Congrès
ANALYSE CANINE
Auteur(s) : Par Anne-Claire Gagnon
L’une des forces du congrès de la British Small Animal Veterinary Association (BSAVA), qui s’est déroulé fin mars 2022 à Manchester (Royaume-Uni), est l’humanité, la simplicité, la sincérité de ses intervenantes, passionnées par leur discipline et leurs patients. Pour preuve, elles étaient radieuses de disposer d’un traitement contre la péritonite infectieuse féline (PIF), émues aux larmes lorsque le coût du médicament empêche le propriétaire du chat de le sauver et le contraint à décider, la mort dans l’âme, de l’euthanasier.
Traiter la PIF
Sam Taylor, praticienne et spécialiste en médecine féline (Lumbry Park Veterinary Specialists, Royaume-Uni), a partagé au cours de sa conférence l’enthousiasme de l’International Society of Feline Medicine (ISFM) et des praticiens britanniques qui peuvent, depuis août 2021, comme les Australiens avant eux, traiter les chats atteints de PIF clinique avec le GS-441524, par voie sous-cutanée, intraveineuse ou orale. Si le coût du traitement est un véritable frein pour les propriétaires (plusieurs milliers d’euros), même si le vétérinaire prend soin de réduire sa marge au minimum, les résultats sont là avec plus de 80 % de succès et peu d’effets indésirables. Emi Barker, spécialiste en médecine interne (Langford, Royaume-Uni) n’attend pas toujours les résultats de confirmation sur un chat dont la clinique est fortement en faveur d’une PIF, elle traite d’emblée, d’autant que, parfois, l’amélioration clinique est patente alors même que la PCR est négative.
Rhinites, l’un des points faibles des chats
Au cours de la journée entière que la BSAVA a consacré à la médecine féline, en collaboration avec l’ISFM, une large place a été donnée aux affections nasales, l’un des points faibles des chats. Dans les rhinites avec des écoulements nasaux parfois très épais, Emi Barker a recommandé de réaliser une PCR, dont les résultats seront beaucoup plus utiles qu’une mise en culture. La PCR permet de détecter, outre l’herpès virose du chat, les mycoplasmes. Sur ces rhinites chroniques, l’imagerie est particulièrement utile (radiographie et surtout scanner) pour identifier des corps étrangers (plombs de chasse), des lésions osseuses (pertes des turbines nasales), sans oublier de rechercher des masses au niveau nasal ou pharyngien. L’inflammation est souvent la cause primaire ou secondaire des rhinites (laquelle doit toujours motiver un examen dentaire complet). La pollution environnementale doit être envisagée (particules fines, poussières, fumée de cigarettes, parfums) et le taux d’humidité dans lequel vit le chat doit être exploré. Sur ces rhinites chroniques, la biopsie est souvent utile, de même que de référer le patient, car si le traitement antibiotique est souvent efficace sur l’infection secondaire, il ne traite que rarement la véritable cause.
L’humidification des cavités nasales est toujours bénéfique, soit en flushant ou nébulisant (quinze minutes, deux ou trois fois/jour, selon la tolérance du chat), et en utilisant de la bromhexine1 ou N-acétyl-cystéine1 (la nébulisation est en revanche proscrite pour ces molécules, en raison des risques de bronchospasmes : les utiliser en flushing). Les anti-inflammatoires, stéroïdiens ou non, n’ont pas d’efficacité prouvée, mais le nursing reste essentiel dans ces affections.
La tuberculose, bien que rare, nécessite d’être suspectée, notamment sur les chats mâles, chasseurs, d’âge moyen. Ils peuvent présenter des plaies réfractaires aux traitements classiques, sans signes respiratoires systématiques. Mais la radiographie peut révéler des affections pulmonaires bronchiques et interstitielles, avec des lésions osseuses. Attention à bien porter des gants et des lunettes de protection lors de la manipulation de ces chats, particulièrement lors de la réalisation d’une autopsie, puisque la tuberculose est une zoonose.
Penser comme les chats
Avec un sens toujours aigu des subtilités de chaque espèce, deux tables rondes étaient intitulées « Mind & Soul for Cats » et « Body & Soul for Dogs », dans les journées dédiées à la rencontre du comportement et de la médecine. Sarah Heath, vétérinaire comportementaliste (Behavioural Referrals Veterinary Practice, Royaume-Uni), a longuement expliqué comment mieux comprendre le chat, notamment quand la peur inhibe son comportement, ce qui en fait un patient facile à manipuler, mais qui va garder une très mauvaise expérience de la structure vétérinaire. Hannah Donovan, vétérinaire comportementaliste (Royaume-Uni), a insisté sur l’approche chamicale, en laissant le chat explorer la salle de consultation (sans recoin ni cachette, bien sûr), en lui offrant une serviette pour améliorer le confort de la table d’examen et en lui proposant de véritables friandises (pas des croquettes). Elle a recommandé de recueillir à chaque étape le consentement du patient félin : l’observer en le caressant, s’arrêter avant d’entreprendre tout acte médical.
Accompagner nos gestes et nos prescriptions
Enfin, dans un contexte économique tendu, plus que jamais chaque praticien doit réfléchir à l’intérêt des analyses faites : est-ce pour nous et notre satisfaction intellectuelle ou vraiment pour le bénéfice du patient ? La prémédication systématique à la gabapentine des chats a également été discutée de façon critique, puisque chaque chat est unique et n’en requiert pas toujours. Par ailleurs, l’évaluation de la douleur peut en être modifiée et donc perturber le diagnostic. Pour l’ensemble des conférencières, la médecine féline est une école de l’empathie et de la compassion, qui invite à traiter chaque patient comme si c’était son propre animal. Bien au-delà du diagnostic et de la prescription, le parent du patient félin doit être accompagné pour réussir à donner le traitement. Sam Taylor disait à quel point les Lick-e-Lix (l’une des friandises liquides leaders britanniques) ont changé sa vie et celle de ses patients félins atteints de maladies chroniques.
Malgré tous les traitements médicaux, la bonne volonté de propriétaires attentionnés pour leurs vieux chats, les questions de fin de vie se posent bien différemment qu’en médecine humaine. Si l’euthanasie est un crime ou un échec pour le médecin, elle permet au vétérinaire d’abréger les souffrances. Reste qu’en médecine vétérinaire, ce n’est pas le patient qui décide mais son propriétaire. Certains, dont la qualité de vie est fortement impactée par la prise en charge d’un chat diabétique par exemple, se sentent coupables de penser à une possible euthanasie de leur chat, et ils attendent parfois que leur vétérinaire traitant leur « donne la permission ». Leur proposer, les accompagner (ou les référer à un psychologue si nécessaire) sont des actes importants, en mettant toujours en priorité la qualité de vie du patient félin, qui sait souvent bien cacher sa souffrance.
L’édition 2023 du congrès de la BSAVA2, qui se tiendra du 23 au 25 mars prochain à Manchester de façon hybride (ce qui permet de suivre toutes les conférences en direct depuis la France, puis en replay), consacrera une large part de ses conférences aux soins palliatifs et la fin de vie des animaux, à l’anesthésie, à la dentisterie, à l’imagerie, au management et à la santé mentale des équipes vétérinaires, en consacrant plusieurs conférences à la neurodiversité.