Pacte d’associés : un rempart à toute épreuve - La Semaine Vétérinaire n° 1980 du 10/03/2023
La Semaine Vétérinaire n° 1980 du 10/03/2023

Sociétés

ENTREPRISE

Auteur(s) : Par Jacques Nadel

Afin de renforcer la protection de l’indépendance des vétérinaires libéraux, l’ordonnance du 8 février 2023 relative à leur exercice en société impose la transmission à l’Ordre du pacte d’associés. Jean-Louis Briot, avocat associé du cabinet Implid Legal, revient sur l’importance de ce document et sur certaines clauses qui appellent à la plus grande vigilance au moment de leur rédaction.

Le pacte d’associés a longtemps été stipulé strictement confidentiel entre associés, ce qui n’enlève rien à sa validité et à son efficacité juridique. « L’arrivée des fonds financiers dans le monde vétérinaire a institutionnalisé la création de pactes d’associés intégrant des clauses limitant la liberté d’exercice professionnel des vétérinaires, observe Jean-Louis Briot. Les ordres depuis réclament quasi systématiquement que les pactes d’associés leur soient transmis. L’ordonnance du 8 février, qui entrera en application au 1er septembre 2024 impose cette transmission. » De plus, avec le développement de la taille des sociétés, de nombreux vétérinaires associés sont minoritaires. « Le pacte d’associés apparaît alors comme un rempart de défense efficace des intérêts des minoritaires face aux décisions d’associés majoritaires ou de groupes d’associés majoritaires », explique-t-il.

Le pacte d’associés est une convention extra-statutaire, indépendante des statuts, traitant des relations particulières, notamment financières, entre tout ou partie des associés d’une ou de plusieurs sociétés. Il permet entre autres d’assurer la protection des associés minoritaires. Il peut également concerner les relations entre vétérinaires associés dans plusieurs sociétés (société d’exercice libéral, société de participations financières de professions libérales, société civile immobilière [SCI]). « Il doit être établi en prenant en compte les règles statutaires pour venir les compléter ou les préciser, indique-t-il. Ses signataires peuvent convenir que ces dispositions s’imposeront à eux par priorité aux règles statutaires et/ou du règlement intérieur. »

Les clauses importantes

Les clauses sensibles concernent la stabilité de l’association (clause d’inaliénabilité), le renforcement du contrôle des entrées/sorties (droit de préemption), la protection des associés minoritaires (clause de sortie conjointe) et celle des associés majoritaires (clause de sortie forcée).

La clause d’inaliénabilité

Cette clause a un intérêt en présence de spécialistes associés et/ou d’emprunts importants souscrits par la société. Elle contraint un associé souhaitant sortir du capital de la société avant la fin d’un délai fixé au pacte (souvent entre trois et cinq ans) à rembourser une partie de l’endettement de la société, tel qu’existant au jour de son départ, au prorata de sa participation au capital de la société. Elle peut ne pas s’appliquer aux cas de départ légitime (incapacité, retraite…).

Le droit de préemption réciproque

Cette clause instaure une obligation pour tout signataire souhaitant céder tout ou partie de sa participation de la proposer par priorité à ses associés préalablement à la recherche d’acquéreurs tiers à la société. La cession est alors réalisée à un prix fixé à l’avance conventionnellement entre les parties. On peut prévoir des priorités entre associés au titre de la préemption – associés fondateurs prioritaires, puis les autres associés notamment minoritaires – afin de leur permettre d’augmenter leurs participations dans des limites préétablies. En présence d’une SCI, il peut être opportun, selon l’avocat, de créer une obligation de céder les parts en même temps que celles de la société d’exercice.

La clause de sortie conjointe

Les associés minoritaires peuvent exiger d’être vendus en même temps que des associés majoritaires vendant leurs participations. Cette clause leur permet de ne pas cohabiter avec un majoritaire qu’ils n’auraient pas choisi. Ils peuvent alors demander que leur participation soit achetée au prix fixé annuellement dans le cadre du pacte ou au prix de cession proposé si celui-ci est supérieur.

La clause de sortie forcée

Les dispositions organisent la possibilité de contraindre des associés minoritaires à vendre leurs participations en cas d’offre globale portant sur la totalité du capital, et acceptée par un groupe majoritaire d’associés. Ceux-ci peuvent demander à être achetés au prix fixé annuellement dans le cadre du pacte. « Les offres des acteurs financiers recherchant l’acquisition de la totalité du capital de structures d’exercice nécessitent de mettre à jour l’intérêt d’une telle clause », souligne Jean-Louis Briot.

La valorisation de la société

« Dans de nombreux conflits entre associés, les échanges ou blocages les plus longs concernent la valorisation de la participation de l’associé sortant, remarque-t-il. Il est indispensable d’organiser la fixation périodique (une fois par an) par les associés de la valeur de la société, en pratique à l’occasion de l’assemblée générale annuelle d’approbation des comptes sociaux. Il convient de créer en parallèle une obligation périodique de valorisation de la clientèle dans la mesure où, dans les sociétés d’exercice vétérinaire, la valeur de la clientèle est une composante très importante de la valeur des parts de société. »

La valeur ainsi déterminée s’impose dans toute opération de transfert intervenant entre les associés, leurs héritiers et ayants droit. « En présence d’une SCI détenue par les associés de la société d’exercice, il est également nécessaire de prévoir une fixation annuelle de la valeur des parts. »

La sortie forcée d’un associé gérant

Cette clause permet de contraindre un associé à céder sa participation dans la société pour le cas où il serait révoqué de ses fonctions de mandataire social (gérant, président…). « Bien que relativement répandue, elle peut s’avérer dangereuse pour l’associé qui ne détient pas une majorité suffisante pour empêcher sa propre révocation, met-il en garde. Il peut être prévu que la cession contrainte soit réalisée à un prix décoté en cas de révocation pour juste motif, ou encore une indemnisation en cas de révocation sans juste motif. »

La rémunération

Le pacte peut organiser les règles de rémunération sur les principes suivants : temps de travail égal = rémunération égale, rémunération à points, possibilité de temps partiel, possibilité de congés sabbatiques. À quel titre la rémunération est-elle versée ? Mandat social, fonctions techniques, gardes, astreintes ? Il faut également prévoir le sort du règlement des cotisations sociales générées par ces rémunérations (payées par la société pour le compte des associés ou par les associés eux-mêmes, ou payées et prises en charge par la société). « Par souci de simplicité et de transparence, il est assez souvent prévu que les rémunérations sont versées brutes et que chaque associé fait son affaire personnelle du paiement de ses cotisations », signale-t-il.

Les assurances croisées

Les assurances croisées souscrites par chaque associé leur permettent d’assurer le financement de l’achat de leur participation dans le cas de leur propre décès ou invalidité.

L’assurance homme clé, souscrite par la société, présente l’avantage de lui permettre de passer en charge les cotisations versées (après examen au cas le cas) et de limiter le nombre de cotisations. Cette dernière clause est aujourd’hui souvent préférée à la clause d’assurances croisées.

En cas de modification du pacte

Très souvent, le pacte est modifiable à l’unanimité (moins quelques voix pour les structures réunissant un grand nombre d’associés). Dans cette hypothèse, il devient un sanctuaire juridique dans lequel les associés font figurer les règles financières et de gouvernance particulière de la société et/ou certains éléments de leur statut personnel qu’ils souhaitent pérenniser.

Non-respect du pacte : quelle sanction ?

Le non-respect du pacte d’associés est sanctionné dans les conditions du non-respect des contrats. En l’absence d’accord amiable, il conviendra de mettre en place une procédure judiciaire afin d’obtenir le paiement de dommages et intérêts au profit des signataires du pacte ayant subi un préjudice du fait de la contravention aux règles du pacte.

Cette condamnation suppose de démontrer l’agissement fautif, le préjudice et son montant, celui qui en est l’auteur, le lien de causalité entre cet agissement et le préjudice revendiqué.

La sanction peut être longue à mettre en œuvre. Son montant peut être prévu dans le pacte, il s’agit alors d’une clause pénale dont le montant pourra cependant être révisé par le juge. L’exécution forcée du pacte d’associés est possible en cas de violation d’une obligation de faire (par exemple, une violation d’une clause de non-concurrence contenue au pacte).

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