Étiologie des érosions et ulcères gastro-duodénaux chez le chien - La Semaine Vétérinaire n° 1980 du 10/03/2023
La Semaine Vétérinaire n° 1980 du 10/03/2023

Gastro-entérologie

FORMATION CANINE

Auteur(s) : Tarek Bouzouraa

Les érosions et ulcérations gastro-intestinales peuvent causer des vomissements, un inconfort viscéral, de l’hématémèse ou du méléna. Elles peuvent engendrer des saignements digestifs abondants, parfois à l’origine d’une anémie par perte hémorragique, qui justifient le recours à une transfusion dans les cas les plus graves. Les facteurs causaux rapportés dans la littérature incluent les anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS), les tumeurs gastro-intestinales et les affections hépatobiliaires. Les études disponibles sur ce thème souffrent de plusieurs limites (caractère rétrospectif et absence de groupe contrôle), ce qui réduit la pertinence de leurs conclusions. Dans ce contexte, une équipe a publié les résultats de ses recherches basées sur l’autopsie de chiens sujets aux érosions et aux ulcérations gastro-intestinales*.

Une étude basée sur des observations visuelles en nécropsie

L’étude recense rétrospectivement (entre janvier 2008 et septembre 2018) les dossiers de 168 chiens avec des érosions et/ou des ulcères gastro-intestinaux macroscopiques, qui sont comparés à 168 autres cas chez lesquels aucune anomalie de ce type n’a été mise en évidence (groupe contrôle). L’historique médical (administration de molécules potentiellement ulcérogènes), les données épidémiologiques, cliniques et paracliniques (essentiellement urémie, créatininémie) sont recensées.

L’âge médian est de 8 ans chez les chiens présentant des anomalies gastro-intestinales. Les labradors sont les plus représentés (16,7 %), sans prédisposition de sexe, et les catégories de chiens les plus fréquentes dans cette étude concernent les chiens de sport (28 %), de travail (19 %) et de traîneau (12 %).

Les lésions sont localisées sur l’estomac chez 148/168 chiens (88 %), sur le duodénum chez 20/168 chiens (12 %) et sur les deux zones chez 10/168 chiens (6 %). En présence de lésions gastriques, la localisation précise est renseignée dans 91/148 cas, avec 27/91 lésions pyloriques (30 %), 11/91 lésions en regard du corps gastrique (12 %), 10/91 respectivement en regard du fundus et de la grande courbure (11 %), 3/91 sur le cardia (3 %), 2/91 en regard de la petite courbure (2 %) et 1/91 sur l’antre (1 %). Des lésions sont présentes sur plusieurs sites chez 27/91 chiens (30 %).

Origine des érosions

Durant la semaine précédant leur mort, 28/168 chiens ont reçu des AINS (17 %) et 45/168 des corticoïdes (27 %), dont six chiens à qui on a administré simultanément les deux médications (2 %). Un total de 32/168 chiens (19 %) présente une coagulation intravasculaire disséminée, un état de choc ou un sepsis avant leur décès. Un bilan biologique est disponible pour 134/168 chiens, avec 31/134 chiens azotémiques (23 %).

Au regard de l’examen d’autopsie réalisé, une lésion néoplasique est mise en évidence chez 64/168 chiens (38 %, avec comme tumeurs majoritaires les carcinomes gastriques [22/64], les lymphomes [14/64] et les hémangiosarcomes [10/64]), une affection hépatobiliaire chez 52/168 chiens (31 %, dont  22/52 chiens avec des tumeurs hépatiques et 15/52 avec une hépatite chronique active), une néphropathie chez 47/168 chiens (28 %) et une atteinte gastro-intestinale chez 44/168 chiens (26 %). Finalement, 14/168 chiens ne présentent aucune anomalie qui puisse expliquer la présence des lésions.

Comparaisons avec le groupe contrôle

L’analyse multivariée confirme que l’administration préalable d’AINS (rapport de risque x 6,1) et de corticoïdes (x 2,86), la présence d’une tumeur digestive (x 12,7), une obstruction digestive physique par un corps étranger, une dilatation-torsion gastrique ou un volvulus intestinal (x 4,8), l’appartenance au groupe « chien de travail » (x 2,9) sont des facteurs significativement associés au diagnostic d’érosions et/ou d'ulcérations digestives. Finalement, l’étude ne montre pas d’association entre les affections hépatobiliaires, les tumeurs des autres sites anatomiques (foie, pancréas, reins) et la présence d’érosions ou d'ulcérations gastro-intestinales.

  • * Pavlova E., Gold R. M., Tolbert K. M., Lidbury J. A. Medical conditions associated with gastroduodenal ulceration or erosion in 168 dogs: 2008-2018. J Vet Intern Med. 2021;35(6):2697-704.
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