Éthologie
FORMATION MIXTE
Auteur(s) : Conférencier Ludovic Calandreau Article rédigé d’après la conférence « Comment les volailles perçoivent-elles leur environnement ? », lors des 14e journées de la recherche avicole et palmipèdes à foie gras (Tours, 9 et 10 mars 2022), Ludovic Calandreau et coll., proceeding, 30-36.
Comment les volailles domestiques perçoivent-elles leur environnement ? Ont-elles de la mémoire ? Quels niveaux de raisonnement sont-elles capables de mettre en place dans un environnement donné ? Différents travaux de recherche permettent aujourd’hui de disposer de premiers éléments de réponses à ces questions, permettant de mieux cerner les capacités cognitives de ces animaux, et donc leur capacité à s’adapter à un environnement donné. En élevage, ces connaissances s’avèrent essentielles pour adapter les pratiques, et ainsi mieux répondre aux enjeux de bien-être animal qui intègrent désormais la prise en compte de l’état mental de l’animal, au même titre que l’état physique. Parmi les perspectives d’adaptation pourraient alors être envisagés des enrichissements occupationnels, en plus des enrichissements physiques, qui ont l’avantage d’éviter le phénomène d’habituation rencontré avec les objets physiques.
Des oiseaux sociables, capables de percevoir leur environnement
Les oiseaux domestiques disposent de capacités sensorielles relativement développées : bonne vision avec une capacité à explorer visuellement l’environnement tout en veillant à l’absence de prédateur, olfaction performante, perception de l’environnement sonore dont des infrasons non perceptibles par l’humain, et détection des champs magnétiques via le bec. Ces capacités illustrent le fait qu’ils vont pouvoir traiter les informations sensorielles de leur environnement. Par ailleurs, il a été montré chez la poule les aptitudes de cognition sociale. Par exemple, en observant les réactions de ses congénères, un poussin pourra différencier un aliment potentiellement néfaste d’un autre. Autre exemple, les poules peuvent reconnaître un individu qui n’appartient pas au groupe. La poule aura des vocalises différentes suivant les situations ou les individus rencontrés : par exemple, la poule émet des vocalises différentes selon que les prédateurs sont terrestres ou aériens.
Des processus cognitifs élaborés
Les poules et poulets ont des capacités de mémorisation. La plus connue est l’empreinte, correspondant à la mémorisation du premier objet mobile vu par l’oiseau, par exemple la mère. C’est une mémoire rapide et qui dure. Il y a aussi des processus de mémorisation spatiale, des plus simples (mémoire indicée : l’oiseau se repère grâce à quelques marqueurs de son environnement) aux plus complexes (carte mentale : repérage spatial via de nombreux éléments de l’espace). Parmi les capacités cognitives les plus complexes, il y a entre autres le fait de pouvoir reconnaître un objet même s’il est partiellement caché, d’évaluer des quantités, de faire du calcul mental, ou encore de raisonner en comparant des informations déjà mémorisées. Des expérimentations ont suggéré que les poules pourraient être également capables de métacognition, c’est-à-dire de pouvoir évaluer leur niveau de connaissances. Ce développement cognitif permet aux oiseaux de s’adapter au mieux à leur environnement : par exemple, le calcul mental permet aux poussins de rejoindre le groupe avec le plus grand nombre d’individus qui les protégera mieux (température, prédateurs). La métacognition aide à gérer les situations d’incertitude.
Des liens entre cognition et comportements en élevage
La compréhension des capacités cognitives des oiseaux permet d’expliquer certains comportements en élevage. Par exemple, l’exploration d’un parcours extérieur dépend des capacités de chaque individu de traiter les informations de son environnement. Il a été montré que les poulets les moins explorateurs avaient de plus grande capacité de mémoire spatiale que les poulets les plus explorateurs : ils discriminent plus finement l’environnement que les autres (flexibilité cognitive) pouvant conduire à des inhibitions de comportements. C’est l’inverse chez la poule : les plus exploratrices ont de meilleures capacités spatiales. Ces résultats opposés montrent au moins un lien entre capacités cognitives et comportements, et aussi la complexité de la question. Autre exemple : le picage sévère, qui correspond à du picage dirigé vers d’autres individus avec arrachage de plumes et blessures de peau. Si une soixantaine de facteurs seraient impliqués dans son apparition, il a été suggéré un lien entre picage et capacités d’apprentissage social. Des études évoquent également un lien entre picage sévère et désordres cognitifs ou cérébraux (dysfonctionnement du système dopaminergique). D’autres études restent nécessaires pour affiner la compréhension de ce phénomène.