Une question d’images

La question de la visibilité de la souffrance animale dans les élevages intensifs et dans les abattoirs est l’enjeu du paradoxe que nous vivons en réprouvant les pratiques de l’industrie tout en continuant de consommer ses produits. Ce documentaire s’en saisit et mène une enquête internationale contre un système généralisé dont il dénonce les stratégies d’invisibilisation (en cachant la violence ou en la normalisant). Les images cherchent à susciter l’éveil des consciences mais moins brutalement que celles des vidéos de l’association L214 : cadrages épurés des alignements infinis de niches à veaux aux États-Unis, hauts bâtiments des porcheries chinoises, infographies high-tech décrivant sans affect le broyage des poussins… le soin porté à la forme participe à faire imaginer la souffrance endurée. Des témoins à charge viennent la corroborer comme cet attachant couple d’éleveurs vendéens qui ont réussi à sortir de l’engrenage sournois du système intensif ou ce vétérinaire américain mélancolique, ancien salarié de l’industrie de la viande et devenu lanceur d’alerte. Par leur repentir exemplaire, le film laisse entrevoir l’espoir d’un possible renversement de la société. Une réflexion que l’on pourra prolonger avec le livre de Romain Espinosa (voir ci-contre), un des intervenants.

• L’Usine des animaux, de Caroline du Saint et Damien Vercaemer, France, 2022, 1 h 37, diffusé sur Arte le 14 mars 2023 à 20 h 55 et disponible sur arte.tv jusqu’au 9 septembre.