Attractivité dans les métiers du soin : des initiatives inspirantes - La Semaine Vétérinaire n° 1982 du 24/03/2023
La Semaine Vétérinaire n° 1982 du 24/03/2023

Développement personnel

ENTREPRISE

Auteur(s) : Par Anne-Claire Gagnon

Comme l’illustre le 8e colloque organisé fin 2022 à Paris et en visio par l’association Soins aux professionnels de la santé, des initiatives existent pour préserver l’attractivité des métiers du soin, grâce à un meilleur management, et pour réduire la pénibilité psychique. Des pistes de réflexion qui pourraient être pertinentes aussi pour les vétérinaires.

L’épuisement, l’absence de motivation des étudiants et jeunes diplômés ainsi que le mal-être sont les phénomènes qui touchent l’ensemble des soignants, sans distinction de diplôme. Quelles initiatives pour répondre à cette problématique de fond ?

Une maturité de réflexion et des propositions remarquables

En ouverture du colloque, Agnès Firmin-Le Bodo, la ministre déléguée chargée de l’Organisation territoriale et des Professions de santé (SPS), a indiqué que le Haut Conseil de la santé publique élabore une nouvelle plateforme pour les violences faites aux soignants. Préserver l’attractivité des métiers du soin et réduire la pénibilité psychique sont de vrais enjeux.

Le questionnement majeur, toutes disciplines confondues, est de retrouver du sens, en étant en capacité de faire pleinement son métier, sans courir ni bâcler les actes, tout en se ménageant du temps et des activités pour se ressourcer.

Pour Magali Briane, psychiatre et vice-présidente de SPS, « devenir soignant est un choix qui donne des clés de personnalité ». Plusieurs des intervenants venaient d’établissements ou d’instituts de médecine intégrative et complémentaire, une approche globale du patient et de sa maladie, à l’opposé de la conception des soignants vus comme des ingénieurs du vivant, avec une maladie = un protocole ou un médicament. Président de la Société d’intervention non médicamenteuse, Grégory Ninot a souligné le retard de la France sur les pays anglo-saxons en ayant refusé à travailler globalement, en cherchant à soigner les organes, en oubliant le tout que constitue le patient. Cette médecine en silo, spécialisée, est délétère pour les patients et les soignants.

Parmi les nombreux constats établis, la surcharge de travail est un non-sens évident. Médecins, anesthésistes, urgentistes, etc. devraient être considérés comme des pilotes d’avion, avec interdiction de travailler 55 heures par semaine.

Redonner du sens aux soins en commençant par soi

Depuis 2016, l’Institut de médecine intégrative et complémentaire du centre hospitalier universitaire (CHU) de Bordeaux (Gironde) délivre des formations à l’hypnose clinique et thérapeutique et à la méditation (Mindfulness Based Stress Reduction [MBSR], méditation de pleine conscience), qui sont très appréciées et renforcent l’attractivité pour les soignants. Cinq médecins sont devenus instructeurs de MBSR et l’étude rétrospective conduite a montré une diminution de l’épuisement, une augmentation de l’attention et de l’écoute du patient. Les étudiants de médecine de 5e année en bénéficient, avec un enseignement en ligne*, Covid oblige, et dont les retours sont excellents. Des modules de MBSR de la compassion sont nouvellement dispensés a précisé Marie Floccia, médecin cheffe du service douleur et médecine intégrative, pôle neurosciences cliniques.

Une approche intégrative qui bénéficie à tous

En marge de cette prise en charge individuelle des soignants, des formations au management bienveillant et leadership sont également réalisées au CHU de Bordeaux. Car le fait que la vulnérabilité soit catégorielle signe un problème systémique, a souligné Alain Toledano, cancérologue et président de l’Institut Rafaël. La particularité de cet établissement est d’avoir une approche intégrative de la cancérologie et pour « passer d’une médecine centrée sur la maladie à une médecine centrée sur l’individu et son projet de vie ». À Levallois-Perret (Hauts-de-Seine), l’Institut Rafaël accompagne gratuitement ses patients en santé globale, avec une approche transdisciplinaire et un parcours personnalisé : 40 disciplines y sont exercées par 85 soignants, qui sont indemnisés et clairement heureux d’y travailler (selon une étude ayant comparé leur niveau de joie et de satisfaction à celle d’autres soignants en hôpitaux). Cette prise en charge globale est bénéfique pour les patients comme pour les soignants, montrant que le temps et la qualité d’écoute sont des soins qui font partie intégrante du service dont le patient a besoin au cours de son parcours. Avec des équipes marketing, les médecins de l’Institut Rafaël ont identifié la pertinence d’évaluer le pouls émotionnel de leurs patients, de travailler sur la communication – dire « n’ayez pas peur » effraie alors qu’un « soyez rassurés » est efficace. Alain Toledano a insisté sur la vulnérabilité du soignant, citant Emmanuel Levinas : « Accepter son soi vulnérable permet d’aimer son prochain. » Reste aux soignants à être bien encadrés, supervisés dans la vulnérabilité temporaire qu’est leur exercice clinique.

Les interventions non pharmacologiques ne doivent pas être opposées aux solutions médicamenteuses mais intégrées dans une approche globale où l’humanité du soignant est au cœur du parcours de son patient.

Des rencontres délocalisées pour partager les expériences

Au-delà de ce colloque national, des ateliers en ligne eJades sont à suivre en visio, dont les sujets sont variés (« Et l’alcool si on en parlait ? », « Management émotionnel et gestion des conflits », etc.).

SPS s’est fixé comme objectif ambitieux en 2023 de se faire connaître dans chaque région. Lille (Nord) a ainsi été l’occasion d’un véritable One Health fraternel en échangeant avec le doyen de la faculté de médecine, des cadres de santé, des infirmières, des psychologues et même des patients intervenants-partenaires et experts auprès du CHU, qui transmettent leurs expériences directement aux soignants pour améliorer le parcours de soins. Partager avec d’autres les problématiques permet de découvrir des solutions inédites ou de comprendre la mutation générationnelle. Patrick Hautecœur, doyen, a souligné combien les étudiants, biberonnés au numérique, vivaient en tribu, avec une vision connectée horizontale et non verticale. Pas la peine de leur dire comment faire ou de leur proposer des solutions, ils veulent les trouver, coconstruire, en travaillant ensemble. Mais ils ont également peur de l’inconnu, de l’imprévu et ont besoin, dès le début de leur scolarité, d’être accompagnés. Même si, comme l’a rappelé un enseignement de philosophie morale et bioéthique, parler ne fait pas cuire le riz, être compréhensif est un apprentissage essentiel pour tous les soignants, qui leur demande, au-delà du médical et des diagnostics, de développer leurs compétences relationnelles et leur humanité, si nécessaire aux soins.

SPS et la profession vétérinaire

Soins aux professionnels de la santé (SPS) est une association cocréée en 2015 par Catherine Cornibert (docteure en pharmacie), qui met au service de tous les professionnels de santé (étudiants inclus) plus de 100 psychologues sur la plateforme nationale d’écoute et près de 400 psychologues, médecins et psychiatres sur le Réseau national du risque psycho-social, qui accueillent en consultation les soignants en souffrance qui en ont besoin

L’Ordre national des vétérinaires soutient SPS, et chacun d’entre nous peut les appeler au 08 05 23 23 36 (décrochage garanti 24 h/24) ou venir les voir à Paris, dans la première maison des soignants ouverte.

  • * Des webinaires de méditation pour les confrères britanniques. La Semaine Vétérinaire n° 1673 du 6 mai 2016.
  • Pour en savoir plus :
  • Association SPS, actes du 8e colloque du 30 novembre 2022 : bit.ly/3ZNAujK.
  • Vidéo de Grégory Ninot : bit.ly/3JjDzml.
  • Vidéo de Marie Floccia : bit.ly/3muNE6Y.
  • Vidéo d’Alain Toledano : bit.ly/3kOGVo6.