaque solution fait l’objet d’une fiche pratique (voir encadré « 12 fiches pratiques »). Ainsi, chaque acteur local qui voudrait s’engager dans une telle démarche pour le maillage pourra s’appuyer sur ces fiches. L’identification des solutions les plus adaptées à son territoire passe par un bon diagnostic. Selon Phylum, il y a plusieurs facteurs clés de réussite : raisonner à l’échelle d’un territoire homogène qui ne correspond pas forcément aux limites administratives ; rassembler toutes les parties prenantes (organisations professionnelles agricoles et vétérinaires, collectivités territoriales, représentants de l’État) ; désigner un chef de file (une ou plusieurs organisations) qui sera en charge de coordonner le travail ; travailler avec des moyens adaptés ; faire un constat clair et partagé. À ces facteurs doit être associé un cadre méthodologique précis pour mener le diagnostic. À noter que deux solutions seraient à approfondir à travers des études pilotes : la télémédecine et la contractualisation. Selon Phylum, leur potentialité apparaît peu comprise, s’ajoute également une certaine défiance.

Une dynamique à engager dans la durée

Dans tous les cas, un enjeu fort sera d’intervenir de manière précoce : lorsque « le maillage vétérinaire est défaillant sur un territoire donné, il est souvent trop tard pour trouver des solutions optimales » est-il souligné dans le rapport. Au contraire, lors d’interventions précoces, les solutions listées dans la synthèse « sont nombreuses, pertinentes et globalement peu coûteuses ». Phylum recommande de créer « une instance de gestion prospective » à l’échelle la plus pertinente qu’il soit, pour « détecter les situations difficiles ou instables ou qui pourraient le devenir à moyen terme ». Cette recommandation a été reprise par les instances vétérinaires et agricoles⁵, qui appellent à la création d’une gouvernance adaptée avec trois structures : un comité de pilotage national multipartenaire pour suivre les actions en local, épauler les acteurs et consolider la surveillance de l’état du maillage ; un réseau d’appui et de veille départemental pour diffuser les informations sur les solutions possibles ; des cellules opérationnelles territoriales pour la mise en place concrète des actions. En clair, la gestion du maillage vétérinaire ne peut s’appréhender que de manière continue pour être durable.

L’exercice mixte fait partie de la solution

Pour les instances professionnelles, cette synthèse montre également tout l’intérêt d’avoir un maillage avec « des professionnels généralistes, organisés en équipes à la pratique mixte, reposant sur un équilibre canine-rurale synergique ». Comme l’explique en effet Phylum, ces deux activités permettent d’avoir un maillage beaucoup plus serré par rapport à la situation où il n’y aurait que des activités spécialisées. C’est aussi un facteur de pérennité de l’entreprise vétérinaire. D’ailleurs, les structures mixtes « normalement structurées et compétitives pour les deux activités » ne montrent pas d’écart de profitabilité entre l’activité canine et rurale. Cette force du mixte devient une faiblesse pour la continuité de soins en dehors des heures d’ouverture de la clinique : la gestion des urgences des animaux de compagnie en même temps que des animaux de rente peut être un casse-tête logistique. De plus, difficile de maîtriser au mieux les deux activités « notamment pour les jeunes vétérinaires non pas parce qu’ils sont moins engagés ou moins bien formés, mais parce que leurs aînés ont le plus souvent eu le temps de s’adapter progressivement à la mixité ». Toutes les solutions listées participent au maintien d’une activité mixte équilibrée, mais celle sur la compétitivité prix sur la vente de produits apparaît particulièrement essentielle. En effet, le prix du médicament apparaît comme le principal reproche des éleveurs aux vétérinaires ; en cas de décrochage sur la vente s’ensuit un décrochage de la profitabilité rurale.

• 1. Ministère de l’Agriculture et de la Souveraineté alimentaire. Un appel à manifestation d’intérêt pour aider les territoires à lutter contre la désertification vétérinaire. Communiqué de presse du 24 janvier 2022. bit.ly/3LpgShV.

• 2. Sarthe, Île-de-France, arrondissement de Thionville, Yonne et Nièvre, Nord du Cher, Sud de la Vienne, Dordogne, Bassin d’Aurillac, Ouest de la Haute-Loire, Sud de l’Ardèche, Aude

• 3. Elle s’est tenue à l’École nationale vétérinaire d’Alfort (Val-de-Marne). Voir « Maillage vétérinaire : le temps des solutions ? », La Semaine Vétérinaire n° 1969 du 9 décembre 2022 : bit.ly/3yIiBHH. « Les enseignements des diagnostics territoriaux », La Semaine Vétérinaire n° 1971 du 6 janvier 2023 : bit.ly/3yIiBHH.

• 4. Ordre national des vétérinaires. Maillage vétérinaire au service de l’élevage : bit.ly/3yKyj4Y.

• 5. Chambres d’agriculture France, Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles, Groupements de défense sanitaire France, Ordre national des vétérinaires, Société nationale des groupements techniques vétérinaires, Syndicat national des vétérinaires d’exercice libéral.