Règlement intérieur : une précaution à prendre avant de s’associer - La Semaine Vétérinaire n° 1981 du 17/03/2023
La Semaine Vétérinaire n° 1981 du 17/03/2023

Droit

ENTREPRISE

Auteur(s) : Par Jacques Nadel

Le règlement intérieur d’une société d’exercice vétérinaire est le complément naturel des statuts. Il est indispensable pour garantir la sécurité des associés et l’attractivité de la structure. En particulier auprès des jeunes accédants qui souhaitent plus qu’avant être rassurés sur leur statut professionnel et les conditions de travail.

Les statuts de sociétés structurent juridiquement le fonctionnement de l’exercice en groupe.

Ils lui donnent une durée et des règles de fonctionnement concernant, par exemple, les apports de chaque associé, la contribution aux charges, le droit aux bénéfices et leur répartition, les règles de prises de décisions, la gouvernance et la représentation, etc.

« Ces règles statutaires, bien souvent limitées au fonctionnement général de la société, ne portent pas sur les relations particulières entre associés ni sur leurs conditions de travail dans la société, explique Jean-Louis Briot, avocat associé du cabinet Implid Legal. Dans les sociétés d’exercice professionnel, le principe est que, sauf exception, les associés ont un droit au travail. »

Face à la carence des statuts, la pratique a mis en place des documents complémentaires pour combler ce vide statutaire. Les statuts sont complétés efficacement par un pacte d’associés* et un règlement intérieur. Ce deuxième document est là pour prévoir et régler ce que les statuts ne prévoient pas, c’est-à-dire le détail matériel des rapports entre associés, les relations de travail et de solidarité entre les associés exerçant dans la société. En cas de problème, le règlement intérieur fera autorité, au même titre que les statuts et le pacte d’associés. L’ordonnance du 8 février 2023 relative à l’exercice en société des professions libérales réglementées, qui vient clarifier le cadre juridique applicable aux vétérinaires, imposera bientôt aux associés des structures d’exercice en société de transmettre l’ensemble de ces documents à l’Ordre des vétérinaires.

Ne résultant d’aucune obligation légale, le contenu du règlement intérieur et du pacte d’associés est libre, sauf à respecter les conditions légales de validité des contrats et les dispositions légales et déontologiques de la profession concernée. « Le règlement intérieur (à ne pas confondre avec celui des salariés) est souvent présenté comme une annexe aux statuts, sa création, sa modification et les contraventions aux règles qu’il édicte étant traitées comme des dispositions statutaires », précise Jean-Louis Briot. Il contient, en général, les règles pratiques du fonctionnement, au jour le jour, des cabinets, cliniques, sites, centres hospitaliers vétérinaires exploités par la société d’exercice professionnel. « Sa rédaction n’est pas obligatoire, mais elle est vivement recommandée notamment par l’Ordre, à qui il doit être transmis comme toute convention traitant de l’exercice professionnel. »

Les points clés

Son contenu est variable, mais les principaux thèmes abordés sont les suivants :

Le lieu d’activité

Il est fréquent que les sociétés d’exercice vétérinaire disposent de plusieurs lieux d’exercice. Il est alors nécessaire, après les avoir listés, de définir la répartition de l’activité des vétérinaires entre les sites, que cette affectation soit exclusive ou non, temporaire ou définitive.

Durée du travail, horaires des sites et des professionnels

La durée du travail doit être déterminée, elle l’est bien souvent en nombre de jours par an. « Il peut être prévu une durée variable mais il est impératif de fixer des limites à la baisse et à la hausse tant en ce qui concerne le volume de la variation que sa durée dans le temps », recommande l’avocat. La fixation des horaires paraît bien souvent nécessaire, il convient de distinguer les horaires d’ouverture du ou des sites d’exercice et le temps de travail du vétérinaire associé qui est, quant à lui, rarement limité dans le temps journalier.

Les congés

Il s’agit d’une clause traditionnelle des règlements intérieurs, elle trouve toute son utilité en présence d’associés ayant des enfants scolarisés ou de couples d’associés aspirant à prendre leurs congés en même temps. Il est nécessaire d’envisager des délais de préavis pour la fixation des congés. « En l’absence de consensus entre associés il peut être prévu un tour de rôle pour le choix entre différents créneaux prédéfinis », signale l’avocat.

L’entraide en cas de maladie ou accident

Le principe est d’assurer une solidarité entre confrères dans ces périodes difficiles tant pour l’associé concerné et sa famille que pour la société. Il s’agit de garantir, pendant une période limitée dans le temps, le versement par la société d’un revenu permettant le maintien de tout ou partie des revenus de l’associé.

« Il convient également de prévoir l’obligation pour l’associé de s’assurer auprès d’organismes spécialisés du versement d’indemnités journalières à l’issue de cette période de solidarité », mentionne Jean-Louis Briot. La définition et le calcul du revenu de solidarité versé par la clinique doivent prendre en compte, le cas échéant, la capacité de remplacement des autres associés et/ou la nécessité du recours à un remplaçant.

Et d’ajouter : « Il est nécessaire de mettre en place un processus simple et, dans l’hypothèse de l’intervention d’un remplaçant, de déterminer avec précision qui a l’initiative de son recrutement, de la fixation de ses conditions de travail, de sa rémunération et, enfin, qui supporte cette rémunération. »

Maternité, paternité

La présence de clauses sur la maternité et la paternité est généralement considérée par les jeunes vétérinaires comme un gage d’humanité des relations entre associés dans la structure. Elle revêt donc une grande importance même si la prise en charge de l’arrêt de travail pour maternité par le régime de prévoyance s’est beaucoup améliorée pour les indépendants pour se rapprocher de la protection des salariés.

« Il conviendra dans la clause concernant la maternité de déterminer la durée maximale d’arrêt, en précisant les périodes pré- et post-accouchement, et de définir s’il y aura un maintien de rémunération pendant la période et dans quelle proportion », poursuit-il. De même, s’il est prévu la possibilité de recrutement d’un remplaçant, à qui appartiendra la décision de ce recrutement et qui en supportera la charge (l’associée arrêtée ou la société) ?

La formation

Là encore, il est indispensable de contractualiser une obligation de formation annuelle, qui est souvent de sept jours ouvrés, et de prévoir que la formation choisie par l’associé devra être préalablement validée par les autres. Il sera prudent également de déterminer les conditions de prise en charge par l’associé concerné et/ou la société des frais générés par la formation (inscription, transport, hébergement, nourriture).

Concernant les formations de longue durée diplômantes pour lesquelles les précautions ci-dessus doivent, bien sûr, être respectées, il faudra en outre statuer sur le maintien ou non de la rémunération de l’associé pendant son absence pour formation. La prudence conseillera de mettre à la charge de l’associé étudiant un engagement de maintien dans la structure pendant plusieurs années de post-formation, sanctionné en cas de non-respect par le remboursement de tout ou partie des frais supportés par la société.

La retraite

À contre-courant des revendications actuelles, beaucoup de vétérinaires souhaitent poursuivre leur activité au-delà de 65 ans. Le maintien d’un associé âgé dans la société peut représenter un frein pour l’association de jeunes vétérinaires et le développement de nouvelles techniques de soins. Et, basiquement, par « l’immobilisation » d’une fraction de capital.

La fixation d’un âge limite ou la possibilité de faire valoir ses droits à taux plein dans le régime de base, ayant pour conséquence un arrêt d’activité dans la société et l’obligation de céder sa participation, peut paraître adaptée.

Ce qu’il faut encore savoir

- La durée du règlement intérieur est variable : il est souvent mis en place pour une durée équivalente à celle des statuts dont il est souvent qualifié d’annexe.

- Le non-respect est sanctionné : le règlement intérieur est considéré comme une annexe des statuts afin de pouvoir soumettre son non-respect aux mêmes sanctions que celles du non-respect des statuts qui vont jusqu’à l’exclusion.

- Quelle confidentialité ? En tant qu’annexe aux statuts, le règlement intérieur devrait être déposé auprès du tribunal de commerce, ce qui est rarement le cas dans les faits. Il est en revanche régulièrement transmis au Conseil de l’Ordre.

* « Pacte d’associés : un rempart à toute épreuve ». La Semaine Vétérinaire n° 1980 du 10 mars 2023, p. 40-41.

Abonné à La Semaine Vétérinaire, retrouvez
votre revue dans l'application Le Point Vétérinaire.fr