Les vétérinaires valsent au rythme de l'inflation - La Semaine Vétérinaire n° 1981 du 17/03/2023
La Semaine Vétérinaire n° 1981 du 17/03/2023

Enquête

ANALYSE GENERALE

Auteur(s) : Michaella Igoho-Moradel

Dans un contexte inflationniste, une enquête de CM Research analyse l’impact de la situation sur les habitudes des propriétaires d’animaux et des vétérinaires.

Inflation galopante, crise énergétique, guerre en Ukraine, pandémie, etc. Tous ces éléments pèsent sur le budget des ménages. Une étude* menée par CM Research en France, au Royaume-Uni, en Allemagne, en Espagne et aux États-Unis, révèle que l’inflation a des conséquences significatives sur les habitudes des propriétaires d’animaux. Mais pas que, sur les vétérinaires aussi, confrontés à des attentes différentes de leurs clients, et qui mettent en place des stratégies pour traverser les crises. Le rapport, rendu public en février dernier, atteste que le coût élevé de la vie a un impact évident sur le secteur vétérinaire. Un constat d’ailleurs corroboré par différents articles** publiés dans nos colonnes. « L’impact de la crise sur le coût de la vie est évident. Près d’un tiers des propriétaires d’animaux au Royaume-Uni et aux États-Unis se disent très inquiets et ont du mal à suivre ce rythme », mentionne le rapport. En France, 27 % d’entre eux partagent leurs inquiétudes. Côté praticiens aussi, l’inquiétude est palpable. En Espagne, par exemple, plus d’un vétérinaire sur cinq a du mal à faire face à l’augmentation du coût de la vie, quand, en France, la situation paraît maîtrisée : 47 % des vétérinaires répondants indiquent être conscients de la situation mais ne sont pas encore en difficulté.

Les propriétaires réduisent les coûts

Les propriétaires d’animaux disent qu’ils réduiraient leurs propres factures alimentaires avant celles de leurs animaux. Ce poste de dépenses fait partie de leurs principales préoccupations, suivi des dépenses liées à l’énergie. La possession d’un animal de compagnie est une de leurs sources de préoccupation car elle génère des dépenses parfois élevées. Dans la plupart des pays, la réduction des coûts de divertissement est la mesure la plus couramment prise pour faire face à l’inflation. Par exemple, les propriétaires optent pour des magasins spécialisés dans des articles discount ou réduisent leurs congés. Seule une minorité de propriétaires d’animaux déclarent avoir réalisé des économies liées aux soins de leurs animaux de compagnie. Pourtant, les vétérinaires constatent que les comportements des propriétaires changent lorsqu’il s’agit de payer les soins.

Des difficultés de paiement

« La plupart des vétérinaires signalent qu’au moins certains de leurs clients recherchent des traitements en ligne (81 %) ou retardent une visite chez le vétérinaire. » En outre, l’enquête révèle que les vétérinaires sont confrontés à un nombre croissant de propriétaires d’animaux qui ne peuvent pas payer leurs factures, ainsi qu’à des augmentations de prix des fournisseurs. « Les prix de la plupart des produits et services ont augmenté, et ces augmentations de prix ne sont que partiellement répercutées sur les clients », soulignent les auteurs du rapport. En France, près d’un tiers des propriétaires ont fait part de leurs inquiétudes à leur vétérinaire notamment sur les frais de soins. Face à une situation précaire, l’étude montre également que des propriétaires n’ont pas les moyens de payer les frais vétérinaires (en France, ce sont 29 % des répondants). Les vétérinaires estiment qu’environ un propriétaire d’animal sur trois a du mal à payer les soins.

Des propriétaires à la recherche de solutions moins coûteuses

D’autres propriétaires choisissent d’autres issues. Au Royaume-Uni, 62 % des vétérinaires déclarent avoir des clients qui cherchent à euthanasier leur animal malade pour des raisons financières (26 % en France). Globalement, les vétérinaires constatent des changements dans les habitudes de leurs clients. En France, 43 % des vétérinaires remarquent, par exemple, que les propriétaires se rendent moins à la clinique. D’autres tentent ou parviennent à acheter des traitements en ligne, demandent à leur vétérinaire de réduire le coût de soins avec des traitements moins chers, ou recherchent en ligne un traitement avant de se rendre chez le vétérinaire. Près de deux vétérinaires sur trois au Royaume-Uni disent avoir remarqué que les clients retardaient le traitement pour faire des économies. Plus de la moitié de tous les vétérinaires répondants espagnols ont observé que les clients espacent l’administration d’antiparasitaires. Les propriétaires font également des économies sur les dépenses liées au petfood. Ils préfèrent se procurer en ligne des aliments moins chers (59 % des vétérinaires répondants français ont fait ce constat) et ne proposent plus de friandises. Globalement, les vétérinaires tirent moins de revenus des aliments pour animaux de compagnie.

Les vétérinaires s’adaptent

Les vétérinaires rapportent que des clients abandonnent leurs animaux de compagnie. Un vétérinaire sur dix le remarque pour des animaux en bonne santé. Les vétérinaires britanniques constatent également que les propriétaires d’animaux résilient leur assurance. Face à cette situation, les praticiens s’adaptent. Ils se concentrent davantage sur ce qui est absolument nécessaire. Certains commencent à proposer des traitements moins chers ou alternatifs. En France, ce sont 34 % des répondants qui se dirigent vers cette seconde option ; 17 % d’entre eux proposent des opérations chirurgicales aux coûts moins élevés aux propriétaires d’animaux qui ne peuvent pas avoir recours à des soins vétérinaires optimaux pour des raisons financières. La France est le pays le plus susceptible d’opter pour des plans de paiement, avec 88 % des vétérinaires français qui y ont recours. Ils ont tendance à proposer des traitements alternatifs ou des options moins chers, telle une offre de médicaments « utilisés » (par exemple ouverts). Dans les autres pays, les ordonnances en ligne sont également utilisées.

* https://www.cm-research.com/cost-of-living-report-the-impact-of-the-cost-of-living-crisis-on-veterinarians-pet-owners-part-1/

** https://www.lepointveterinaire.fr/publications/la-semaine-veterinaire/article/n-1965/les-veterinaires-face-a-l-inflation.html

Le profil des vétérinaires sondés

En France, ce sont 100 vétérinaires et 400 propriétaires qui ont participé à cette étude de CM Research. Côté praticiens, cet échantillon comprend principalement des femmes (56 %), des profils libéraux (79 %) entre 36 et 45 ans, propriétaires de leurs structures ou associés, avec une expérience professionnelle comprise entre onze et vingt ans.

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