Mémoire intime et collective

Accaparés par le présent, nous oublions l’extrême pauvreté dans laquelle se trouvait une partie de l’Europe il y a un siècle à peine et les migrations économiques que cela entraîna. Grâce à l’animation, Alain Ughetto renoue un dialogue fictif avec sa grand-mère Cesira (ressuscitée sous les traits d’une figurine) et, à travers elle, offre un touchant témoignage de l’histoire de sa famille, qui, dans un petit village de charbonniers dans les montagnes piémontaises, dut faire face au dénuement, à la faim, aux rudes emplois saisonniers (sur les grands chantiers des tunnels et des barrages), aux guerres, à la grippe espagnole, au fascisme… En marchant dans les pas de Cesira et de son grand-père Luigi, ses attachants aïeuls qui finirent par s’exiler en France, le cinéaste retrace le destin, âpre mais digne et toujours positif, de ces migrants italiens, qui, de fait, ont contribué au développement du pays. Cousu main (elle entre parfois dans le champ) avec des matériaux très simples (les maisons sont en carton, les montagnes, en charbon de bois, les arbres, des brocolis), ce sensible hommage familial, réaliste et poétique, convoque l’Histoire et touche à l’universel. Depuis Ma vie de Courgette, de Claude Barras, sorti en 2015, aucun film en stop motion n’avait été aussi bouleversant.

• Interdit aux chiens et aux Italiens, d’Alain Ughetto, avec les voix d’Ariane Ascaride et d’Alain Ughetto, musique de Nicola Piovani, 1 h 10,  sortie le 25 janvier.