Traitement de l’encombrement bronchique - La Semaine Vétérinaire n° 1974 du 27/01/2023
La Semaine Vétérinaire n° 1974 du 27/01/2023

Pneumologie

ANALYSE CANINE

Auteur(s) : Gwenaël Outters

Conférencière

Céline Pouzot-Nevoret (L 02), dipl. ECVECC, professeure en urgence, réanimation et soins intensifs des carnivores domestiques et responsable du service d’urgence et de soins intensifs à VetAgro Sup (Rhône).

Article rédigé d’après la conférence « Nébuliser et désencombrer l’appareil respiratoire » présentée au congrès 2021 de l’Association française des vétérinaires pour animaux de compagnie, organisé à Bordeaux (Gironde).

L’encombrement bronchique est un syndrome qui correspond à l’accumulation de sécrétions dans les voies aériennes, qui se manifeste par des difficultés respiratoires et une toux grasse, et dont les origines sont vastes. La cause la plus fréquente est la bronchopneumonie par aspiration, suivie de l’asthme et des bronchopneumonies infectieuses. L’encombrement bronchique peut aussi s’observer chez des animaux hospitalisés durant plusieurs jours, en décubitus latéral prolongé ou pendant la période postopératoire. Des méthodes simples favorisent l’amplitude respiratoire et l’expectoration : faire marcher l’animal ou mobiliser les membres thoraciques, aspirer les sécrétions nasales avec un mouche-bébé, changer régulièrement de décubitus, privilégier la position sternale. Viennent ensuite la nébulisation et la kinésithérapie respiratoire.

Nébulisation

La nébulisation a pour objectifs de limiter l’accumulation de mucus, de faciliter l’expectoration, d’augmenter l’amplitude respiratoire de manière à diminuer l’atélectasie liée au décubitus, d’améliorer le confort de l’animal et la ventilation-perfusion. Elle consiste à administrer un médicament via des particules solides ou liquides mises en suspension dans un milieu gazeux. Le but est d’atteindre directement l’organe cible, avec une action rapide. Le poumon représente une grande surface d’absorption. Cette voie d’administration est indolore et facile, permet de diminuer les doses et présente peu d’effets indésirables systémiques.

Matériel

Deux moyens sont possibles : l’aérosol-doseur et le nébuliseur. Le premier, éventuellement associé à une chambre d’inhalation et à un masque, ralentit la course des particules, qui peuvent ainsi être déposées dans les voies respiratoires à chaque inspiration. Le nébuliseur existe sous trois formes : pneumatique (le médicament est pulvérisé à l’aide d’un gaz), à tamis (le médicament passe à travers un tamis qui forme les gouttelettes), ultrasonique (les gouttelettes de médicament sont produites par l’action des ultrasons). Il est adaptable à tous les animaux et autorise l’utilisation de produits non disponibles pour les aérosols-doseurs. Les séances sont cependant plus longues (10 minutes versus 10 inhalations), les performances sont variables selon les machines, et des pertes de médicament dans l’environnement sont à déplorer si le masque n’est pas parfaitement approprié à la morphologie de l’animal.

Le résumé des caractéristiques du produit du médicament administré indique le type de nébuliseur à employer. Différents masques permettent de s’adapter à la morphologie de l’animal. Le nébuliseur doit offrir un diamètre aérodynamique médian inférieur à 5 µm pour que les gouttelettes soient déposées dans les bronches, voire dans les alvéoles. Le nébuliseur pneumatique est le plus adéquat en médecine vétérinaire.

Bonnes pratiques

Le produit à nébuliser est déposé dans la cupule, la séance dure 10 minutes, pas davantage sous peine d’irriter les voies respiratoires. La quantité de produit est adaptée au fil des séances, elle est fonction de l’animal et de l’appareil. Il est possible de maintenir l’oxygénothérapie pendant la nébulisation chez les animaux très dyspnéiques. Le débit est de 7 l/min pour obtenir des gouttelettes de 5 µm de diamètre. Si besoin, l’animal peut être sédaté avec du butorphanol (0,1 à 0,2 mg/kg). Le masque est préféré à la cage, avec laquelle le dépôt est moins performant. Les nébulisations sont éloignées des repas car elles peuvent générer des nausées.

À éviter

Il est déconseillé de mélanger les molécules, au risque d’en diminuer l’efficacité. Les excipients huileux sont à l’origine d’irritation des voies respiratoires et de bronchoconstriction. Les formes utilisées ont un excipient aqueux. En particulier, il ne faut pas nébuliser le Pul Phyton ou le Goménol1 chez les chats asthmatiques. Enfin, la N-acétylcystéine provoque des bronchospasmes chez les individus asthmatiques.

Médicaments utilisables

Le NaCl isotonique permet de diluer des médicaments pour les administrer par nébulisation. Il humidifie les voies respiratoires et fluidifie les sécrétions collantes. Il peut être mélangé à d’autres molécules.

Le NaCl hypertonique (3,6 % ou, mieux, 7 %) est employé pur. Il améliore le fonctionnement de l’appareil mucociliaire, il est mucolytique et anti-inflammatoire (cette propriété a été démontrée expérimentalement chez l’humain). Dans les bronchopneumonies par aspiration, les NaCl isotonique et hypertonique sont utilisés en alternance, 2 fois par jour chacun, avec un intervalle de 4 heures entre les séances.

Le recours aux antibiotiques pour les bronchopathies par aspiration ou infectieuses n’est pas recommandé en médecine vétérinaire. Cependant, plusieurs travaux ont prouvé le bénéfice de la gentamicine en inhalation chez l’humain (bonne concentration pulmonaire sans effet néphrotoxique). Une étude2 a montré le bénéfice de son utilisation non diluée (concentration 5 %) pendant 10 minutes, 2 fois par jour, durant 3 semaines dans le traitement de la toux de chenil (meilleure récupération). Pour les autres maladies, il n’y a pas de recommandation formelle. Dans tous les cas, les manipulateurs doivent être protégés (masques de chimiothérapie).

Des bronchodilatateurs (terbutaline, bêta-2-mimétique, Bricanyl1 5 mg/2 ml), à raison de 2,5 mg, pendant 10 minutes, 2 fois par jour, peuvent être employés, bien qu’il y ait peu de données scientifiques les concernant.

Les corticoïdes sont classiquement utilisés (budésonide, Pulmicort1, 0,5 mg pendant 10 minutes, 2 fois par jour, uniquement avec un nébuliseur pneumatique). Ils n’ont pas d’effet systémique.

Kinésithérapie respiratoire

Après la nébulisation, puisque les sécrétions sont fluidifiées, les animaux sont encombrés. Des techniques de désencombrement bronchique3,4, calquées sur les techniques respiratoires pratiquées chez les bébés, sont couplées aux nébulisations. Le principe est d’appliquer sur le thorax du chien une pression lente pendant l’expiration, de manière à augmenter le flux et le débit expiratoire pour faire remonter les sécrétions dans les voies respiratoires supérieures, puis de l’aider à tousser.

Le vétérinaire se place dorsalement à l’animal, installé en décubitus latéral. Une main épouse la forme du diaphragme et tient le sternum afin que la pression exercée sur le thorax ne se diffuse pas dans l’abdomen et que le flux remonte bien vers les voies respiratoires supérieures. L’autre main est posée sur la partie la plus ronde et haute du thorax pour appliquer la pression pendant l’expiration. Celle-ci est forcée par la pression des mains. L’animal commence à déglutir les sécrétions qui remontent dans sa gorge. Après 5 ou 6 pressions sur le thorax, la manœuvre se termine par une séance de toux, provoquée en palpant la trachée pour expectorer les sécrétions. La manipulation est renouvelée pendant 5 à 10 minutes, puis l’animal est changé de décubitus. Enfin, il est promené afin qu’il puisse finir d’expectorer.

Ces séances de nébulisation et de kinésithérapie respiratoire sont chronophages. Cependant, notre consœur constate, par son expérience, qu’elles apportent une nette amélioration aux animaux très encombrés.

  • 1. Pharmacopée humaine.
  • 2. Canonne A.M., Roels E., Menard M., et al. Clinical response to 2 protocols of aerosolized gentamicin in 46 dogs with Bordetella bronchiseptica infection (2012-2018). J Vet Intern Med. 2020;34(5):2078-85.
  • 3. Pouzot-Nevoret C., Goy-Thollot I., Billet D., et al. Evaluation of a new chest physiotherapy technique in dogs with airway fluid accumulation hospitalized in an intensive care unit. J Vet Emerg Crit Care (San Antonio). 2018;28(3):213-20.
  • 4. Pouzot-Nevoret C., Magnin M., Barthélemy A., et al. Effectiveness of chest physiotherapy using passive slow expiratory techniques in dogs with airway fluid accumulation: A randomized controlled trial. J Vet Intern Med. 2021;35(3):1525-35.
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