FORMATIONS CONTRE LA MALTRAITANCE ANIMALE : LE RÔLE DES VÉTÉRINAIRES - La Semaine Vétérinaire n° 1980 du 10/03/2023
La Semaine Vétérinaire n° 1980 du 10/03/2023

Justice

ANALYSE GENERALE

Auteur(s) : Par Brigitte Leblanc

À Tulle (Corrèze), la formation « Animaux, droit pénal et voie publique » est un bel exemple de l’implication de la profession dans une formation transdisciplinaire.

Le 27 janvier 2023, un partenariat inédit entre les ministères de l’Agriculture, de l’Intérieur et la Société protectrice des animaux (SPA) a vu le jour, dans le but de lutter contre la maltraitance animale, en désignant dans chaque circonscription de police, dans chaque brigade de gendarmerie et dans chaque direction départementale de la protection des populations un référent unique (soit 4 000 personnes au total), ainsi qu’en confiant à la SPA la formation de 15 enquêteurs spécialisés, pour pourvoir la création de quinze postes annoncée à l'automne dernier. Cela constitue sans nul doute une avancée spectaculaire, mais certaines administrations ont anticipé cette volonté de former les forces de l’ordre. Ainsi, une initiative inédite a été portée par François Fournié, procureur de la République à Tulle, et son équipe, dont Agnès Maatoug, responsable de la réalisation du projet.

Rôle du vétérinaire pour reconnaître les signes de maltraitance

Les 26 et 27 janvier 2023 se sont ainsi tenues à Tulle deux journées de formation adressées aux magistrats et aux forces de l’ordre, ayant pour but de leur fournir des éléments pratiques, scientifiques et juridiques dans la lutte contre la répression des atteintes aux animaux1. Une première session avait eu lieu en décembre 2022, chacune rassemblant une vingtaine de stagiaires issus de la police nationale et municipale, de la gendarmerie, ainsi que des délégués du procureur. Des sujets variés mais complémentaires ont été abordés, tels que la politique publique en matière de protection animale, les atteintes pénales aux animaux domestiques et assimilés mais aussi aux espèces sauvages ainsi que leurs aspects procéduraux, les animaux errants et les chiens catégorisés, la maltraitance animale, son lien avec la maltraitance humaine, etc.

Ces présentations ont été menées par des intervenants de milieux disciplinaires différents (droit, médecine vétérinaire, psychiatrie, associations de protection animale, éducateur canin) mais aussi d’organismes tels que l’Office français de la biodiversité et les directions départementales de l’emploi, du travail, des solidarités et de la protection des populations (DDETSPP). Le milieu vétérinaire a été représenté dans deux domaines complémentaires : la reconnaissance des signes de maltraitance sur les animaux de rente et de compagnie, et le rôle du vétérinaire au sein des DDETSPP.

DDETSPP, vétérinaires sanitaires et services municipaux agissent de concert

Les vétérinaires de la DDETSPP de la Corrèze, Nicolas Calvagrac (L 99) et Christophe Pradel (T 92) ont axé leur intervention sur la fenêtre de compétence des services vétérinaires qui concerne les animaux détenus par des professionnels, qu’il s’agisse d’animaux de production ou de compagnie, et pas des animaux de particuliers ou en divagation – la divagation étant du ressort du maire de la commune. En cas de signalement, des contacts préalables à un contrôle de terrain sont pris avec les vétérinaires sanitaires des élevages ainsi qu’avec les services municipaux. Il est également primordial de connaître la gradation des qualifications pénales : la plupart des infractions correspondent à des mauvais traitements et, plus rarement, les services relèvent des actes de cruauté. À noter que, lors d’un suivi d’élevage avec plusieurs constats de mauvais traitements et sans amélioration, une requalification en actes de cruauté voire en abandon est possible. Par ailleurs, la surveillance du respect des lois et des normes en vigueur dans les abattoirs ainsi que lors du transport des animaux de production complète leur périmètre d’intervention, avec la mise en place de contrôles routiers. Le guide de transportabilité des animaux est un outil professionnel pédagogique permettant d’illustrer les situations réglementaires et les anomalies au titre du bien-être animal. Le rôle des services officiels est donc d’avoir un jugement professionnel et réglementaire sur les conditions de détention animale pour garantir le bien-être, combattre la maltraitance et faire la part des choses vis-à-vis de situations parfois dénoncées à tort comme source de souffrance.

Croiser les indices d’éventuelles maltraitances

Le vétérinaire praticien, en contact direct avec les animaux, est à même de former sur la reconnaissance des signes de maltraitance animale : il convient d’analyser aussi bien les conditions de vie, ou de détention, de l’animal que son aspect physique, hygiène, lésions, score corporel. Son comportement, tant avec son maître qu’avec des étrangers, la distance de fuite qu’il instaure ou la présence de stéréotypies sont autant de critères qu’il convient de noter et de croiser, des critères d’autant plus importants que leur apparition est précoce dans le mal-être que subit l’animal face à une contrainte. De ce fait, l’accent doit être mis sur la nécessité de bien connaître l’espèce animale concernée, ses besoins physiologiques et comportementaux, afin de définir sa conception du bien-être, telle que l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail le décrit2. Il est également indispensable de croiser les indices d’éventuelles maltraitances afin de ne pas se fourvoyer dans leur interprétation et ne pas risquer de qualifier à tort de maltraitance une affection peut-être déjà prise en soins.

L’intervention des vétérinaires dans ce type de formation est d’autant plus importante qu’ils sont reconnus pour être un maillon important dans la reconnaissance de la maltraitance humaine, dont le lien avec la maltraitance animale est de nos jours pleinement connu et reconnu.

Devant la forte demande de formation, d’autres dates sont prévues courant 2023 à Tulle et à Brive-la-Gaillarde (Corrèze), berceau historique du droit animalier. Gageons que de telles formations vont fleurir dans d’autres parquets, améliorant de fait la prise en charge des atteintes aux animaux, malheureusement de plus en plus fréquentes, d’après le ministère de l’Intérieur qui a relevé une hausse de 30 % des infractions liées aux animaux enregistrées entre 2016 et 20213. Et espérons que les formations des forces de l’ordre prévues par le partenariat précité fassent une place aux vétérinaires dont l’expertise en matière de bien-être animal et de lutte contre la maltraitance n’est plus à prouver, comme l’a rappelé Agnès Maatoug.

  • 1. Post Facebook Procureur de la République de Tulle, 30 janvier 2023. bit.ly/3ZcSp3t.
  • 2. Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail. Le bien-être animal en 8 questions. bit.ly/2WWaXnQ.
  • 3. Maltraitance animale : hausse de 30 % des infractions enregistrées entre 2016 et 2021. Le Monde avec AFP, 28 octobre 2022. bit.ly/3uVNvud.
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